Cannabis et déchets : une autre occasion « verte »
Cannabis et déchets : une autre occasion « verte »
Bien que la croissance rapide de l’industrie du cannabis au Canada ait créé des possibilités nouvelles et captivantes, son rythme effréné soulève des questions à l’égard de la gestion des déchets liés au cannabis.
La production de cannabis engendre d’importante quantités de déchets composés de presque tous les sous-produits de la production, notamment des résidus de plantes, des émissions atmosphériques, des eaux usées et d’autres déchets solides. Certaines projections annoncent que l’industrie canadienne du cannabis engendrera jusqu’à 6 000 tonnes de déchets de cannabis en 2020[1].
Toutefois, malgré l’importance générale que les organismes de réglementation accordent à une gestion adéquate des déchets, les directives des gouvernements fédéral ou provinciaux donnent peu d’indications précises sur cette question en ce qui concerne l’industrie du cannabis.
Réglementation fédérale
De façon générale, la production de cannabis est réglementée par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur le cannabis[2] et du Règlement sur le cannabis[3]. Les producteurs de cannabis sont soumis à des exigences strictes relatives à l’octroi de licences, à la sécurité, aux normes de production et à la qualité du produit.
La Loi sur le cannabis prévoit une définition exhaustive du terme « cannabis », qui comprend en fait toute partie d’une plante de cannabis, toute substance ou tout mélange de substances contenant, y compris superficiellement, toute partie d’une telle plante, et une substance qui est identique à tout phytocannabinoïde (p. ex. le THC ou le CBD) produit par une telle plante ou se trouvant à l’intérieur de celle‑ci[4]. L’annexe 2 exclut certaines parties de la plante, notamment les graines stériles, les tiges matures sans branches, feuilles, fleurs ou graines, les fibres obtenues d’une tige visée par l’annexe 2 et la racine ou toute partie de la racine d’une telle plante[5].
Le Règlement sur le cannabis fédéral énonce que tout cannabis restant non utilisé doit être « détruit ». Toutefois, la méthode de destruction n’est pas précisée. Néanmoins, le cannabis ne peut être détruit que par des méthodes conformes aux lois fédérales, provinciales et municipales par ailleurs applicables. Par exemple, la destruction ne doit pas avoir pour effet d’exposer toute personne à la fumée ou aux vapeurs du cannabis et doit être faite en présence de deux témoins, et les producteurs doivent consigner chaque cas de destruction et conserver ces documents pour une période d’au moins deux ans[6].
À l’exception de la destruction du cannabis non utilisé, la Loi sur le cannabis et le Règlement n’abordent pas la gestion des déchets résultant de la production de cannabis.
Réglementation provinciale et territoriale
Compte tenu des directives limitées que contient la loi fédérale, la réglementation des déchets du cannabis est laissée aux provinces et territoires, ces derniers ayant tous des régimes de gestion des déchets préexistants.
En Ontario, par exemple, un régime réglementaire bien établi et complet comprenant principalement la Loi sur la protection de l’environnement[7] (la « LPE ») et la Loi sur les ressources en eau de l’Ontario[8] (la « LREO ») réglemente chaque aspect des déchets. En outre, la Loi sur les pesticides[9] et la Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs[10] traitent des questions de déchets propres aux exploitations agricoles. Les autres provinces ont des régimes similaires.
La LPE est le cadre environnemental principal régissant les déchets en Ontario. La Loi a pour objectif la conservation de l’environnement par la réglementation des activités responsables du rejet de contaminants dans l’environnement naturel. Divers règlements ont été adoptés dans le cadre de la LPE pour réglementer les activités liées aux déchets, telles que la gestion des sols, les émissions de gaz à effet de serre, l’élimination des déchets et les sites d’enfouissement. En général, une partie est tenue d’obtenir une autorisation environnementale (« AE ») avant d’entreprendre toute activité qui provoquera le rejet, l’émission ou l’élimination de contaminants. Si une société ou un producteur obtient une AE, ils sont seulement autorisés à émettre une quantité et un type d’émission donnés dans l’environnement pour une période de temps limitée. La LPE impose diverses sanctions, notamment d’importantes amendes, dans les cas de non‑respect.
La LREO protège et régit la qualité des ressources en eau dans la province en contrôlant le rejet de contaminants dans les plans d’eau locaux. Une AE doit être obtenue en vertu de la LREO avant qu’un rejet ne survienne. Une autorisation doit aussi être obtenue pour le prélèvement d’eau de surface ou souterraine à un taux de plus de 50 000 litres par jour.
La Loi sur les pesticides et la Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs réglementent l’utilisation des pesticides et des engrais, ainsi que l’épandage de matières contenant des éléments nutritifs sur un bien‑fonds. Les utilisateurs de ces matières sont soumis à des exigences en matière de licences et à l’approbation des plans de gestion des éléments nutritifs.
On ne sait toujours pas comment le régime réglementaire de l’Ontario régissant les déchets sera appliqué aux déchets issus de la production de cannabis. La réponse dépendra sûrement de la caractérisation finale des exploitations de cannabis aux fins de la réglementation. Par exemple, certaines émissions d’exploitations agricoles sont exemptées de larges pans de la LPE, notamment de l’exigence prévue à l’article 9.1, qui vise l’obtention d’une AE avant le rejet d’un contaminant dans l’environnement naturel. Dans ce cas, si les producteurs de cannabis sont considérés être des exploitations agricoles plutôt qu’industrielles, ils pourraient être exemptés d’une large partie du cadre relatif aux déchets de l’Ontario. Toutefois, s’ils ne sont pas exemptés de la sorte, ils seront soumis à des obligations strictes en matière de conformité et de déclarations ayant trait aux déchets.
L’avenir
Les producteurs de cannabis sont soucieux de détruire le cannabis sans enfreindre la loi fédérale. Cependant, cela peut entraîner le mélange du cannabis avec d’autres déchets, ce qui pourrait le rendre tout autant méconnaissable qu’inutilisable et créer des complications sur le plan du compostage et de l’élimination.
Même si certains observateurs soulignent une occasion manquée de recycler les déchets de cannabis, y compris les parties inutilisées de la plante, dans d’autres produits tels que les articles de chanvre et les matériaux de construction, la législation actuelle fait en sorte que les producteurs de cannabis sont dans une grande mesure incapables de réutiliser ou de recycler des parties du cannabis. Il en résulte des déchets et des dépenses inutiles.
De nouvelles entreprises voient le jour en réponse aux possibilités offertes par les déchets de cannabis, notamment des start‑up développant une technologie d’élimination du cannabis par un processus qui produit des solides de biomasse compostables tout en extrayant de l’eau assez propre pour être réintroduite dans le réseau municipal d’alimentation en eau[11].
Étant donné l’absence de règles claires émanant des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux, les producteurs de cannabis devraient obtenir des conseils juridiques lorsqu’ils étudient ce qu’ils doivent faire de leurs déchets. Cela les aidera à définir des protocoles de gestion, d’élimination et de recyclage des déchets qui respectent les règlements provinciaux et territoriaux. McMillan possède l’expertise voulue pour interpréter ces règlements et aider les membres de l’industrie du cannabis à considérer leurs options.
À terme, nous devrions nous attendre à une réglementation plus poussée quand les effets de l’industrie du cannabis sur l’environnement seront mieux compris et que l’industrie sera elle-même plus développée. Souhaitons que la future réglementation éclaircisse les options relatives à la gestion des déchets de cannabis et qu’elle récompense à juste titre les producteurs qui privilégient les pratiques environnementales sûres et la durabilité.
par Holly Sherlock, Talia Gordner et Ralph Cuervo-Lorens
[1] Sénat du Canada, Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, Témoignages, (publié le 27 mars 2018).
[2] Loi sur le cannabis, LC 2018, ch. 16 (Loi sur le cannabis).
[3] Règlement sur le cannabis, DORS/2018-144 (Règlement sur le cannabis).
[4] Annexe 1, Loi sur le cannabis.
[5] Annexe 2, Loi sur le cannabis.
[6] Règlement sur le cannabis, par. 146 (7).
[7] Loi sur la protection de l’environnement, L.R.O. 1990, ch. E.19.
[8] Loi sur les ressources en eau de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. O.40.
[9] Loi sur les pesticides, L.R.O. 1990, ch. P.11.
[10] Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs, L.O. 2002, ch. 4.
[11] Vancouver Sun, « Vancouver startup high on technology to process cannabis plant waste », (publié le 4 avril 2018) (en anglais uniquement).
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder entièrement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2020
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