Le Bureau de la concurrence conclut un consentement qui sanctionne FlightHub suite à des allégations de publicité trompeuse
Le Bureau de la concurrence conclut un consentement qui sanctionne FlightHub suite à des allégations de publicité trompeuse
Le 24 février 2021, le Bureau de la concurrence annonçait qu’il mettait un terme à son enquête de plusieurs années sur des allégations de publicité trompeuse de la part de FlightHub et avait conclu un consentement avec la compagnie et deux de ses administrateurs visant à résoudre les préoccupations du Bureau. Le consentement comprend notamment des sanctions pécuniaires contre FlightHub et deux de ses administrateurs.
Principales conséquences pour les entreprises
Même si cette affaire n’a pas valeur de précédent en droit canadien, puisqu’elle ne résulte pas d’une décision judiciaire contestée, elle constitue néanmoins un rappel utile que le Bureau de la concurrence demeure à l’affût des comportements qu’il estime trompeurs, y compris la technique des prix partiels (drip pricing). Elle est d’autant plus importante qu’elle vise la publicité en ligne et le secteur du voyage, lesquels ont fait l’objet d’une surveillance accrue de la part de nombreuses organisations de protection des consommateurs à l’échelle internationale en raison de la pandémie de la COVID‑19.
Enfin, elle constitue une mise en garde importante pour les administrateurs et les dirigeants des entreprises, à l’effet que le Bureau peut toujours tenter de les tenir personnellement responsables, dépendamment des circonstances.
Contexte de l’affaire
FlightHub faisait semble-t-il l’objet d’un grand nombre de plaintes de la part de consommateurs concernant ses pratiques de commercialisation tant au Canada qu’aux États-Unis.
En 2017, la division nationale de la publicité du Conseil américain des bureaux d’éthique commerciale a conclu que FlightHub aurait donné des indications fausses ou trompeuses et il avait donc recommandé qu’il soit mis un terme à ces pratiques. À l’époque, FlightHub avait accepté de se plier à ces recommandations.
En 2019, le procureur général de la ville de San Francisco a intenté des poursuites contre FlightHub alléguant l’existence de pratiques commerciales illégales et trompeuses de la part de la compagnie. Ces poursuites sont toujours en cours.
Au début de 2019, le Bureau de la concurrence du Canada a obtenu des mandats de perquisition à l’encontre de FlightHub. L’exécution d’un mandat de perquisition dans une cause tombant sous le coup des dispositions civiles de la Loi sur la concurrence est inhabituelle, comme nous l’avons indiqué dans notre bulletin précédent. En effet, le Bureau recourt habituellement plutôt en ces cas à des demandes de renseignements informelles ou à des ordonnances de production judiciaires afin d’obtenir les renseignements qu’il recherche. Le Bureau n’a habituellement recours à des mandats de perquisition que lorsqu’il craint une destruction de documents ou lorsqu’une conduite soulève des questions potentiellement criminelles.
En octobre 2019, le Bureau a aussi pris la mesure inhabituelle de conclure un consentement intérimaire avec FlightHub, selon lequel FlightHub devait s’abstenir de faire des déclarations fausses ou trompeuses concernant la sélection de sièges et les droits d’annulation de vol et de changement de réservation et ce, pendant que le Bureau poursuivait son enquête. Ainsi, comme FlightHub avait consenti à cesser temporairement certaines des pratiques en cause, le Bureau n’avait donc pas à s’adresser aux tribunaux pour obtenir une injonction provisoire, comme il l’avait annoncé au préalable. Notons que le Bureau a déjà indiqué qu’il entendait dorénavant avoir davantage recours à la procédure d’injonction afin de faire cesser une conduite pendant la durée d’une enquête.
Les préoccupations du Bureau à l’égard des pratiques commerciales de FlightHub s’articulaient essentiellement comme suit :
- Prix partiels : le fait de facturer des frais aux clients pour la sélection de sièges ainsi que pour l’annulation ou le changement de réservation après avoir donné l’impression que ces services seraient offerts sans frais.
- Désinformation populaire planifiée : le fait de mettre en avant des évaluations positives en ligne qui pouvaient donner l’impression d’avoir été faites par des consommateurs, alors que les avis avaient été semble-t-il rédigés par FlightHub elle-même.
- Déclarations trompeuses : le fait pour FlightHub de déclarer ce qui suit :
- les clients qui prenaient une réservation sur un vol pouvaient réserver des sièges particuliers et FlightHub pouvait obtenir ces sièges auprès de la compagnie aérienne, alors que de nombreux sièges sélectionnés par des clients n’étaient pas effectivement réservés, même si des frais leur avaient été facturés pour les sièges qu’ils avaient sélectionnés;
- les clients se voyaient offrir des droits plus étendus d’annulation et/ou de changement de réservation que ce qui était le cas en réalité;
- les clients pouvaient annuler des vols et obtenir des crédits qui pourraient être utilisés pour des vols futurs, sans que des restrictions importantes ou les frais liés à l’utilisation de ces crédits ne leur soient divulgués, y compris dans certains cas des réductions de la valeur des crédits;
- les clients pouvaient acheter des vols à des prix particuliers, alors que ces prix étaient parfois augmentés une fois que les clients avaient réservé leurs vols.
Pénalités
Sans qu’il y ait eu débat judicaire, FlightHub qui était en difficulté financière, n’a pas contesté la justesse des arguments du Bureau et elle a accepté d’acheter la paix et de verser une sanction administrative pécuniaire (SAP) de 5 millions de dollars, et deux de ses administrateurs ont convenu de verser une SAP de 400 000 $ chacun. Le consentement conclu interdit aussi à FlightHub et aux deux administrateurs concernés de donner des indications fausses ou trompeuses au sens de la Loi pour une période de 10 ans.
Le fait que le consentement impose des pénalités et des obligations à l’égard de administrateurs de FlightHub à titre personnel est digne de mention. Notons que FlightHub était toutefois insolvable et qu’elle s’est trouvée sous protection judiciaire à l’encontre de ses créanciers. Comme la SAP est une créance ordinaire, son paiement effectif par FlightHub n’était pas garanti. Prenant acte de la capacité limitée de payer de FlightHub, le Bureau paraît avoir conclu qu’il devait rechercher la responsabilité personnelle des administrateurs de FlightHub et il a réussi à la faire inclure au sein du consentement négocié. Ce faisant, le Bureau s’est fondé sur une disposition rarement invoquée de la Loi sur la concurrence, à savoir le paragraphe 52(1.2).
Points à retenir
- La publicité en ligne, et en particulier la technique des « prix partiels » consistant pour un vendeur à facturer des frais supplémentaires qui ne sont pas divulgués dès le départ, continue d’être dans le collimateur du Bureau de la concurrence.
- Le Bureau s’intéresse également à ce qu’il considère problématique et qu’il appelle la « désinformation populaire planifiée », c’est-à-dire, en anglais, l’ « astroturfing ».
- Le Bureau dispose d’un éventail d’options pour l’aider à obtenir des informations dans le cadre de ses enquêtes, dont les mandats de perquisition et les injonctions provisoires, et il n’hésite pas à les faire valoir lorsqu’il le juge approprié.
- Le Bureau peut parfois même chercher à retenir la responsabilité personnelle de certains administrateurs et dirigeants d’entreprise s’ils ont été directement impliqués.
Si vous avez des questions au sujet de cette affaire ou si vous avez besoin d’assistance à l’égard d’une plainte devant le Bureau de la concurrence, n’hésitez pas à communiquer avec nous ou avec votre contact habituel chez McMillan.
par William Wu, Éric Vallières, Joshua Krane et James Musgrove
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
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