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Fin des échéances de 6 et de 12 mois du CDOR (taux offert en dollar canadien)

Décembre 2020 Bulletin des services financiers Lecture de 9 min

En septembre 2020, Refinitiv Benchmark Services (UK) Limited (« Refinitiv ») a lancé une consultation dans le cadre de laquelle elle a demandé aux intervenants et aux utilisateurs du taux offert en dollar canadien (« CDOR ») leur apport quant à l’effet de deux changements au CDOR qui étaient à l’étude. L’un des changements proposés était la fin des échéances de 6 et de 12 mois du CDOR[1].

Dans le cadre de la consultation, Refinitiv a constaté le peu d’activité à l’égard des échéances liées aux acceptations bancaires (« AB ») canadiennes qui sous‑tendent les échéances de 6 et de 12 mois du CDOR. En fait, de novembre 2016 à 2019, la valeur moyenne quotidienne en dollars des AB créées au sein du marché primaire était de 0,3 % et de 0,1 % de l’émission globale d’AB en dollars pour les AB à 6 mois et à 12 mois, respectivement, alors que le pourcentage selon le nombre d’AB uniques créées dans le marché primaire sur la même période était de 0,4 % et 0,1 %, respectivement[2]. De plus, les participants au marché ont toujours recommandé qu’une période de transition satisfaisante accompagne toute décision de cesser de publier les échéances de 6 et 12 mois[3].

À la suite de la consultation, le 12 novembre 2020, Refinitiv a annoncé que le calcul et la publication des échéances de 6 et de 12 mois du CDOR cesseraient pour une durée indéfinie à compter du 17 mai 2021 (la « date de prise d’effet »)[4]. La publication des échéances de un, deux et trois mois du CDOR se poursuivra après la date de prise d’effet.

Les participants aux marchés financiers sont actuellement confrontés au défi de la transition d’instruments financiers faisant référence à des CDOR de 6 et 12 mois à un taux différent.

Qu’est‑ce que le CDOR?

Le CDOR est un important taux d’intérêt de référence au pays, administré par Refinitiv. Il est actuellement publié selon des échéances de 1, 2, 3, 6 et 12 mois[5]. Chaque échéance du CDOR est calculée et publiée quotidiennement à 10 h 15 HE, du lundi au vendredi. Refinitiv calcule le CDOR en fonction des taux indiqués par un panel de banques participantes actives sur le marché des AB[6]. Le CDOR de chaque banque participante est le taux auquel elle accepterait de prêter des fonds, au moyen d’AB, à des clients disposant de facilités dont le taux est déterminé en fonction du CDOR[7]. Les cotes les plus élevées et les plus basses sont supprimées et les cotes restantes sont ensuite additionnées pour en établir la moyenne afin d’établir le point de référence quotidien des CDOR pour chaque échéance.

Le CDOR est étroitement lié aux conditions globales du marché monétaire, mais aussi à un certain nombre d’autres facteurs, comme les coûts réglementaires, les conditions du marché du crédit, les pressions de financement saisonnières et la dynamique de l’offre et de la demande pour les AB[8]. À l’heure actuelle, le CDOR sert de principal point de référence de taux d’intérêt pour établir le prix d’une gamme d’instruments financiers canadiens, y compris certains instruments dérivés négociés de gré à gré et en bourse, des billets à taux variable et d’autres titres, et des prêts entre les sociétés emprunteuses et les banques[9].

TARCOM

Le Groupe de travail sur le taux de référence complémentaire pour le marché canadien (« TARCOM ») a été établi en 2018 en réponse aux recommandations publiées par le Conseil de stabilité financière, qui a insisté sur la nécessité de renforcer les taux de référence interbancaires offerts et de faciliter l’élaboration de taux de référence sans risque (TSR)[10]. TARCOM est un groupe‑conseil composé d’entreprises du secteur financier, de grands utilisateurs finaux d’instruments financiers et d’institutions du secteur public, dont le mandat initial est d’améliorer le TSR à un jour actuellement utilisé (le taux « CORRA ») et d’établir la nécessite d’un nouveau TSR à terme pour les opérations en dollars canadiens, au besoin[11]. Le 19 octobre 2020, le mandat de TARCOM a été élargi pour inclure une analyse du CDOR afin de déterminer son efficacité en tant que point de référence sensible au crédit, ainsi que pour formuler des recommandations fondées sur cette analyse[12]. Dans le cadre de ce nouveau mandat, TARCOM sera chargé d’évaluer l’incidence de l’interruption des échéances de 6 et 12 mois du CDOR sur les instruments financiers qui font référence au CDOR et de traiter les problèmes qui pourraient découler de cette interruption.

TARCOM a d’abord discuté de la question de l’abandon des échéances de 6 et 12 mois du CDOR à sa réunion du 16 novembre 2020, et il y a eu une discussion de suivi pendant sa réunion du 14 décembre 2020. Le procès‑verbal de la réunion de TARCOM du 14 décembre 2020 n’était pas disponible au moment de la publication.

Clauses de repli visant les produits du marché au comptant

Les instruments financiers autres que les instruments dérivés (souvent appelés « produits du marché au comptant ») qui font référence au CDOR contiennent généralement une clause de repli sur laquelle les parties se sont entendues au cas où l’on ne disposerait pas du CDOR. Si la clause de repli visant un produit du marché au comptant est déclenchée par l’abandon des échéances de 6 et de 12 mois du CDOR, elle établira la manière dont sera décidé le taux complémentaire.

Les clauses de repli peuvent généralement être classées en deux catégories : l’approche « traditionnelle » et l’approche « nouvelle ». L’approche traditionnelle des clauses de repli consiste à inclure un libellé général pour tenir compte d’une situation où l’on ne disposerait pas du CDOR. La clause de repli traditionnelle est souvent déclenchée lorsqu’on ne dispose pas du taux CDOR figurant sur la page Écran (peu importe la raison) au cours d’une période d’intérêt. En cas d’élément déclencheur, la clause de repli traditionnelle prévoit divers mécanismes servant à établir le taux complémentaire. Par exemple, une approche de repli traditionnelle prévoit qu’un taux complémentaire (comme un taux interpolé ou un taux coté par une banque de référence désignée) doit être utilisé pour toute période d’intérêt où le CDOR n’est pas disponible. Une autre approche de repli traditionnelle utilisée couramment prévoit que, si l’on ne dispose pas du CDOR, tous les prêts à CDOR sont convertis en prêts à taux fixe ou à taux préférentiel. Toutefois, ces approches de repli traditionnelles visent généralement à régler une situation où l’on ne dispose pas provisoirement du CDOR. Par conséquent, elles ne constituent probablement pas une solution souhaitable à long terme à l’abandon permanent des CDOR à 6 et 12 mois.

Plus récemment, les participants au marché se sont mis à intégrer de nouvelles clauses de repli à l’égard des CDOR dans leurs produits du marché au comptant. La transition à de nouvelles clauses de repli vise à régler un scénario où le CDOR est entièrement abandonné comme taux de référence. Le 24 novembre 2020, TARCOM a publié un document de consultation recommandant l’utilisation d’un libellé de repli précis dans les notes à taux variable faisant référence au CDOR[13]. Bien qu’il n’y ait pas encore de clause de repli définitive pour l’interruption permanente du CDOR, la plupart des participants au marché ont adopté une approche largement similaire à celle mentionnée dans le document de consultation de TARCOM.

Les nouvelles approches en matière de repli comportent généralement deux scénarios, dont l’un ou l’autre peut déclencher l’application des clauses de repli : i) l’abandon du CDOR à la suite d’une déclaration publique ou d’une annonce d’un organisme de réglementation et ii) l’abandon du CDOR résultant d’un défaut de publication. En cas d’élément déclencheur, la clause de repli précise le mécanisme de sélection d’un taux de référence de rechange. Par exemple, le nouveau libellé de repli recommandé par TARCOM pour les obligations à taux variable prévoit un « ordre de priorité » des taux de rechange potentiels[14]. Les taux de rechange potentiels peuvent comprendre : i) un taux de référence futur appuyé officiellement par la Banque du Canada (ou un comité de cette dernière); ii) un taux de référence temporaire CORRA; et (ou) iii) un taux CORRA calculé à terme échu[15]. Cependant, ces taux de rechange n’ont pas été établis, ils n’existent pas actuellement ou ils ne sont pas largement adoptés sur le marché. Par conséquent, ces taux de rechange potentiels ne sont pas des solutions de rechange souhaitables aux CDOR de 6 et de 12 mois, car il est peu probable que le marché soit prêt à les adopter d’ici la date de prise d’effet.

Clauses de repli visant les produits dérivés

Contrairement aux clauses de repli liées aux produits au comptant, les clauses de repli visant les produits dérivés sont généralement prescrites par l’International Swaps and Derivatives Association, Inc. (« ISDA ») et elles figurent dans les définitions des normes de marché mentionnées dans le produit dérivé en question.

Le 17 novembre 2020, en réponse à l’annonce de Refinitiv concernant l’abandon du taux CDOR de 6 et 12 mois, l’ISDA a publié des directives sur les solutions de rechange actuellement en place pour l’abandon de la publication de ces taux lorsqu’ils se rapportent à un produit dérivé (« Directives de l’ISDA »).[16]

Les Directives de l’ISDA font référence à deux possibilités distinctes d’adoption du taux de repli en fonction de la documentation standard utilisée par les parties pour un produit dérivé donné au sein du marché. En ce qui a trait aux produits dérivés s’appuyant sur les définitions actuelles de l’ISDA rédigées en 2006, les parties doivent appliquer leur propre clause de repli de poursuite du taux complémentaire, et ce, avant la date de prise d’effet (l’option par défaut semble être CORRA à un jour, mais il n’y a pas de clause prévoyant un ajustement de l’étalement)[17]. En ce qui a trait aux produits dérivés acquis le 25 janvier 2021 ou par la suite, des définitions plus récentes pourraient s’appliquer. On pourra utiliser le taux CORRA à un jour et effectuer un ajustement de l’étalement du CDOR de 6 mois (aucun ajustement n’est nécessaire pour le CDOR de 12 mois)[18]. Un protocole de l’ISDA pourrait également s’appliquer aux transactions conclues avant le 25 janvier 2021 si les deux parties ont respecté le protocole. Un tel protocole aurait la même incidence que le supplément du 25 janvier 2021.

Conseil général

Les institutions financières sont exposées aux taux CDOR de plusieurs instruments financiers. Afin de se préparer à l’abandon des échéances de 6 et de 12 mois du CDOR, les institutions financières privilégient l’identification de tous leurs instruments financiers qui font référence à des échéances de 6 et (ou) de 12 mois du CDOR et de les modifier au besoin avant la date de prise d’effet pour s’assurer que le taux complémentaire souhaité s’applique. Cette approche privilégiée est conforme aux lignes directrices des Autorités canadiennes en valeurs mobilières pour les instruments financiers existants qui font référence à des échéances de 6 et de 12 mois du CDOR[19]. Toutefois, cette approche n’est pas pratique pour de nombreuses institutions financières qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour identifier tous leurs instruments financiers avant la date de prise d’effet.

Comme autre solution, les institutions financières peuvent aviser tous leurs emprunteurs ayant recours au CDOR (les « emprunteurs concernés ») que les échéances de 6 et de 12 mois ne seront plus publiées à compter de la date de prise d’effet. Il peut s’agir d’une déclaration sur le site Web de l’institution financière et (ou) d’une communication directe à chaque emprunteur concerné. Dans les deux cas, il faudrait inviter les emprunteurs concernés à communiquer directement avec leur institution financière si leur instrument financier i) a un CDOR de 6 ou 12 mois comme taux de référence ; et (ou) ii) donne à l’emprunteur concerné la possibilité de demander un emprunt ayant comme taux de référence un CDOR de 6 ou 12 mois. La déclaration de l’institution financière aux emprunteurs concernés doit également préciser son intention générale en matière de repli lorsque les échéances de 6 et de 12 mois du CDOR sont mentionnées. Il peut s’agir d’adopter un taux de remplacement (comme un CDOR de 3 mois) ou de supprimer la possibilité offerte à l’emprunteur de demander des emprunts à taux CDOR faisant référence aux échéances de 6 et (ou) 12 mois. Les institutions financières devraient mettre en œuvre leur approche privilégiée en matière de repli, dès que la situation se présente pour chaque instrument financier, même si c’est seulement après la date de prise d’effet.

Pour les nouveaux instruments financiers qui se prolongeront au‑delà de la date de prise d’effet, les participants au marché ne doivent utiliser que des échéances de un, deux et trois mois du CDOR. Si les participants au marché prévoyaient d’utiliser des échéances de 6 ou de 12 mois du CDOR, ils devraient envisager le recours à un autre taux. Les institutions financières devraient également mettre à jour leurs systèmes pour s’assurer qu’elles n’autorisent pas les prêts de 6 ou de 12 mois du CDOR et aviser leur personnel de ce changement afin d’empêcher l’offre de ces taux à leurs emprunteurs actuels ou futurs.

par Shahen A. Mirakian, Alex Ricchetti et Samantha Irving, stagiaire

[1] L’autre changement à l’étude était l’adoption d’un délai de trois mois pour la publication des sondages des contributeurs quant au calcul quotidien du CDOR (les sondages individuels sont actuellement publiés quotidiennement). Cette proposition a été rejetée lors de la consultation publique.
[2] Voir « Le taux CDOR et le marché sous‑jacent des acceptations bancaires : un tour d’horizon » (16 novembre 2020) du Groupe de travail sur le taux de référence complémentaire pour le marché canadien, à la diapositive 14.
[3] Voir Refinitiv Benchmark Services (UK) Limited, « Announcement Following Public Consultation » (Annonce à la suite de consultations publiques) (12 novembre 2020), [Consultation de Refinitiv], 2.
[4] Ibid.
[5] Voir « Avis du personnel 25‑302 Enjeux liés au CDOR, au LIBOR et aux autres taux d’intérêt de référence » des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (26 novembre 2020), [Avis du personnel des ACVM].
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Voir « Le marché des acceptations bancaires au Canada : notions de base » de la Banque du Canada (juin 2018), [Banque du Canada 2018], à la p. 20.
[9] Voir l’Avis du personnel des ACVM, supra note 5.
[10] Voir « Groupe de travail sur le taux de référence complémentaire pour le marché canadien – Mandat » (21 septembre 2020) du Groupe de travail sur le taux de référence complémentaire pour le marché canadien.
[11] Ibid.
[12] Voir « L’analyse du CDOR s’ajoute au mandat du Groupe de travail sur le TARCOM » (19 octobre 2020) de la Banque du Canada.
[13] Voir « Document de consultation – Méthode de calcul du taux CORRA composé à terme échu et clauses de repli pour les obligations à taux variable fondées sur le taux CDOR » (24 novembre 2020) du Groupe de travail sur le taux de référence complémentaire pour le marché canadien [document de consultation TARCOM].
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Voir « Tenor Cessation Guidance – 2006 ISDA Definitions » (Directives liées à l’abandon des échéances – Définitions de 2006 de l’ISDA) de l’International Swaps and Derivatives Association, Inc. (17 novembre 2020), [Directives de l’ISDA].
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Voir l’Avis du personnel des ACVM, supra note 5.

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L. s.r.l., 2020

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