La Reine c. Callidus Capital Corporation renversé; les prêteurs poussent un soupir de soulagement, mais pour combien de temps ?
La Reine c. Callidus Capital Corporation renversé; les prêteurs poussent un soupir de soulagement, mais pour combien de temps ?
Nous avons déjà traité de la décision rendue dans l’affaire La Reine c. Callidus Capital Corporation de la Cour d’appel fédérale dans notre bulletin Restructuration et Fiscalité , ici. La décision, rendue en juillet 2017, a été infirmée par la Cour suprême du Canada le 8 novembre 2018, offrant une certitude salutaire pour les prêteurs garantis. Vous pouvez accéder à la décision ici.
Dans l’affaire Callidus, la Cour d’appel fédérale avait jugé que le produit de la vente des biens d’un débiteur versé à un créancier garanti avant la faillite de ce débiteur, qui était assujetti à une fiducie présumée de la Couronne aux fins de la TPS/TVH, demeurait vulnérable à une réclamation de la Couronne après la faillite du débiteur. De plus, la Cour avait conclu que le créancier garanti pouvait être tenu personnellement responsable envers la Couronne du montant de la fiducie présumée.
Cette décision de la Cour d’appel fédérale infirmait la décision préalable de première instance, mais comprenait une opinion dissidente du juge Pelletier qui postulait qu’à son avis, la fiducie présumée s’était éteinte lorsque le débiteur avait fait faillite. À la date de la faillite, en raison du paragraphe 222(1.1) de la Loi sur la taxe d’accise (donnant effet au paragraphe 67(2) de la LFI), il ne restait aucun montant assujetti à la fiducie présumée en vertu du paragraphe 222(1) de la LTA. L’objet de la fiducie présumée n’existait plus.
Sans la fiducie présumée, toujours selon le juge Pelletier, l’extension de la fiducie présumée au produit de la vente en vertu du paragraphe 222(3) de la LTA était impossible. Il n’y avait plus de fiducie présumée pouvant être étendue au produit ou pouvant être revendiquée à l’égard du produit, à l’exclusion de toute sûreté. Le juge Pelletier n’a vu aucune raison de faire une distinction entre : 1) la réduction de la fiducie présumée aux termes du paragraphe 222(1) de la TPS/TVH en raison des paiements effectués au titre de la TPS/TVH perçue; et 2) la réduction de la fiducie présumée qui découle de l’effet de la loi (à la suite de la faillite).
Callidus avait demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, laquelle avait été accordée le 22 mars 2018.
À la Cour suprême du Canada, Callidus – appuyée par les interventions de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation, de l’Institut d’insolvabilité du Canada et de l’Association des banquiers canadiens – a soutenu que le libellé de la LTA ne permettait pas de conclure que, si les créanciers garantis engageaient leur responsabilité en vertu de la fiducie présumée du fait d’avoir reçu des actifs d’un débiteur fiscal, cette responsabilité subsistait après la faillite du débiteur fiscal. La fiducie présumée crée simplement une super priorité en faveur de la Couronne, laquelle s’éteint en cas de faillite. Décider autrement irait à l’encontre de l’intention du législateur de traiter la Couronne comme un créancier ordinaire.
Elle s’est également opposée aux conséquences peu pratiques et injustes de la décision majoritaire de la Cour d’appel fédérale. Puisqu’il est impossible pour un créancier (garanti ou non) de déterminer si son débiteur est en retard de paiement au titre des versements de TPS/TVH, un créancier ne peut être certain que le paiement ne sera pas réclamé à une date ultérieure, ni connaître le montant de la récupération éventuelle. Un créancier ne saurait jamais si les paiements qu’il reçoit sont définitifs, un syndic ne saurait pas comment répartir des actifs, ni comment évaluer la viabilité d’une proposition, créant une incertitude qui ne pourrait être résolue définitivement que par la faillite. De plus, cette prétendue responsabilité des créanciers garantis envers l’État a pour effet de renverser l’ordre de distribution établi dans la LFI. En effet, bien qu’une réclamation de TPS/TVH non payée soit une réclamation non garantie en cas de faillite, le fait de permettre à la Couronne de recouvrer une réclamation avant la faillite d’un autre créancier – un tiers innocent, comme l’a fait remarquer le juge Rowe – avait pour effet d’étendre les effets de la fiducie présumée au-delà de la faillite. Enfin, il a été soutenu que la fiducie présumée fonctionnait comme une charge flottante et qu’elle ne pouvait pas « suivre » la propriété dont le débiteur se départait dans le cours normal des affaires, que la propriété en cause soit des biens ou de l’argent.
Le pourvoi a été entendu par une pleine formation de neuf membres de la Cour, qui a rendu son jugement unanime sur le banc. La Cour a adopté les motifs de l’opinion minoritaire du juge Pelletier dans leur intégralité et a accueilli l’appel.
Malheureusement pour les prêteurs et la communauté de l’insolvabilité dans son ensemble, la Cour a expressément refusé de se prononcer sur la question plus large de la responsabilité d’un créancier lorsqu’il reçoit des paiements d’un débiteur fiscal en dehors du contexte de la faillite. De l’avis de la Cour, la question de droit dont elle était saisie se limitait à examiner les effets de la faillite du débiteur fiscal sur la capacité alléguée de l’État de recouvrer le montant de TPS/TVH non payé du débiteur auprès d’un créancier garanti qui a reçu un paiement avant la faillite de ce débiteur au moment où les versements de TPS/TVH étaient en souffrance. Les arguments avancés par la Couronne à l’audience laissent peu de doute sur le fait qu’elle poursuivra agressivement des revendications semblables à l’avenir, et la question plus large devrait se retrouver devant les tribunaux dans un court délai.
Pour l’instant, toutefois, les prêteurs peuvent pousser un soupir de soulagement, sachant que les réclamations de la Couronne contre eux après la faillite sont un peu moins probables.
*McMillan représentait l’intervenante l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation, avec une équipe composée d’Éric Vallières, Michael J. Hanlon et Émile Catimel-Marchand.
par Michael J. Hanlon, Jeffrey Levine, Éric Vallières et
Émile Catimel-Marchand
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