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La Loi sur Investissement Canada est en cours de modernisation

12 décembre 2022 Bulletin sur les investissements étrangers Lecture de 7 min

Le 7 décembre dernier, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada, afin de moderniser la loi sur l’examen des investissements étrangers au pays, à savoir la Loi sur Investissement Canada (la « LIC »). Le projet de loi C-34 a pour but d’aligner le régime canadien d’examen relatif à la sécurité nationale pour les investissements en provenance de l’étranger sur celui de ses alliés britanniques et américains, surtout en ce qui a trait aux investissements visant les secteurs sensibles de l’économie. Il fait suite à la lettre de mandat du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (décembre 2021), où le premier ministre lui demande de « renforcer le processus d’examen en matière de sécurité nationale et [de] mieux évaluer et atténuer les menaces à la sécurité économique découlant des investissements étrangers ».

Nous exposons plus loin les principales implications pour les entreprises du pays, leurs actionnaires et les investisseurs non canadiens ainsi que les modifications à la LIC que prévoit le projet de loi C-34.

Le projet de loi fera l’objet d’une étude détaillée en commission au cours des deux prochains mois, et devrait être adopté, avec ou sans amendement, dès le printemps 2023. On peut s’attendre à ce que, dans le cadre de cette démarche, le gouvernement prenne des règlements pour nommer les secteurs sensibles faisant l’objet d’un contrôle accru et d’éléments procéduraux supplémentaires et publie des documents d’orientation pour améliorer la transparence et rassurer les investisseurs.

PRINCIPALES IMPLICATIONS POUR LES ENTREPRISES

Selon le cadre juridique actuel, les non-Canadiens ne sont pas tenus de prévenir le gouvernement s’ils investissent dans une entreprise canadienne, à moins d’en acquérir le contrôle. L’adoption du projet de loi C-34 changera cet état de fait : les non-Canadiens devront attendre l’approbation du gouvernement avant de clore, dans un secteur sensible, un investissement susceptible de nuire aux intérêts économiques ou de sécurité nationale du Canada. L’objectif consiste à prévenir toute conséquence sur la sécurité nationale.

Par cette nouvelle exigence et la hausse projetée des pénalités, le gouvernement signale sa volonté de faire de la LIC un outil d’atténuation des risques de sécurité découlant du fait que des technologies ou d’autres actifs stratégiques appartiennent à des investisseurs non canadiens, surtout si ceux-ci sont liés à un pays non aligné.

Nous nous attendons à ce que ces modifications découragent fortement les investissements étrangers dans les secteurs sensibles, et plus particulièrement la vente de participations minoritaires au capital des entreprises (y compris les opérations d’émission d’actions sans droit de vote, auxquelles ne s’applique actuellement aucune exigence d’avis préalable à la clôture).

Le projet de loi vient également modifier d’une manière qui avantage fortement le gouvernement les règles régissant la communication de la preuve dans le cadre du contrôle judiciaire des décisions. Les auteurs d’un récent livre blanc, les avocats Joshua Krane, Stephen Wortley et Connor Campbell, de McMillan, conseillent au gouvernement d’adopter un régime d’amicus curiae (ou intervenant désintéressé) pour la communication de renseignements touchant la sécurité nationale. Il reste à voir si cette proposition se concrétisera même si certains investisseurs entendent contester les examens relatifs à la sécurité nationale.

MODIFICATIONS PROPOSÉES À LA LOI SUR INVESTISSEMENT CANADA

1.    Nouvel avis à déposer préalablement à la clôture d’un investissement dans une activité commerciale réglementaire susceptible de donner lieu à un enjeu de sécurité nationale

L’investisseur non canadien qui acquiert le contrôle d’une entreprise canadienne ou qui en fonde une est tenu d’aviser le gouvernement. Il peut le faire avant la clôture ou dans les 30 jours qui suivent. Il a également la possibilité d’aviser volontairement le gouvernement d’un investissement ne donnant pas lieu à un contrôle.

Une fois l’avis déposé, le ministre dispose de 45 jours pour enclencher un processus d’examen relatif à la sécurité nationale.

Les modifications proposées obligeront l’investisseur non canadien à déposer un avis préalablement à l’acquisition partielle ou complète d’une entreprise canadienne exerçant une activité commerciale réglementaire i) s’il est susceptible d’avoir accès à des renseignements techniques importants qui ne sont pas accessibles au public ou à des actifs importants et ii) s’il est appelé à avoir le pouvoir de nommer ou de recommander la nomination de toute personne qui a la capacité de diriger tant l’activité commerciale que les affaires internes de l’unité ou à bénéficier de droits particuliers visés par règlement à l’égard de l’unité. L’investissement ne pourra être clos avant l’échéance de la période d’examen ou la résolution des problèmes liés à la sécurité nationale.

Le gouvernement n’a pas encore défini les types d’activités commerciales réglementaires, de renseignements techniques non publics et d’actifs importants qui rendront obligatoire le dépôt d’un avis préalable à la clôture. Le gouvernement compte prendre des mesures réglementaires à cet effet après l’adoption du projet de loi C-34.

Nous pensons que ces mesures correspondront aux catégories d’investissements faisant déjà l’objet d’un contrôle accru en application des lignes directrices actuelles : les investissements chinois et russes, les investissements dans les minéraux critiques et les investissements liés aux technologies et aux secteurs sensibles (p. ex., aéronautique, intelligence artificielle, biotechnologies, production d’énergie, technologies médicales, fourniture de biens et services essentiels).

2.      Augmentation des pénalités en cas de contravention

Les modifications proposées porteront la pénalité en cas de contravention à 25 000 $ par jour plutôt que 10 000 $ par jour et introduiront une pénalité ne dépassant pas la somme la plus élevée entre 500 000 $ et la somme réglementaire.

Par le passé, le ministre n’a pas eu recours aux pénalités pour assurer la conformité, mais la hausse des pénalités et les nouvelles exigences d’avis préalable à la clôture pourraient avoir un effet dissuasif sur les entreprises canadiennes des secteurs sensibles de l’économie et sur leurs actionnaires au moment d’étudier une transaction avec un investisseur non canadien, surtout si celui-ci est issu d’un pays non aligné.

3.     Nouveau pouvoir ministériel d’imposer des conditions provisoires lors d’un examen relatif à la sécurité nationale 

Les modifications proposées autoriseront le ministre à imposer des conditions provisoires pendant un examen relatif à la sécurité nationale. Après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, il pourra exercer ce pouvoir si des conditions provisoires lui semblent nécessaires à la protection de la sécurité nationale (p. ex., limiter l’accès de l’investisseur aux technologies critiques durant la période d’examen).

Il est permis de penser que ce pouvoir habilitera le ministre à adapter un arrêté d’urgence aux circonstances, à la nature de l’entreprise canadienne et aux enjeux de sécurité nationale associés à un investissement dans cette entreprise. Son exercice pourrait cependant retarder l’acquisition, voire amener un investisseur à se désister. En outre, le pouvoir en question occasionne une asymétrie informationnelle entre l’investisseur et les éventuels autres offrants et l’entreprise canadienne, et il risque de fausser la répartition des risques entre les parties en réduisant le pouvoir de négociation de l’investisseur et le prix de vente de l’entreprise canadienne.

4.      Nouveau pouvoir ministériel d’accepter des engagements pour faire face aux risques d’atteinte à la sécurité nationale 

Les modifications permettront aux investisseurs non canadiens de présenter des observations et de soumettre des engagements directement au ministre afin de faire face aux risques d’atteinte à la sécurité nationale et autoriseront le ministre à se baser sur des engagements négociés pour mettre fin à un examen relatif à la sécurité nationale sans passer par le Conseil des ministres.

Elles amélioreront l’efficacité du processus de négociation et rapprocheront celui-ci de la manière dont le ministre négocie actuellement les engagements avec les investisseurs lors des examens d’ordre économique ou des examens de l’avantage net en vertu de la LIC.

5.      Amélioration de l’échange d’informations avec les homologues internationaux

La LIC prévoit actuellement un privilège général à l’égard des informations fournies au gouvernement canadien à propos d’un investissement. Les modifications proposées réduiront ce privilège en permettant au ministre de communiquer des informations sur un investissement à un organisme ou un État étranger aux fins d’un examen relatif à la sécurité nationale des investissements en vertu de la LIC, l’objectif étant de faciliter la coopération entre les États nationaux.

6.      Nouvelles règles régissant la communication de la preuve dans le cadre du contrôle judiciaire

Les modifications proposées autoriseront le juge, à la demande du ministre, à prendre en compte des renseignements sensibles dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision prise en application des dispositions de la LIC portant sur la sécurité nationale sans communiquer ces renseignements au public, y compris l’investisseur et son avocat-conseil. Le juge pourra suivre cette procédure confidentielle s’il est d’avis que la communication des renseignements en question serait dommageable aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale ou compromettrait la sécurité de quelqu’un.

Outre ces limites, les modifications donneront à l’investisseur le droit de recevoir un résumé lui permettant d’être suffisamment informé de la thèse du gouvernement. Ce résumé ne comporterait aucun élément dont la communication porterait atteinte, selon le juge, aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Selon les modifications, le juge devra également donner à l’investisseur l’occasion de se faire entendre.

En l’absence d’un amicus curiae, la portée de son pouvoir discrétionnaire de taire certains renseignements risque d’entraver considérablement la capacité de l’investisseur à démontrer qu’un arrêté visant la sécurité nationale est déraisonnable ou tient de l’abus de procédure.

IMPORTANCE ACCRUE ACCORDÉE À LA SÉCURITÉ NATIONALE

Le projet de loi C-34 est la plus récente d’une série de politiques et de mesures réglementaires et législatives qui ont rehaussé le contrôle des investissements étrangers depuis que la pandémie de COVID-19 a frappé :

  • En avril 2020, soit au début de la pandémie, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) a annoncé un « contrôle renforcé » des investissements étrangers dans les entreprises canadiennes qui étaient liées à la santé publique ou participaient à la « fourniture de biens et de services essentiels ».
  • En mars 2021, ISDE a révisé ses lignes directrices sur la sécurité nationale aux fins suivantes : 1) préciser que les investissements provenant de sociétés d’État ou d’investisseurs privés étroitement liés à des gouvernements étrangers feraient l’objet d’un examen minutieux; 2) dresser une liste détaillée des secteurs et domaines présentant un risque pour la sécurité nationale; 3) reconnaître que les investissements qui permettent à des investisseurs étrangers d’accéder à des données personnelles sensibles sont source de préoccupation.
  • En mars dernier, en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ISDE a annoncé que les investissements provenant d’investisseurs russes, quelle qu’en soit l’envergure, feraient l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale.
  • En octobre dernier, le gouvernement a instauré une nouvelle politique concernant les investissements faits par des entreprises d’État dans le secteur canadien des minéraux critiques et a subséquemment annoncé que des investisseurs chinois se départiraient de leurs intérêts dans trois entreprises de ce secteur.
  • En novembre dernier, le gouvernement a publié la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique. Dans ce document, il précise que les modifications de la LIC joueront un rôle important dans la protection de la propriété intellectuelle et de la recherche canadienne, dans un contexte où la Chine est « une puissance mondiale de plus en plus perturbatrice ».

Les modifications proposées à la LIC constituent la prochaine étape d’une démarche par laquelle le gouvernement tente de surveiller et de contrôler la prise de participation dans les actifs et les technologies critiques du Canada par des investisseurs canadiens, surtout si ceux-ci sont issus d’un pays non aligné. La loi adoptée, le gouvernement devra prendre des règlements pour nommer les « secteurs commerciaux réglementaires » et fournir des informations sur les délais à respecter et les avis à déposer avant la clôture. On ignore donc encore les contours de l’approche qu’adoptera le gouvernement et les risques correspondants que devront assumer les investisseurs non canadiens.

Dans l’intervalle, les non-Canadiens désireux d’investir dans une entreprise canadienne qui évolue dans un secteur pouvant donner lieu à des enjeux de sécurité nationale sont invités à consulter un avocat-conseil à propos des risques, des structures transactionnelles et des stratégies de dépôt de documents.

Pour en savoir plus sur le sujet traité dans le présent bulletin ou sur un nouvel investissement au Canada, n’hésitez pas à communiquer avec nous ou avec votre personne-ressource chez McMillan.

par Beth Riley, Joshua Chad, Joshua Krane et Hannah Johnson

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022

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