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Adoption de la première série de changements à la Loi sur la concurrence et modification du régime d’examen relatif à la sécurité nationale

Nous en avions parlé dans deux bulletins (ici et ici) du 3 mai 2022 : le gouvernement du Canada a apporté des changements importants à la Loi sur la concurrence dans le cadre de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022. Comme la plupart des projets de loi budgétaires, ce projet a reçu la sanction royale le jour de son adoption (sans qu’aucun amendement soit apporté aux modifications concernant la Loi sur la concurrence), le 23 juin 2022. Bien que le gouvernement fédéral parle de modifications relativement mineures (contrairement aux changements importants qui feront l’objet d’une consultation), beaucoup d’entre elles auront une incidence considérable sur les pratiques commerciales.

Par ailleurs, le gouvernement du Canada a publié le règlement modifiant le régime d’examen relatif à la sécurité nationale en vertu de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC »), qui crée un mécanisme d’avis volontaire dans les cas où la LIC ne prévoit aucun avis obligatoire.

I. Changements apportés à la Loi sur la concurrence

Voici un aperçu des principales modifications apportées à la Loi sur la concurrence. La plupart d’entre elles sont entrées en vigueur le 23 juin 2022, quand le projet de loi budgétaire a reçu la sanction royale. Seules les nouvelles règles sur la fixation des salaires et les accords de non-sollicitation entreront en vigueur dans un an.

(1) Preuves de sociétés affiliées et d’entreprises à l’extérieur du Canada

La Loi sur la concurrence permet désormais au tribunal d’ordonner à une personne morale de fournir des renseignements en la possession de ses sociétés affiliées, ou d’ordonner à une personne à l’extérieur du Canada de fournir des renseignements. Cette nouvelle disposition pourrait entraîner des contestations de compétence.

(2) Hausse des amendes

Les amendes pour complot – y compris les nouveaux complots que sont la fixation des salaires et les accords de non-sollicitation – ne sont plus plafonnées à 25 millions de dollars; c’est désormais le tribunal qui en fixe le montant.

(3) Renforcement des sanctions administratives pécuniaires

Le montant maximum des sanctions administratives pécuniaires (les « SAP ») pour abus de position dominante et publicité trompeuse (volet civil) est désormais fixé à trois fois la valeur du bénéfice sur lequel la pratique a eu une incidence ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la société.

(4) Indication de prix partiel

L’indication de prix partiel (« indication d’un prix qui n’est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes qui s’y ajoutent ») constitue désormais une indication fausse ou trompeuse en matière civile et pénale.

(5) Abus de position dominante

Les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux abus de position dominante sont les plus touchées par cette première série de changements.

  1. Premièrement – et c’est peut-être la principale nouveauté –, les personnes privées peuvent maintenant demander au Tribunal de la concurrence la permission de présenter une demande pour abus de position dominante si elles démontrent qu’elles sont directement et sensiblement touchées par la pratique en question.
  2. Le terme agissement anti-concurrentiel désigne dorénavant « tout agissement destiné à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence ».
  3. La liste d’exemples d’agissements anti-concurrentiels comprend désormais « la réponse sélective ou discriminatoire à un concurrent actuel ou potentiel, visant à entraver ou à empêcher l’entrée ou l’expansion d’un concurrent sur un marché ou à l’éliminer du marché ».
  4. Le tribunal dispose d’une nouvelle liste de facteurs dont il peut tenir compte pour déterminer si une pratique a eu, a ou aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence :
    1. les entraves à l’accès au marché, y compris les effets de réseau;
    2. tout effet de la pratique sur la concurrence hors prix ou par les prix, notamment la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs;
    3. la nature et la portée des changements et des innovations dans tout marché pertinent;
    4. tout autre facteur qui est relatif à la concurrence.

(6) Accords entre concurrents (volet civil)

L’article 90.1 de la Loi sur la concurrence, une disposition civile sur les accords anti-concurrentiels, a été modifié par l’ajout de trois facteurs dont le tribunal peut tenir compte pour déterminer si l’accord empêche ou diminue sensiblement la concurrence :

  1. les effets de réseau;
  2. le fait que l’accord contribuerait au renforcement de la position sur le marché des principales entreprises en place;
  3. tout effet de l’accord sur la concurrence hors prix ou par les prix, notamment la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs.

(7) Dispositions relatives aux fusions

Les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux fusions ont subi plusieurs changements :

  1. Les trois éléments ajoutés à l’article 90.1 ont aussi été greffés à la liste de facteurs dont le tribunal peut tenir compte pour déterminer si une fusion est susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.
  2. Certains délais relatifs aux avis ont été clarifiés.
  3. Les règles entourant les offres d’achat visant à la mainmise non sollicitées ou hostiles ont été clarifiées.
  4. Une nouvelle disposition anti-évitement a été ajoutée au régime d’avis de fusion : lorsqu’une transaction ou une transaction proposée est conçue dans le but d’éviter l’application des exigences d’avis, ces exigences s’appliquent tout de même à la transaction ou à la transaction proposée.

Toutes les dispositions ci-dessus sont entrées en vigueur le 23 juin 2022.

(8)Complots en matière d’emploi

La dernière modification entrera en vigueur le 23 juin 2023, pour donner aux entreprises le temps de s’adapter à l’arrivée d’une nouvelle infraction pénale.

Parmi les éléments phares des changements apportés à la Loi sur la concurrence en 2009, le législateur avait précisé que seuls certains types d’accords constituaient des complots criminels : les accords sur la fourniture de produits, mais pas ceux sur l’acquisition de produits [1]. Ainsi, les accords d’acquisition de main-d’œuvre – fixation des salaires, accords de non-sollicitation – n’étaient pas visés par cette disposition pénale. Cette décision a suscité des commentaires et des critiques. En outre, les accords en matière d’emploi sont de plus en plus réglementés aux États-Unis. Le législateur a donc ajouté une disposition pénale qui interdit expressément les accords visant à fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi, ou à ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre entreprise.

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On l’a vu en introduction : le gouvernement considère que les changements présentés ci-dessus, adoptés dans le cadre d’un projet de loi budgétaire, sont mineurs. D’où l’absence de consultation. Pourtant, certains d’entre eux sont substantiels, auront une large portée et entraîneront vraisemblablement une période d’incertitude, le temps que les tribunaux se prononcent sur leurs implications.

Rappelons aussi que le gouvernement prévoit tenir des consultations sur une autre série d’éventuelles modifications. À suivre!

II. Changements apportés au régime d’examen relatif à la sécurité nationale

Actuellement, la constitution d’une entreprise canadienne et l’acquisition du contrôle d’une telle entreprise par un non-Canadien doivent faire l’objet d’un avis. Le gouvernement du Canada peut alors entamer un examen relatif à la sécurité nationale de l’investissement dans les 45 jours suivant la réception de l’avis. Bien que l’acquisition d’une participation minoritaire dans une entreprise canadienne et l’acquisition ou la constitution d’une entreprise dont certains aspects – mais pas tous – sont canadiens (ex. : établissement, employés ou actifs au Canada) ne fassent pas l’objet d’un avis, ces investissements peuvent néanmoins être soumis à un examen relatif à la sécurité nationale. Cette situation laisse les investisseurs dans un certain flou.

Le règlement modifié permettra aux investisseurs non canadiens de fournir un avis volontaire pour les investissements non soumis à un avis obligatoire. Le gouvernement pourra alors entamer un examen relatif à la sécurité nationale de l’investissement dans les 45 jours suivant la réception de l’avis volontaire. Ainsi, les investisseurs seront fixés sur la tenue d’un éventuel examen avant même d’effectuer l’investissement. Cela dit, en l’absence d’avis volontaire, le gouvernement pourra entamer un examen relatif à la sécurité nationale jusqu’à cinq ans après l’investissement, un délai nettement supérieur aux 45 jours prévus actuellement.

C’est pourquoi, lorsqu’un investissement présente certains facteurs de risque en matière de sécurité nationale (voir notre bulletin), les investisseurs sont invités à fournir un avis volontaire au préalable.

Le règlement modifié entrera en vigueur le 2 août 2022.

[1] Voir Mohr c. LNH, 2021 CF 488; Latifi v. TDL Group, 2021 BCSC 2183.

par le groupe Concurrence de McMillan

Mise en garde 

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022

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