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Le Canada durcit ses sanctions en réponse à la crise russo-ukrainienne

Le 4 mars 2022 Bulletin sur le commerce international Lecture de 7 min

Dans cette mise à jour des bulletins de McMillan sur les sanctions que le Canada impose à la Russie en réaction à l’invasion de l’Ukraine, nous traitons du retrait de la Russie et du Bélarus du traitement tarifaire de la nation la plus favorisée, de l’interdiction d’importation du pétrole russe et de l’ajout d’individus et d’entités à la liste des personnes sanctionnées en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie. Ces mesures et d’autres, qui sont en vigueur depuis le 24 février 2022, sont d’une portée et d’une dureté sans précédent[1].

Le Canada retire la Russie et le Bélarus du traitement tarifaire de la nation la plus favorisée

Le 2 mars 2022, la ministre des Finances a pris le Décret de retrait du bénéfice du tarif de la nation la plus favorisée en vertu du Tarif des douanes[2]. Ce décret entraîne l’application du tarif général aux importations russes et bélarusses, qui est moins avantageux que celui en vigueur pour les autres membres de l’OMC. Par conséquent, le tarif général de 35 % en vertu du Tarif des douanes s’applique désormais aux biens en provenance de la Russie et du Bélarus.

La valeur totale des échanges commerciaux touchés avoisine les 2,1 milliards de dollars. En 2020, la valeur des exportations russes au Canada s’élevait environ à 1,2 milliard de dollars. En 2021, les importations ont bondi à 2,1 milliards de dollars, les principales étant les produits en métal et les produits minéraux non métalliques (712 millions de dollars), les produits chimiques de base et industriels, les produits en plastique et en caoutchouc (682 millions de dollars) et les produits énergétiques (289 millions de dollars)[3]. En 2020, les importations du Bélarus au Canada se sont élevées à 23 millions de dollars; elles sont passées à 34 millions de dollars en 2021, les principales étant les biens de consommation (11 millions de dollars) et les produits forestiers (10 millions de dollars)[4].

Le décret de retrait s’applique pendant un maximum de 180 jours. Toute prolongation devra être approuvée par le Parlement[5].

L’imposition du tarif général contrevient au principe général du traitement tarifaire de la nation la plus favorisée pour tous les membres de l’OMC. Cela dit, l’article XXI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce prévoit des exceptions concernant la sécurité permettant aux pays de « prendre toutes mesures qu’[ils] estimer[ont] nécessaires à la protection des intérêts essentiels de [leur] sécurité » si ces mesures sont « appliquées en temps de guerre ou en cas de grave tension internationale »[6].

Le Canada interdit l’importation de pétrole russe

Le 28 février 2022, le Canada a annoncé qu’il interdit l’importation de pétrole brut en provenance de la Russie[7]. Le gouvernement canadien a admis ne pas avoir importé de pétrole brut de la Russie depuis 2019. Par contre, l’interdiction pourrait s’étendre à d’autres produits du pétrole que le Canada continue d’importer. À la date de publication du présent bulletin, le gouvernement était toujours muet quant à l’application de cette mesure.

Le Canada ajoute des noms à la liste des particuliers et des entités sanctionnés

Le Canada a pris trois mesures pour ajouter des noms à la liste des particuliers et entités sanctionnés publiée une semaine auparavant :

  • Le 28 février 2022, le Canada a sanctionné 18 hauts fonctionnaires du gouvernement en Russie, notamment le président de la Fédération de Russie (Vladimir Poutine), son chef de cabinet (Anton Vaino), le ministre des Affaires étrangères (Sergey Lavrov), le ministre de la Justice (Konstantin Chuychenko) et le ministre de la Défense (Sergey Shoygu)[8]. Il est désormais interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger de traiter avec ces personnes. De plus, les biens que ces personnes détiennent dans des institutions financières canadiennes font l’objet d’un gel. Plus particulièrement, il est interdit aux Canadiens de faire des transactions visant les biens de ces personnes et de leur fournir des biens ou des services financiers ou connexes[9].
  • Le 2 mars 2022, le Canada annonçait l’élargissement des sanctions à l’encontre de dix personnes clés de deux sociétés importantes du secteur de l’énergie en Russie, Rosneft et Gazprom[10]. À la date de publication du présent bulletin, le nom de ces personnes n’était pas encore rendu public.
  • Le Canada a aussi élargi la portée et accru la dureté des sanctions visant la Banque centrale de la Fédération de Russie, le Fonds souverain de la Fédération de Russie et le ministère des Finances de la Fédération de Russie. Ces entités font désormais l’objet d’une interdiction de transaction, comme il a été expliqué plus haut, et d’un gel des biens[11]. Ces trois entités ont été désignées en vertu de l’annexe 3.1 des sanctions imposées par le Canada, annexe qui interdisait le nouveau financement par emprunt et qui a été abrogée le 24 février; elles sont dorénavant désignées en vertu de l’annexe 1, qui impose de plus larges interdictions[12].

Le Canada appuie le retrait de la Russie du système bancaire SWIFT

Le 26 février 2022, le Canada, avec la Commission européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et les États-Unis, a publié une déclaration conjointe où il s’engageait à retirer certaines banques russes du système de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (« SWIFT »), un système de messagerie financière spécialisé dont les banques se servent pour échanger des données financières[13]. Cette action exclut ces banques d’une partie importante du système financier international.

Le 1er mars 2022, la Commission européenne adoptait le blocage de SWIFT pour sept grandes banques russes et leurs filiales en propriété majoritaire. Les banques russes suivantes ont été désignées : Bank Otkritie, Novikombank, Promsvyazbank, Bank Rossiya, Sovcombank, Vnesheconombank (VEB) et VTB Bank[14]. Le Canada pourrait poursuivre dans cette veine avec d’autres actions.

Le Canada prend des mesures additionnelles en réponse à la situation en Ukraine

En plus du nombre impressionnant de sanctions économiques, de mesures de contrôle des exportations et importations et de mesures douanières déjà annoncées, le gouvernement Canada :

  • offre de nouveaux processus d’immigration pour les réfugiés ukrainiens; appuie la mesure visant l’exclusion de la Russie d’Interpol[15];
  • retire la télévision d’État russe de la liste des services de programmation et de stations non canadiens approuvés pour distribution[16];
  • ordonne à Exportation et développement Canada d’accorder un prêt à l’Ukraine et vertu de la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes[17];
  • invoque le mécanisme de Moscou, une initiative visant à établir une mission d’experts chargée d’examiner les enjeux en matière de droits de la personne et les répercussions humanitaires de l’invasion de l’Ukraine par la Russie[18];
  • interdit aux navires et aux bateaux de pêche russes d’entrer dans les ports et dans les eaux intérieures du Canada[19];
  • ferme l’espace aérien canadien aux compagnies aériennes russes[20].

Résumé de la première série de sanctions économiques imposées contre la Russie

Comme nous en avons discuté dans le bulletin Russie : le Canada durcit les sanctions économiques, resserre le contrôle des exportations et appuie l’exclusion de SWIFT, la première série de mesures prises par le Canada contre la Russie comprenait les suivantes :

  • Restrictions sur les opérations avec le secteur financier russe au moyen de sanctions visant d’importantes banques du pays.
  • Sanctions contre des acteurs importants de l’exportation de pétrole et de gaz et contre des entités des secteurs du transport, de l’aviation, des services publics, de la défense et des télécommunications.
  • Sanctions globales interdisant nombre d’opérations et d’activités dans les régions de la « République populaire de Donetsk » et de la « République populaire de Louhansk ».
  • Ajout de centaines de noms à la liste de personnes visées par les sanctions, y compris des membres de la Douma d’État et quatre Ukrainiens considérés comme des agents pro-Russie.
  • Annulation des licences d’exportation vers la Russie de marchandises et de technologies contrôlées et refus automatique de toute demande de nouvelle licence.

Le groupe du commerce international de McMillan continue de suivre l’évolution de la situation impliquant la Russie, l’Ukraine et le Bélarus et demeure disponible pour aider les entreprises à se conformer à ces règles qui évoluent.

[1] Voir notre bulletin précédent sur la première vague de sanctions imposées par le Canada en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie : Russie : le Canada durcit les sanctions économiques, resserre le contrôle des exportations et appuie l’exclusion de SWIFT (25 février 2022). Ces mesures sont aussi résumées plus loin dans le texte.
[2] Décret, Numéro C.P. : 2022-0182, 2 mars 2022, en ligne : https://decrets.canada.ca/attachment.php?attach=41659&lang=fr.
[3] Statistique Canada, Commerce international de marchandises du Canada par pays et par section de produits sur une base douanière, annuel (x 1 000), consulté le 4 mars 2022 (filtré par Commerce : Importation et Partenaire commercial : Fédération de Russie).
[4] Statistique Canada, Commerce international de marchandises du Canada par pays et par section de produits sur une base douanière, annuel (x 1 000), consulté le 4 mars 2022 (filtré par Commerce : Importation et Partenaire commercial : Bélarus).
[5] Tarif des douanes, L.C. 1997, c. 36, art. 32(1).
[6] Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, 30 octobre 1947, R.T.N.U. 187 (entré en vigueur le 1er janvier 1948) [GATT].
[7] Ressources naturelles Canada, Le gouvernement du Canada prend des mesures pour interdire l’importation de pétrole russe, 28 février 2022.
[8] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2022-0032.
[9] Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2014-58, art. 3.
[10] Le Canada impose des mesures économiques supplémentaires au secteur énergétique russe, 2 mars 2022.
[11] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2022-0031.
[12] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2022-0031.
[13] Premier ministre du Canada Justin Trudeau, Déclaration conjointe sur de nouvelles mesures économiques restrictives (26 février 2022).
[14] Règlement (UE) 2022/345 du Conseil, Journal officiel de l’Union européenne, 1er mars 2022.
[15] Premier ministre du Canada Justin Trudeau, Mise à jour sur la situation en Ukraine et annonce du Programme canadien d’adoption du numérique (vidéo : 3 mars 2022).
[16] Décret demandant au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de tenir une audience sur la question de savoir si RT et RT France devraient être retirés de la Liste de services de programmation et de stations non canadiens approuvés pour distribution, 2 mars 2022.
[17] Décret donnant instruction à Exportation et développement Canada d’agir en qualité de mandataire pour la ministre des Finances relativement à un prêt à accorder à l’Ukraine, 26 février 2022.
[18] Affaires mondiales Canada, Le Canada et ses partenaires invoquent le Mécanisme de Moscou de l’OSCE pour examiner de possibles crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine, 3 mars 2022.
[19] Transports Canada, Le gouvernement du Canada interdit aux navires et aux bateaux de pêche russes d’entrer dans les ports et dans les eaux intérieures du Canada, 1er mars 2022.
[20] Transports Canada, Le gouvernement du Canada interdit aux aéronefs russes de pénétrer dans l’espace aérien canadien, 27 février 2022.

par Neil Campbell, William Pellerin, Chris Scheitterlein et Tayler Farrell (stagiaire)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022

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