Budget 2022 : nouvelles mesures anti-report pour les revenus de placement – sociétés privées sous contrôle canadien en substance
Budget 2022 : nouvelles mesures anti-report pour les revenus de placement – sociétés privées sous contrôle canadien en substance
En général, le régime fédéral de l’impôt sur le revenu vise la « neutralité » fiscale entre les « revenus de placement » (intérêts, loyers, redevances, gains en capital, « revenus étrangers accumulés, tirés de biens » ou « REATB », etc.) que touche directement un particulier résidant au Canada et ceux qu’il touche par l’intermédiaire d’une société privée sous son contrôle. Pour ce faire, on a principalement recours à des impôts remboursables supplémentaires qui s’appliquent à certaines sociétés privées pour l’exercice pendant lequel les revenus ont été gagnés. Sans ce régime d’impôts remboursables, les revenus de placement gagnés par une société privée seraient imposables à un taux (généralement entre 23 et 31 %) beaucoup plus faible que le taux marginal le plus élevé qui s’applique aux particuliers (généralement entre 44,5 et 54 %).
Autrefois, les dispositions sur l’impôt remboursable ne s’appliquaient qu’aux « sociétés privées sous contrôle canadien » (les « SPCC »), au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (la « LIR »). Au sens très large, les SPCC regroupent généralement les sociétés privées constituées sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale canadienne et qui ne sont contrôlées ni par un non-résident ni par un organisme public.
Depuis quelques années, le gouvernement en est venu à croire que certains contribuables manipulent le statut de leurs sociétés dans une tentative d’éviter qu’elles se qualifient à titre de SPCC afin d’obtenir un avantage de report d’impôt. Ainsi, la société accumule des revenus de placement, mais a) garde sa résidence canadienne et b) reste sous le contrôle (direct ou indirect, en droit ou en fait) de particuliers résidant au Canada. Le budget 2022 inclut dans cette définition les changements apportés au statut d’une société en prévision de gains en capital générés par la vente d’actifs (par exemple, la signature d’une convention d’achat avec un acheteur non-résident ou la prorogation de la société sous un régime étranger).
Pour contrer l’avantage perçu de ce report, le budget 2022 présente un nouveau concept : les « SPCC en substance », qui – comme le suggère le nom – sert à appliquer le régime d’impôt remboursable aux revenus de placement des sociétés qui ne correspondent pas techniquement à la définition de SPCC, mais qui en sont « en substance ». Les mesures annoncées ont pour but d’appliquer aux SPCC en substance les mêmes règles d’imposition qui s’appliquent aux revenus de placement gagnés et répartis par les SPCC.
Dans les propositions budgétaires, le terme « SPCC en substance » désigne les sociétés privées résidant au Canada (autre que les SPCC) qui sont ultimement contrôlées (en droit ou en fait) par des particuliers résidant aussi au pays. Comme pour les SPCC, le test des SPCC en substance contiendrait une définition élargie du contrôle qui accumulerait les actions appartenant directement ou indirectement à des particuliers résidents canadiens, et viendrait donc réputer qu’une société est contrôlée par un particulier résidant au Canada lorsque des particuliers canadiens possèdent, cumulativement, suffisamment d’actions pour contrôler la société. De plus, les revenus de placement gagnés par les SPCC en substance s’ajouteraient au compte de revenu à taux faible, de sorte que la répartition subséquente des revenus de la société ne donnerait pas aux actionnaires le droit de réclamer le crédit d’impôt pour dividende bonifié.
Le budget précise bien que les mesures visant les SPCC en substance ne doivent pas s’appliquer aux véritables non-SPCC (« les sociétés privées qui sont ultimement contrôlées par des personnes non résidentes et les filiales de sociétés publiques »), mais plutôt aux situations où « la société aurait été une SPCC, si ce n’était qu’un non-résident ou une société publique ait un droit d’en acquérir les actions ». Le budget propose en outre une règle anti-évitement qui appliquerait le statut de SPCC en substance aux non-SPCC qui ne correspondent pas à la définition, s’il est raisonnable de croire que l’opération ou la série d’opérations en question a été effectuée dans le but d’éviter ce statut.
Il y a lieu de noter que les règles sur les SPCC en substance, dans leur version proposée, ne s’appliqueraient qu’à l’impôt sur les revenus de placement susmentionné, c’est-à-dire que les sociétés touchées n’auraient droit à aucun autre avantage prévu par la LIR pour les SPCC, comme les « déductions accordées aux petites entreprises » et les crédits à l’investissement remboursables pour la recherche et le développement (article 127.1 de la LIR).
Si elles sont adoptées, les mesures du budget 2022 visant les SPCC en substance entreraient en vigueur pour les exercices se terminant à la date d’adoption du budget (le 7 avril 2022) ou après, sous réserve d’une dérogation pour ce que le gouvernement appelle les « opérations commerciales légitimes » engagées avant la date d’adoption du budget, si l’année d’imposition de la société prendrait fin en raison d’une acquisition de contrôle causée par la vente de la totalité, ou presque, de ses actions à un acheteur sans lien de dépendance, conclue avant la date d’adoption du budget et réalisée avant la fin de 2022. Les mesures d’entrée en vigueur ci-dessus pourraient soulever des questions d’interprétation concernant les types d’opérations qui constitueraient un « contrat d’achat et de vente » à ces fins, et si les lettres d’intention en font partie.
Enfin, soulignons que pour faciliter l’administration des mesures proposées pour les SPCC en substance, notamment sur leurs revenus gagnés et répartis, le budget 2022 prévoit la possibilité de prolonger d’un an la « période normale de nouvelle cotisation » dans certains cas.
En somme, les règles pourraient, une fois adoptées, toucher plusieurs techniques de planification traditionnellement employées par des groupes canadiens, notamment dans le contexte des fusions et acquisitions.
par Todd Miller
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022
Perspectives (5 Posts)
Établissement d’un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère: Ottawa mènera une consultation jusqu’au 9 mai prochain
Le ministère de la Sécurité publique du Canada annonce une consultation relative à un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère
Demande urgente – le gouvernement du Canada justifie des achats rapides de marchandises militaires par des besoins opérationnels urgents
Canada's Defence Minister invokes Urgent Operational Requirements in Eastern Europe to buy military hardware using an exceptional procurement mechanism
Ne demandez pas pour qui sonne le glas… les nouvelles exigences des ACVM amorcent le compte à rebours pour les plateformes de négociation de cryptoactifs non inscrites actives au Canada
Avis 21-332 du personnel des ACVM : Nouvelles normes pour les bourses de cryptoactifs et précisions sur l’application des lois canadiennes aux cryptoactifs
En avoir plus pour son argent : le nouveau barème tarifaire de la CVMO entre en vigueur le 3 avril
Révision des règles 13-502 (Droits) / 13-503 (Droits aux termes de la Loi sur les contrats à terme sur marchandises) de la CVMO et de leurs politiques entrent en vigueur le 3 avril.
Gestion des risques liés à la culture et au comportement : orientations du BSIF pour les institutions financières
Aperçu de la nouvelle ligne directrice du BSIF sur les risques liés à la culture et au comportement pour les institutions financières fédérales.
Recevez des mises à jour directement dans votre boîte de réception. Vous pouvez vous désabonner en tout temps.