Gare au pétrole et au potassium du Bélarus! Le Canada impose de nouvelles sanctions sectorielles
Gare au pétrole et au potassium du Bélarus! Le Canada impose de nouvelles sanctions sectorielles
Le 9 août 2021, le Canada a annoncé la prise de nouvelles sanctions contre le Bélarus sous le régime de la Loi sur les mesures économiques spéciales (la « Loi ») qui visent les valeurs mobilières et les instruments du marché monétaire, le financement par emprunt, l’assurance et la réassurance, les produits pétroliers et le chlorure de potassium. Ces sanctions s’ajoutent à celles qui avaient déjà été prises sous le régime de la Loi contre 72 fonctionnaires et 5 entités bélarussiens.
Les sanctions originales, annoncées le 29 septembre 2020, ont été imposées en réponse à ce que le gouvernement canadien qualifie de « violations graves et systématiques des droits de la personne »[1], notamment la suppression du vote durant la campagne électorale d’août 2020, qui s’est soldée par la sixième réélection d’Alexander Lukashenko et a donné lieu à des violences sanctionnées par l’État à l’endroit des manifestants anti-régime. Or, les violations des droits de la personne se sont poursuivies dans l’année suivant l’imposition des sanctions, l’une des plus notables étant le détournement du vol 4978 de Ryanair et l’arrestation subséquente du journaliste dissident Roman Protasevich et de sa compagne Sofia Sapega. À ce jour, ils demeurent détenus au Bélarus en tant que prisonniers politiques.
Sanctions sectorielles : secteurs financier, pétrolier et gazier
Au total, le Canada a imposé des sanctions sous le régime de la Loi à cinq reprises depuis l’élection d’août 2020 : en septembre 2020, octobre 2020, novembre 2020, juin 2021 et août 2021. Jusqu’à maintenant, les sanctions visaient principalement des hauts fonctionnaires, comme M. Lukashenko et son fils Viktor, ainsi que des entités bélarussiennes, comme des sociétés des secteurs de l’automobile et de l’aviation. Habituellement, ces sanctions empêchent les Canadiens et toute personne se trouvant au Canada de faire affaire avec les fonctionnaires et entités visés. Pour en savoir plus sur les effets de ces sanctions, reportez-vous à notre bulletin de septembre 2020[2].
Les sanctions annoncées cette semaine, à l’occasion du premier anniversaire de l’élection frauduleuse, sont différentes en ce qu’elles visent des secteurs précis : ceux du pétrole et du gaz et de la finance. Selon le ministre canadien des Affaires étrangères Marc Garneau, elles visent à imposer des restrictions sur des « secteurs clés de l’économie du Bélarus » et à réduire « l’accès des acteurs étatiques bélarussiens aux financements internationaux » [3]. Les sanctions interdisent à toute personne se trouvant au Canada et à tout Canadien se trouvant à l’extérieur du Canada d’importer, d’acheter, d’acquérir et de transporter des produits du pétrole et du chlorure de potassium en provenance du Bélarus, ou d’en faire le commerce de quelque manière que ce soit. Elles empêchent aussi les Canadiens et toute personne se trouvant au Canada :
- d’effectuer toute forme d’opération portant sur des valeurs mobilières ou des instruments du marché monétaire émis par le Bélarus, les banques bélarussiennes ou une personne agissant pour leur compte;
- de fournir un financement par emprunt dont la durée dépasse 90 jours ayant trait au Bélarus, aux banques bélarussiennes ou à une personne agissant pour leur compte;
- de fournir des produits ou services d’assurance ou de réassurance au Bélarus, à une organisation contrôlée par le Bélarus ou à une personne agissant pour leur compte[4].
Ces sanctions sont comparables à celles qui ont été imposées contre la Russie en réponse à son rôle dans la crise politique en Crimée. En 2014, le Canada a décrété des sanctions visant les secteurs névralgiques de l’économie russe, notamment le pétrole et le gaz et la finance. Ces sanctions interdisaient aux Canadiens et à toute personne se trouvant au Canada de fournir un financement par emprunt dont la durée dépasse 90 jours, d’octroyer du financement et d’effectuer des opérations visant de nouveaux titres, ainsi que d’exporter, de vendre, de fournir ou de transporter tout produit d’exploration et de production pétrolière[5].
Effort concerté sur la scène internationale
Ces mesures s’inscrivent dans un effort concerté du Canada, des États-Unis, de l’Union européenne et du Royaume-Uni pour pousser M. Lukashenko à mettre fin aux violations des droits de la personne. Outre l’interdiction de faire le commerce de produits du pétrole et d’acheter des valeurs mobilières et des instruments du marché monétaire, le Royaume-Uni a interdit aux transporteurs aériens bélarussiens de survoler son territoire et imposé des sanctions commerciales encore plus vastes, visant notamment sur la potasse et les produits servant à la production de cigarettes[6]. Les États-Unis ont par ailleurs annoncé cette semaine l’ajout de 23 fonctionnaires et de 21 entités à leur liste de sanctions. Ils ont aussi ajouté le comité national olympique du Bélarus à cette liste, au motif qu’il serait utilisé pour [traduction] « blanchir de l’argent et contourner les sanctions »[7]. L’Union européenne n’a pas encore fait d’annonce en la matière.
Inscription antérieure du Bélarus à la Liste des pays visés
Comme il a été mentionné dans notre bulletin de septembre 2020 intitulé « Alerte sanctions – Nouvelles sanctions imposées par le Canada contre le Bélarus », ces sanctions s’ajoutent aux nombreuses sanctions déjà imposées par le Canada. De 2006 à 2017, le Bélarus était inscrit sur la Liste des pays visés de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation pour des transgressions semblables à celles commises aujourd’hui (élections présidentielles entachées et répression de l’opposition). Lorsqu’un pays est inscrit sur cette liste, une licence d’exportation du ministère des Affaires étrangères est requise pour y exporter des produits. Le Bélarus a officiellement été retiré de la liste le 20 juin 2017[8].
Conclusion
Les entreprises canadiennes ayant des liens avec le Bélarus doivent s’informer de tout risque de non-conformité à la Loi. Selon son article 8, toute personne qui contrevient aux sanctions décrétées est passible d’une amende de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans[9]. Le groupe du commerce international de McMillan continuera à surveiller toute modification de ce programme de sanctions et peut fournir des conseils stratégiques pour atténuer le risque de non-conformité.
Remerciements : Tayler Farrell, stagiaire en droit chez McMillan, a grandement contribué à la rédaction du présent bulletin.
[1] Site Web d’Affaires mondiales Canada : Les sanctions canadiennes liées au Bélarus.
[2] Bulletin de McMillan, septembre 2020, Alerte sanctions – Nouvelles sanctions imposées par le Canada contre le Bélarus.
[3] Affaires mondiales Canada, communiqué de presse, 9 août 2021, Le Canada impose des sanctions additionnelles à l’occasion du premier anniversaire des élections présidentielles frauduleuses au Bélarus.
[4] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus, 9 août 2020; en ligne : Affaires mondiales Canada.
[5] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, 19 décembre 2014; en ligne : Affaires mondiales Canada.
[6] Ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, article, 9 août 2021, en ligne : Belarus: UK imposes significant new package of economic sanctions on Belarus on anniversary of fraudulent election.
[7] Département du Trésor des États-Unis, communiqué de presse, 9 août 2021; en ligne : Treasury Hold the Belarusian Regime to Account on Anniversary of Fraudulent Election.
[8] Affaires mondiales Canada, Avis aux exportateurs, 30 juin 2017, en ligne : Modification de la Liste des pays visés (élimination du Bélarus).
[9] Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17.
Par Peter Jarosz et Chris Scheitterlein.
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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