


Action collective au Québec – Quoi de neuf? L’interrogatoire du défendeur au stade de l’autorisation
Action collective au Québec – Quoi de neuf? L’interrogatoire du défendeur au stade de l’autorisation
Au Québec, un défendeur à une action collective qui souhaite introduire une preuve par l’entremise d’une déclaration sous serment doit d’abord obtenir l’aval du tribunal. Une fois admise, le demandeur pourrait demander à interroger le déclarant. Ce droit à un interrogatoire fait l’objet d’une jurisprudence contradictoire des juges de la Cour supérieure.
Deux articles du Code de procédure civile entrent en compte. D’abord, l’article 222 prévoit qu’une partie peut citer le déclarant pour être interrogé non seulement sur les faits allégués à la déclaration, mais sur tous les autres faits pertinents. Héritier des principes développés sous l’ancien article 93 C.p.c., plusieurs affirment que le droit de procéder à un tel interrogatoire est un droit strict; le seul changement étant au niveau de l’élargissement du contenu de l’interrogatoire à l’ensemble des faits pertinents.
Or, en matière d’action collective, l’administration de la preuve est soumise à l’approbation préalable du tribunal. L’article 574 al. 3 C.p.c. viendrait ainsi colorer les principes de l’article 222 C.p.c. en ne permettant que la preuve pertinente à l’évaluation des critères d’autorisation. Pour certains juges[1], l’article 574 C.p.c. impose au tribunal le devoir de s’assurer que l’interrogatoire du déclarant soit nécessaire dans l’évaluation des critères d’autorisation. Le désir d’évaluer la crédibilité du déclarant ne sera pas jugé suffisant, puisque cette crédibilité ne relèverait que du fond du litige. S’autorisant de la discrétion judiciaire, certains juges de la Cour supérieure ont ainsi rejeté des demandes d’interrogatoire jugées inutiles pour statuer sur les demandes d’autorisation ou dépassant le cadre étroit de la preuve permise à ce stade.
Par opposition, certains sont plutôt d’avis que le droit à l’interrogatoire du déclarant demeure un droit strict dont l’exercice permet de contrôler le sérieux de la déclaration. Dans une décision récente[2], le tribunal a ainsi jugé que la discrétion judiciaire devrait plutôt intervenir pour venir encadrer la portée d’un tel interrogatoire, qui sera alors limité au contenu de la déclaration plutôt qu’être étendue à l’ensemble des faits pertinents.
Les juges de la Cour supérieure semblent ainsi s’entendre pour reconnaître l’existence d’une discrétion judiciaire permettant d’encadrer les interrogatoires sur déclarations assermentées. Ces interrogatoires ne pourront pas porter sur l’ensemble des faits en litige, mais plutôt se limiter aux éléments pertinents à l’évaluation des critères d’autorisation et aux faits allégués à la déclaration.
Au Québec, le droit des défendeurs de soumettre le représentant du groupe à un interrogatoire avant autorisation demeure soumis à l’autorisation préalable du tribunal et, lorsque permis, est souvent encadré restrictivement. La question de savoir si le demandeur peut, de plein droit, interroger le déclarant (généralement le défendeur) demeure controversée. Cependant, si un tel droit strict devait être reconnu, cela accentuerait encore davantage l’asymétrie qui existe en faveur des demandeurs.
[1] Sopropharm c. Groupe Jean-Coutu (PJC) inc., 2018 QCCS 4907; Salazar Pasaje c. BMW Canada Inc., 2018 QCCS 5635; Ouellet c. Lasik MD inc., 2020 QCCS 1711; Royer c. Capital One Bank (Canada Branch), 2021 QCCS 1783.
[2] Hand c. Denso International America, Inc., 2021 QCCS 1671.
par Joséane Chrétien et Sidney Elbaz
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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