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La Cour supérieure de justice de l’Ontario se prononce sur les obligations en matière de licenciement des employeurs sous régime fédéral

Décembre 2020 Bulletin du droit du travail et de l’emploi Lecture de 5 min

Ces dernières années, les tribunaux de l’Ontario se sont fréquemment prononcés sur les obligations des employeurs en matière de licenciement en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario. Toutefois, il est rare que ces tribunaux se prononcent sur des questions liées à l’applicabilité des clauses de licenciement en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (« CCT »). Dans l’affaire Sager v TFI International Inc.[1], la Cour supérieure de justice de l’Ontario a examiné les obligations d’un employeur fédéral lors du licenciement d’un employé en vertu du CCT et a confirmé que les clauses de licenciement convenues dans un contrat de travail doivent respecter les conditions d’emploi pendant la période de préavis.

Les faits

Le plaignant a travaillé comme vice-président des ventes et du service à la clientèle à Loomis Express, une filiale de TFI International Inc. (« TFI »), de novembre 2016 au 31 juillet 2019, date à laquelle elle a licencié le plaignant sans motif valable.

Au moment du licenciement, la rémunération de M. Sager comprenait son salaire de base ainsi qu’une allocation d’automobile, des avantages sociaux collectifs, une prestation de retraite et une prime potentielle. À la suite du licenciement, M. Sager a reçu une indemnité de licenciement conformément à son contrat de travail (le « Contrat »), qui lui donnait droit au « [traduction] montant le plus élevé de trois (3) mois de salaire de base ou un (1) mois de salaire de base par année de service achevée jusqu’à un maximum de 12 mois ». M. Sager a allégué que la clause de licenciement du Contrat était inapplicable, car elle tentait de limiter ses droits à un paiement forfaitaire fondé sur son salaire, sans tenir compte de ses autres avantages. M. Sager ne soulevait pas la question de savoir si son licenciement sans motif valable était autorisé, ni n’alléguait avoir été licencié injustement en vertu de l’art. 240 du CCT.

Arrêt

Dans son arrêt, la cour a examiné plusieurs questions, notamment l’applicabilité de la clause de licenciement du Contrat et le droit du plaignant à une prime durant la période applicable de préavis.

Applicabilité de la clause de licenciement

La cour a souligné l’obligation de l’employeur de fournir un préavis de licenciement raisonnable ou une indemnité en tenant lieu, à savoir un préavis raisonnable en common law, sauf s’il existe un contrat limitant sans ambigüité les droits de l’employé. En tant qu’employeur du secteur des transports, TFI est sous régime fédéral et, en vertu du CCT, avait l’obligation de fournir au moins ce qui suit :

  • 2 semaines de préavis ou 2 semaines de salaire tenant lieu de préavis si l’employé a accompli 3 mois consécutifs d’emploi sans interruption;
  • une indemnité de licenciement d’un montant équivalant au plus élevé de a) 2 jours de salaire pour chaque année d’emploi accomplie ou b) 5 jours de salaire si l’employé a accompli douze mois consécutifs de service sans interruption chez l’employeur.

La cour a particulièrement souligné l’exigence de l’article 231 a) du CCT de préserver les conditions d’emploi d’un employé durant la période de préavis. L’article 231 prévoit que :

« L’employeur qui donne le préavis prévu au paragraphe 230 (1) :

a) ne peut, par la suite, diminuer le taux de salaire ni modifier une autre condition d’emploi de l’employé en cause qu’avec le consentement écrit de celui‑ci;

b) continue, dans l’intervalle qui sépare la date du préavis de celle qui y est fixée pour le licenciement, à payer à l’employé son salaire régulier pour le nombre d’heures de travail normal. »

Bien que TFI ait fait un paiement à M. Sager pour un montant supérieur à celui auquel il avait droit en vertu du CCT, la cour a cependant estimé que la disposition de licenciement dans le Contrat violait le CCT parce qu’elle modifiait les conditions d’emploi de M. Sager durant la période de préavis.

Dans son arrêt, la cour a noté que contrairement à certaines clauses de licenciement qui sont simplement silencieuses sur les obligations d’un employeur à l’égard des avantages sociaux et de l’indemnité de licenciement[2], la clause de licenciement dans la présente affaire violait expressément l’article 231 a), car, en versant un paiement forfaitaire qui comprenait toutes les exigences en vertu du CCT, le Contrat avait pour effet d’exclure les prestations de retraite, les avantages sociaux, l’allocation d’automobile et/ou la prime. La cour a constaté que le fait que TFI n’a pas versé d’indemnité pour ces droits pendant au moins la période de préavis légale constituait une modification de ses conditions d’emploi et rendait la clause de licenciement inapplicable. La cour a donc conclu que M. Sager avait droit au préavis prévu en common law.

Curieusement, bien qu’elle ait conclu que le Contrat de travail offrait à M. Sager davantage que le minimum prévu au CCT, la cour n’a pas tenu compte de l’article 168 du CCT, qui stipule que :

« La présente partie, règlements d’application compris, l’emporte sur les règles de droit, usages, contrats ou arrangements incompatibles, mais n’a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou avantages acquis par un employé sous leur régime et plus favorables que ceux que lui accorde la présente partie. »

Prime

La cour a également examiné si M. Sager avait droit à des dommages‑intérêts en guise de prime dans le cadre de son régime de rémunération incitative à court terme (le « Régime de primes ») durant la période de préavis. Ce faisant, la cour a suivi une double approche.

Premièrement, la cour a conclu que le plaignant aurait eu droit à une prime pendant la période de préavis. Deuxièmement, la cour a interprété le Régime de primes et conclu que même s’il exigeait que M. Sager soit « activement employé » pour pouvoir recevoir une prime, le Régime de primes ne modifiait pas et/ou ne supprimait pas le droit de M. Sager à une prime en vertu de la common law. Même si TFI a attiré à juste titre l’attention de M. Sager sur l’exigence d’être « activement employé », la cour a conclu que le Régime de primes n’abordait pas la question de savoir si les employés licenciés sans motif valable étaient considérés comme « activement employés » pendant la période de préavis. Par conséquent, la cour a accordé à M. Sager une somme égale à la prime qu’il aurait reçue pendant la période de préavis applicable.

Points à retenir pour les employeurs

L’arrêt de la Cour supérieure est un rappel aux employeurs sous régime fédéral que les clauses de licenciement ne doivent pas exclure les éléments de la rémunération d’un employé pendant leur période de préavis légal. Les employeurs doivent examiner attentivement leurs obligations en vertu de l’article 231 du CCT afin de vérifier que les clauses de licenciement sont conformes aux exigences légales.

Les employeurs doivent également rédiger attentivement les régimes de rémunération incitative s’ils veulent limiter la rémunération incitative d’un employé pendant une période de préavis de common law. Les employeurs tant sous régime provincial que fédéral ont dû faire face à plusieurs arrêts récents confirmant que le fait de simplement exiger un « emploi actif » n’était pas suffisant pour exclure le droit à une prime pendant la période de préavis de common law.

par Kyle Lambert et Marie-Eve Jean

[1] 2020 ONSC 6608.
[2] La cour a distingué la clause de licenciement dans la présente affaire de celle de Roden v Toronto Humane Society, 2005 CanLII 33578 (ONCA) et de Nemeth v Hatch Ltd, 2018 ONCA 7.

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder sur ce seul document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L. s.r.l. 2020

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