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Le bureau de la concurrence part à la chasse aux propriétés (à la recherche de baux anticoncurrentiels)

13 août 2024 Bulletin Concurrence, anti-trusts et investissements étrangers Lecture de 7 min

Introduction

À la suite des récentes modifications à la Loi sur la concurrence (Loi)[1] le Bureau de la concurrence (Bureau) a publié des lignes directrices préliminaires sur le contrôle de propriété (Lignes directrices) décrivant l’approche d’application de la loi qu’il prévoit adopter pour les « contrôles de propriété » dans les baux commerciaux[2]. L’approche adoptée par le Bureau pour contester les contrôles de propriété telle que présentée dans les Lignes directrices est plus agressive que ce que prévoient les exigences de la Loi.

Selon le Bureau, les clauses restrictives ne sont pas justifiées « sauf circonstances exceptionnelles » et les clauses d’exclusivité au profit des locataires ne sont justifiées que dans des « circonstances limitées ». Ces deux types de clauses peuvent faire l’objet d’une contestation, comme nous l’expliquons ci-après.

Toutefois, les Lignes directrices minimisent les difficultés qu’éprouverait le Bureau pour démontrer les éléments nécessaires permettant l’application de l’un ou l’autre des deux articles pertinents de la Loi à ces types de clauses dans les baux commerciaux :

  1. en ce qui concerne les réclamations liées à l’abus de position dominante, le Bureau minimise la difficulté de démontrer la position dominante (et en particulier de démontrer la dominance conjointe en l’absence d’accords entre les prétendus acteurs qui exercent une dominance conjointe) ainsi que la difficulté de démontrer que les contrôles de propriété qui ne sont pas justifiés représentent une pratique d’agissements anticoncurrentiels ;
  2. pour les collaborations anticoncurrentielles entre non-concurrents, le Bureau minimise la difficulté de démontrer qu’un objectif important de tout ou partie d’une convention de bail commercial contenant un contrôle de propriété est d’empêcher ou de diminuer la concurrence et que le contrôle de propriété a nui ou va nuire de façon importante à la concurrence.

Le Bureau demande des commentaires sur les Lignes directrices d’ici le 7 octobre 2024[3]. Le Bureau reconnaît que la loi continuera d’évoluer au fur et à mesure que les affaires concernant la Loi modifiée et les contrôles de propriété feront l’objet de litiges, de sorte que les Lignes directrices peuvent changer au fil du temps.

Qu’est-ce qu’un contrôle de propriété ?

Selon les Lignes directrices, les « contrôles de propriété » « sont des restrictions à l’utilisation de biens immobiliers commerciaux » qui mettent l’accent sur : (1) les clauses d’exclusivité au profit des locataires[4] et (2) les clauses restrictives[5], sans s’y limiter.

Précision importante concernant ce qui doit être prouvé

Les premières sections des Lignes directrices décrivent la façon dont les entreprises doivent examiner leurs contrôles de propriété pour déterminer si elles peuvent soulever des préoccupations en application de la Loi, et le Bureau explique les circonstances dans lesquelles ces contrôles peuvent être « justifiés ». Nous décrivons ces sections dans la dernière partie du présent bulletin. Les Lignes directrices laissent entendre que si un contrôle de propriété ne peut pas être « justifié » parce qu’il est de nature anticoncurrentielle, il risque d’être contesté en vertu de la Loi et que les entreprises doivent modifier leurs baux commerciaux afin de supprimer ou de modifier ces dispositions.

Pour appuyer la nouvelle approche du Bureau en matière d’application de la loi, les Lignes directrices expliquent que les contrôles de propriété ont fait l’objet d’une activité d’application internationale dans le cadre des régimes de droit de la concurrence de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Toutefois, ces pays ont des cadres juridiques différents de celui prévu par la Loi sur la concurrence du Canada. Ces cadres semblent avoir des seuils inférieurs ou des exigences réduites pour la contestation des contrôles de propriété (ou de certains types de contrôles de propriété).

Bien que le Bureau énonce tous les éléments qui doivent être démontrés pour contester le contrôle de propriété en vertu des dispositions pertinentes de la Loi, à savoir les dispositions sur l’abus de position dominante (articles 78 et 79) et la disposition sur les collaborations anticoncurrentielles (article 90.1), les Lignes directrices portent très peu d’attention à ces éléments. Les principales parties des Lignes directrices peuvent amener les entreprises à croire à tort que leurs baux pourraient être contestés uniquement en fonction de la question de savoir si le contrôle de propriété peut être « justifié ».

En ce qui concerne les réclamations liées à l’abus de position dominante, le Bureau doit contester le comportement d’une partie qui est dominante ou de plusieurs parties qui exercent une dominance conjointe dans un marché. Les préoccupations que pourrait présenter le contrôle de propriété dans le cadre des baux commerciaux s’appliqueront généralement aux locataires qui bénéficieraient prétendument d’une concurrence réduite. Toutefois, la dominance peut être très difficile à prouver. Il est encore plus difficile de prouver l’existence d’une dominance conjointe et il pourrait être nécessaire de démontrer au moins un certain degré d’accord tacite ou de coordination entre les parties qui exerceraient prétendument une dominance conjointe.

En outre, pour établir l’existence d’un abus, le Bureau devra prouver que le contrôle de propriété représente une pratique « d’agissements anticoncurrentiels » ou qu’il a conduit à un dommage substantiel pour la concurrence. Les Lignes directrices laissent entendre que si un contrôle de propriété ne satisfait pas au seuil de « justification » du Bureau, il représentera nécessairement une pratique d’agissements anticoncurrentiels, mais les modalités de la Loi ne garantissent aucunement cette conclusion.

En ce qui concerne les réclamations visées par la disposition sur la collaboration anticoncurrentielle qui permettra au Bureau de contester les accords anticoncurrentiels conclus entre des non-concurrents (qui prend effet dans sa version modifiée en décembre 2024), le Bureau n’aura pas à prouver la dominance. Toutefois, le Bureau devra prouver que l’un des objectifs importants de l’accord ou d’une partie de celui-ci est d’empêcher ou de diminuer la concurrence et il devra prouver que le contrôle de propriété a nui ou nuira vraisemblablement de façon importante à la concurrence, ce qui peut être difficile.

Nous recommandons que les locataires et les propriétaires envisagent une analyse complète de tous les éléments des dispositions relatives à l’abus de position dominante et à la collaboration anticoncurrentielle avant de modifier leurs baux commerciaux uniquement en fonction du critère de la justification présenté dans les Lignes directrices.

Quels sont les critères du Bureau pour l’analyse des contrôles de propriété ?

Compte tenu des mises en garde susmentionnées, nous abordons brièvement la façon dont le Bureau conseille aux locataires et aux propriétaires de revoir leurs contrôles de propriété. Les Lignes directrices conseillent aux entreprises de se poser les questions suivantes afin de réduire le risque que leurs contrôles de propriété contreviennent à la Loi :

  1. Le contrôle de la propriété est-il nécessaire pour permettre à une nouvelle entreprise d’entrer sur le marché ou pour encourager un nouvel investissement ?
  2. Ce contrôle de propriété pourrait-il durer moins longtemps ? Le contrôle de propriété restreint-il le futur propriétaire du terrain ou avantage-t-il un ancien locataire ?
  3. Ce contrôle de propriété pourrait-il couvrir moins de produits ou de services ?
  4. Ce contrôle de propriété pourrait-il être plus restreint géographiquement ?
  5. Existe-t-il un autre locataire approprié qui a besoin d’une clause d’exclusivité moins restrictive ou qui n’a besoin d’aucune clause d’exclusivité (compte tenu de la nature des activités de l’autre locataire, de l’efficacité avec laquelle il réussirait à attirer les clients au centre commercial et de la composition des locataires du centre commercial) ?

Ces questions suggèrent que le Bureau ne veut considérer les contrôles de propriété comme « justifiés » que lorsque leur portée est aussi limitée que possible et qu’ils offrent un avantage clair pour la concurrence. À notre avis, la Loi offre une plus grande souplesse, et de nombreux types de contrôles de propriété ne sont ni anticoncurrentiels ni favorables à la concurrence, ce qui ne soulèverait aucune préoccupation dans le cadre des modalités de la Loi.

Selon le Bureau, à quel moment les clauses d’exclusivité et les clauses restrictives peuvent-elles être justifiées ?

En gardant à l’esprit que les clauses d’exclusivité sont courantes, particulièrement dans les contextes de vente au détail, les Lignes directrices indiquent que de tels contrôles ne sont justifiables que s’ils entraînent une concurrence accrue ou dans la mesure où ils sont nécessaires pour permettre de nouvelles entrées ou des investissements (par exemple, lorsqu’il n’y aurait autrement pas d’entrée). Par exemple, un contrôle de propriété favorable à la concurrence pourrait être un contrôle dans le cadre duquel un locataire n’accepte d’entrer dans un immeuble que si le propriétaire l’assure qu’aucun détaillant semblable ne louera d’espace dans ce centre commercial pendant une période raisonnable.

Les Lignes directrices affirment que les clauses restrictives ne sont presque toujours pas justifiées et qu’il faudrait des circonstances exceptionnelles pour qu’un tel contrôle de propriété soit approprié.

Prochaines étapes pour les entreprises

Il est conseillé aux entreprises d’examiner leurs baux commerciaux afin de repérer tout contrôle de propriétés visant des concurrents qui pourrait dépasser ce qui serait nécessaire pour servir un objectif favorable à la concurrence. Si de tels contrôles sont constatés, les entreprises devraient se demander si ces dispositions risquent d’être contestées en vertu de la Loi.

Il convient de noter que les parties privées peuvent demander au Tribunal de la concurrence l’autorisation de contester des décisions d’abus de position dominante présumés et, à partir de juin 2025, des décisions de collaborations anticoncurrentielles. À compter de juin 2025, le mécanisme supplémentaire possible de restitution des profits réalisés par les sociétés qui contreviennent à ces dispositions constituera un incitatif supplémentaire pour les requérants privés. Par conséquent, les propriétaires et les locataires devraient également se demander s’il existe un risque qu’une personne qui croit avoir subi un préjudice en raison d’un contrôle de propriété lance sa propre contestation.

Pour mieux comprendre si les contrôles de propriété dans vos baux soulèvent des préoccupations potentielles en vertu de la Loi, veuillez communiquer avec les groupes Concurrence et antitrust ou Immobilier commercial de McMillan.

[1] Se reporter aux bulletins précédents de McMillan, en particulier notre bulletin de mars 2024 sur les répercussions que les récentes modifications à la Loi sur la concurrence pourraient avoir sur les conventions de location. Se reporter également à notre aperçu de juin 2024 des récentes modifications apportes à la Loi sur la concurrence, notre examen des nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment et notre examen des modifications apportées au régime des fusions.
[2] Bureau de la concurrence, « Les contrôles de propriété visant des concurrents et la Loi sur la concurrence » (2024-08-07).
[3] Pour obtenir de l’aide pour soumettre des commentaires sur les Lignes directrices au nom de votre entreprise, veuillez communiquer avec le groupe Concurrence et antitrust de McMillan ou avec le groupe Immobilier commercial de McMillan.
[4] Les clauses d’exclusivité au profit des locataires sont des dispositions de baux qui limitent l’utilisation de l’immeuble par des concurrents d’un locataire. Il s’agit notamment de clauses interdisant au locateur de louer un local ou un terrain à un concurrent d’un locataire, de clauses limitant les types de produits que d’autres locataires peuvent vendre et de clauses qui incitent à ne pas louer un bien aux concurrents d’un locataire.
[5] Les clauses restrictives sont des restrictions relatives à un terrain qui empêchent l’acheteur ou le propriétaire d’un bien commercial d’utiliser l’emplacement pour exploiter certains types d’entreprises qui font concurrence à un propriétaire précédent ou de le louer à de tels tiers. Comme ce type de contrôle est lié aux terrains, il peut créer des zones où certaines entreprises ne sont pas autorisées à exercer leurs activités pendant une longue période.

Par les groupes Concurrence et antitrust et Immobilier commercial de McMillan

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

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