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La riposte du Canada aux tarifs américains sur l’acier et l’aluminium
En réponse à l’annonce par le gouvernement américain de l’imposition de tarifs sur les produits canadiens d’acier et d’aluminium, le gouvernement canadien a indiqué dans un communiqué qu’il avait l’intention d’imposer des surtaxes réciproques ou d’autres contre-mesures similaires visant une restriction du commerce. Ces mesures prendront effet le 1er juillet 2018, sous réserve de consultations antérieures menées par le ministère des Finances. Les commentaires doivent être soumis au plus tard le 15 juin 2018.
Le ministère a précisé que ces commentaires devraient porter sur certains points pour influer sur la portée des représailles. On doit notamment préciser si un produit énuméré ne devrait pas être la cible de contre-mesures ou si un produit actuellement non énuméré devrait faire l’objet de telles mesures.
La liste des produits susceptibles d’être frappés par des mesures de représailles peut être consultée à l’adresse suivante : https://www.fin.gc.ca/activty/consult/cacsap-cmpcaa-fra.asp
Le ministère des Finances a proposé deux seuils de réaction. Une surtaxe de 25 % est prévue sur les importations de produits d’acier provenant des États‑Unis énumérés dans le tableau 1 soit, entre autres, les demi-produits d’acier, les produits laminés plats d’acier, les barres d’armature, tubes, tuyaux et fils en acier et l’acier de construction.
Le tableau 2 prévoit une surtaxe de 10 % sur un large éventail d’aliments, de produits de consommation et d’autres marchandises, ainsi que les produits en aluminium.
Les mesures américaines ont été imposées sous le couvert de la protection de la sécurité nationale au terme d’une enquête menée en vertu de l’article 232 de la loi des États‑Unis intitulée Trade Expansion Act of 1962 (en sa version modifiée).
On a du mal à comprendre la décision des États‑Unis d’imposer des tarifs sur l’acier canadien. Elle créera un lourd fardeau pour la production d’automobiles, car les produits d’acier peuvent franchir la frontière plusieurs fois durant le processus de transformation avant leur installation sur un véhicule. L’imposition de tarifs de 25 % entravera sérieusement la chaîne d’approvisionnement des producteurs du secteur de l’automobile dans l’ensemble de l’Amérique du Nord.
L’imposition de tarifs sur l’acier canadien nous rend encore plus perplexes, étant donné que le commerce d’acier entre le Canada et les États‑Unis se situe à peu près au point d’équilibre. Les représailles du Canada frapperont des importations considérables des États‑Unis. Pour la partie écoulée de l’année, les produits d’acier américains comptent pour plus de 75 % des importations de tôles d’acier, 85 % des importations d’acier laminé à chaud, 80 % des importations d’acier laminé à froid et plus des deux tiers de l’acier galvanisé importé au Canada. Les États‑Unis sont également le plus grand exportateur au Canada de barres d’armature pour la construction, de produits tubulaires pour l’industrie du pétrole, d’acier de construction et de barres d’acier allié.
Les mesures proposées devraient être bénéfiques pour les aciéristes canadiens, à condition qu’il n’y ait pas d’accroissement marqué des importations d’autres pays qui sont détournées du marché américain par suite des tarifs imposés en vertu de l’article 232.
Le deuxième volet des contre-mesures prévoit une surtaxe de 10 % sur un vaste assortiment d’aliments, de produits de consommation et d’autres marchandises, outre les produits en aluminium. Compte tenu des tarifs sur les marchandises autres qu’en aluminium, la portée des contre-mesures correspond approximativement à la valeur des ventes totales perdues de marchandises canadiennes aux États‑Unis. Ces mesures portent également sur des produits politiquement sensibles exportés des États-Unis.
Comme il a été indiqué précédemment, ces mesures devraient prendre effet le 1er juillet 2018, sous réserve des rajustements que le gouvernement pourrait apporter en réponse aux commentaires qui doivent être soumis au plus tard le 15 juin.
L’Union européenne et le gouvernement mexicain ont annoncé des contre‑mesures similaires.
Une question intéressante se pose quant à la légalité des mesures américaines et des contre‑mesures en vertu des règles en matière de commerce international. Les tarifs imposés en vertu de l’article 232 étaient prétendument des mesures adoptées aux termes d’une exception concernant la sécurité nationale prévue à l’article XXI du GATT de 1994. L’Union européenne a déjà indiqué son intention de contester cette position selon la procédure de groupe spécial de l’OMC. La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a laissé entendre que le Canada contesterait aussi les mesures américaines devant l’OMC (et en vertu de l’ALENA). La portée très large de l’exception concernant la sécurité nationale invoquée par les États‑Unis sera difficile à justifier dans le cadre du processus de groupe spécial de l’OMC.
Par ailleurs, une riposte immédiate n’est pas la méthode indiquée pour la contestation de mesures visant une restriction du commerce selon le régime de l’OMC. Le processus de règlement des différends de l’OMC prévoit des consultations, puis un examen par un groupe spécial et, éventuellement, un nouvel examen par l’organe d’appel. Si les mesures jugées non conformes ne sont pas révoquées sans délai, le membre de l’OMC qui avait eu gain de cause doit alors demander l’autorisation de retirer un montant équivalent des concessions qu’il avait faites dans le cadre de négociations commerciales antérieures et chercher à atteindre cet objectif par une procédure d’arbitrage si l’ampleur des contre‑mesures est contestée.
Comme l’ensemble de la procédure de l’OMC peut s’étaler sur plusieurs années, il peut être plus efficace, sur le plan pratique, pour une partie de mettre en œuvre des mesures réciproques que d’attendre la conclusion du processus de l’OMC. Les États‑Unis pourraient eux aussi tenter de contester devant l’OMC les mesures de représailles mises en œuvre par le Canada ou d’autres pays, mais ce processus nécessiterait aussi quelques années. De plus, au bout du compte, les contre-mesures pourraient être retirées sans pénalité.
Une guerre commerciale n’est jamais souhaitable et a inévitablement des répercussions sur les consommateurs de tous les pays. Néanmoins, il serait fondamentalement injuste que les sociétés américaines aient libre accès à d’autres marchés alors que les États-Unis refusent de donner accès au marché américain. En pareil cas, les contre‑mesures deviennent une réaction à court terme attrayante sur le plan politique.
par Geoffrey C. Kubrick
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