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COVID-19 : information « essentielle » sur les conséquences de continuer les activités d’une entreprise de « services non essentiels » en Ontario et au Québec

25 mars 2020 Bulletin sur la COVID-19 Lecture de 7 min

En réaction aux préoccupations croissantes au sujet de la COVID-19, les gouvernements de l’Ontario et du Québec ont tous deux déclaré l’état d’urgence et ont pris une série de décrets pour lutter contre la propagation du virus.

Le 23 mars, les deux gouvernements ont ordonné la fermeture obligatoire de toutes les entreprises et de tous les lieux de travail non essentiels à compter de minuit, le mardi 24 mars 2020[1]. En gros, ces décrets signifient que certaines entreprises seront autorisées à poursuivre leurs activités, et d’autres non. Par conséquent, la viabilité de certaines entreprises et l’emploi de certaines personnes sont fortement touchés par ces décisions du gouvernement. Ce sont des intérêts importants qui sont en jeu.

Il est essentiel que les entreprises de l’Ontario et du Québec réfléchissent à l’incidence de ces régimes sur leurs activités. Le présent bulletin décrit les conséquences possibles pour les particuliers et les entreprises qui contreviennent à ces ordonnances d’urgence provinciales.

D’ailleurs, d’autres territoires ont émis des avis semblables (p. ex., le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard). Il y en aura probablement d’autres. McMillan peut aider à l’analyse dans chaque administration où une entreprise exerce ses activités et fournir des renseignements pour aider les entreprises interprovinciales.

Ontario

Le régime de l’Ontario est dicté par un décret pris en vertu d’une loi de mesures d’urgence.

La Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence[2] de l’Ontario permet de délivrer des décrets d’urgence[3]. Il peut s’agir de décrets ordonnant la fermeture d’entreprises, d’établissements et d’institutions[4].

Il semble que le premier ministre Doug Ford ait dressé sa « liste des entreprises essentielles » en vertu de ce pouvoir, puisque la page Internet parle de cette liste comme « du présent décret », sans toutefois faire référence à la loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario ou à toute autre disposition[5]. Compte tenu des mesures prises antérieurement par le gouvernement de l’Ontario[6], nous pouvons nous attendre à ce que le décret entre en vigueur par un règlement adopté en vertu de l’article 7.0.1 de la Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario.

Le défaut de se conformer au décret de mesures d’urgence ou d’entraver l’exercice d’un pouvoir ou d’une fonction conféré par ce décret constitue une infraction[7].

Les sanctions imposées pour avoir contrevenu à un décret délivré en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario peuvent être importantes. Quiconque est reconnu coupable de cette infraction est passible d’une amende maximale de 100 000 $ et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Si la personne déclarée coupable est un administrateur ou un dirigeant d’une société, elle peut être passible d’une amende maximale de 500 000 $ et d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an. Il est certes impossible d’emprisonner une société qui serait reconnue coupable de cette infraction, mais elles peuvent être passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 000 $. Ces amendes peuvent être imposées pour chaque jour où l’infraction a été commise. [8] L’absence de peines minimales laisse croire que le gouvernement s’est contenté d’accorder au tribunal un pouvoir discrétionnaire important lorsqu’il impose une peine dans une telle affaire.

De plus, un particulier ou une société peut également recevoir une amende égale à l’avantage financier acquis ou accumulé par la perpétration de l’infraction[9]. Si une entreprise non essentielle demeure ouverte, le tribunal pourrait ordonner à la société de renoncer au gain financier obtenu en demeurant ouverte et (ou) à une personne de renoncer à la rémunération obtenue.

En plus des amendes, des confiscations et de l’emprisonnement, toute personne qui viole un décret de mesures d’urgence peut également voir ses droits limités par une ordonnance du tribunal[10]. La Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario permet à la Couronne du chef de l’Ontario, à un membre du Conseil exécutif ou au commissaire à la gestion des situations d’urgence de demander à la Cour supérieure de justice de restreindre le comportement en question. On peut présumer que le gouvernement y aurait recours si une entreprise ne ferme pas ses portes après avoir reçu un avis de fermeture.

La Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario ne prévoit aucun moyen de défense. La Loi contient une disposition contre l’application de pénalités rétroactives[11].

Si une entreprise ne se conforme pas au décret, un tribunal pourrait tenir compte de la « diligence raisonnable » ou de moyens de défense semblables dans une poursuite en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, mais rien ne garantit qu’il sera possible d’invoquer ces moyens de défense.

Québec

Le régime du Québec est structuré différemment de celui de l’Ontario. Jusqu’à présent, la province a traité la pandémie comme une « urgence de santé publique ». Il s’agit d’une désignation disponible en vertu de la Loi sur la santé publique[12] (la « Loi sur la santé du Québec »).

Nous avons également inclus ci-dessous de l’information sur les conséquences possibles pour les particuliers et les entreprises en vertu de la Loi sur la protection civile[13] (la « Loi sur la protection civile du Québec »), qui s’appliquerait en cas de déclaration d’état d’urgence national.

Loi sur la santé publique du Québec

Comparativement à la Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, la Loi sur la santé du Québec définit un plus large éventail d’activités à titre d’infractions, mais prévoit des peines plus légères.

En vertu de la Loi sur la santé du Québec, commet une infraction quiconque : 1) entrave ou gêne le ministre de la Santé et des Services sociaux, le directeur national de santé publique, un directeur de santé publique ou une personne autorisée à agir en leur nom; 2) refuse d’obéir à un ordre que l’un d’eux est en droit de donner; 3) refuse de donner accès ou de communiquer un renseignement ou un document que l’un d’eux est en droit d’exiger; 4) cache ou détruit un document ou toute autre chose utile à l’exercice des fonctions de ces personnes[14]. Commet également une infraction quiconque fait une fausse déclaration ou donne un renseignement ou un document qui est incomplet ou qui comporte une mention fausse ou trompeuse dans le but d’induire en erreur le ministre de la Santé et des Services sociaux, le directeur national de santé publique, un directeur de santé publique ou une personne autorisée à agir en leur nom[15]. Notamment, commet une infraction quiconque aide ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène une autre personne à commettre l’une des infractions ci-haut[16].

En conséquence de ces obligations, le fait de garder une entreprise ouverte si on a reçu l’ordre de fermer constitue une infraction, mais de plus on commet une infraction si une personne fournit des renseignements trompeurs ou aide quelqu’un d’autre à le faire.

Comme il a été mentionné précédemment, les amendes prévues par la Loi sur la santé du Québec sont dérisoires par rapport à celles qui pourraient être imposées en Ontario. Une amende de 1 000 $ à 6 000 $ est imposée pour une infraction à la Loi sur la santé du Québec. Dans le cas des infractions subséquentes, les amendes minimales et maximales sont doublées[17].

Contrairement à la Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, la Loi sur la santé du Québec n’indique pas clairement si chaque jour où une infraction est commise ou se poursuit constitue une infraction distincte ou subséquente.

Le gouvernement provincial et le ministre de la Santé et des Services sociaux ont le pouvoir d’ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population. Ce pouvoir pourrait être utilisé pour prendre des mesures contre les personnes qui contreviennent aux ordonnances d’urgence[18].

Loi sur la protection civile du Québec

Tel qu’il est indiqué ci-dessus, le Québec n’a pas encore délivré d’ordonnance en vertu de la Loi sur la protection civile du Québec. D’autres infractions peuvent être en cause si une telle ordonnance est délivrée. Commet une infraction :

  • quiconque gêne le ministre de la Sécurité publique, un enquêteur, un inspecteur, une autorité responsable de la sécurité civile, un inspecteur de celle-ci ou d’une municipalité locale ou une personne désignée en vertu de dispositions particulières de la Loi;
  • quiconque refuse d’obéir à un ordre de l’une de ces personnes ou entités;
  • quiconque refuse de communiquer des renseignements ou documents à l’une de ces personnes ou entités;
  • quiconque refuse d’apporter l’aide ou l’assistance requise par l’une de ces personnes ou entités;
  • quiconque cache ou détruit des documents ou d’autres choses utiles à l’exécution des fonctions de l’une de ces personnes ou entités;
  • quiconque fait une déclaration ou donne un renseignement ou un document qui est incomplet ou qui comporte une mention fausse ou trompeuse dans le but d’induire en erreur l’une de ces personnes ou entités[19].

Les personnes reconnues coupables de ces infractions sont passibles d’amendes variant de 1 000 $ à 5 000 $ s’il s’agit d’une personne physique et de 3 000 $ à 15 000 $ s’il s’agit d’une personne morale[20]. Ces amendes ne sont pas beaucoup plus élevées que celles prévues par la Loi québécoise sur la santé.

Les employeurs peuvent aussi être responsables d’infractions plus précises, par exemple s’ils autorisent la perpétration d’une infraction ou s’ils prennent des mesures discriminatoires ou des représailles contre un employé qui s’est conformé aux mesures du gouvernement dans un état d’urgence, en vertu de la Loi sur la protection civile du Québec[21].

Comme dans le cas de la Loi sur la santé du Québec, pour les infractions subséquentes, les amendes minimales et maximales sont doublées, mais il n’est pas clair si chaque jour où une infraction est commise ou se poursuit constitue une infraction distincte ou subséquente[22].

Enfin, la Loi sur la protection civile du Québec permet également aux juges d’ordonner à un contrevenant de remédier à tout manquement pour lequel celui-ci a été déclaré coupable, mais exige un préavis de cette demande d’ordonnance[23].

L’équipe d’intervention liée à la COVID-19 et l’équipe des services essentiels de McMillan sont disponibles pour aider nos clients à évaluer l’incidence des décrets pris en application de la Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario et de la Loi sur la santé du Québec sur leur entreprise, et peuvent vous aider à stabiliser votre entreprise pendant toute fermeture temporaire.

par Graham Bevans, Adam Chisholm, John Clifford, Thomas van den Hoogen, Timothy Murphy, Guy Pinsonnault et Ralph Cuervo-Lorens

[1] La liste des entreprises essentielles de l’Ontario est accessible ici. La liste des services et activités prioritaires du Québec est accessible ici.
[2] Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence, L.R.O. 1990, chap. E.9 [Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario.
[3] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, paragr. 7.0.2(4).
[4] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, paragr. 7.0.2(4)(5).[5] https://s3.amazonaws.com/files.news.ontario.ca/opo/fr/2020/03/liste-des-entreprises-essentielles-2.html.
[6] Le 20 mars 2020, le gouvernement ontarien a suspendu tous les délais de prescription et de dépôt de documents liés à des instances judiciaires dans la province.
[7] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, paragr. 7.0.11(1).
[8] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, paragr. 7.0.11(1) et (2).
[9] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, paragr. 7.0.11(3).
[10] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, art. 7.0.5.
[11] Loi sur les mesures d’urgence de l’Ontario, paragr. 7.0.11(4).
[12] Loi sur la santé publique, LRCQ chapitre S-2.2, article 118 et suivants [Loi sur la santé du Québec]
[13] Loi sur la protection civile, LRCQ chapitre S-2.3, article 88 et suivants [Loi sur la protection civile du Québec]
[14] Loi sur la santé du Québec, art. 139.
[15] Loi sur la santé du Québec, art. 140.
[16] Loi sur la santé du Québec, art. 141.
[17] Loi sur la santé du Québec, art. 139 à 142.
[18] Loi sur la santé du Québec, art. 123(8).
[19] Loi sur la protection civile du Québec, art. 128.
[20] Ibid.
[21] Loi sur la protection civile du Québec, art. 129.
[22] Loi sur la protection civile du Québec, art. 131.
[23] Loi sur la protection civile du Québec, art. 132.

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L. s.r.l., 2020

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