Le Canada étend les mesures provisoires et les pouvoirs en matière de communication des renseignements pour les examens de sécurité nationale des investissements étrangers
Le Canada étend les mesures provisoires et les pouvoirs en matière de communication des renseignements pour les examens de sécurité nationale des investissements étrangers
Avec prise d’effet le 3 septembre 2024, le ministre de l’Industrie (le « ministre ») dispose d’importants nouveaux pouvoirs pouvant être exercés au moment d’effectuer un examen de la sécurité nationale en vertu de la Loi sur Investissement Canada (« LIC »).[1]
Ces nouvelles règles :
- permettent au ministre d’ordonner des examens sans autorisation du Cabinet, de prolonger les délais et d’imposer des conditions provisoires pendant un examen;
- accroissent les pouvoirs en matière d’échange et de divulgation de renseignements pendant des examens relatifs à la sécurité nationale, y compris une plus grande marge de manœuvre pour communiquer avec les gouvernements étrangers et le pouvoir d’identifier les investisseurs et l’investissement commercial ciblé lors de la divulgation publique du fait que le cabinet fédéral a rendu un décret visant à prendre des mesures pour protéger la sécurité nationale; et
- augmentent les sanctions pour les contraventions.
Un nouveau régime de notification préalable pour les secteurs et les technologies sensibles nécessite des règlements de mise en œuvre et n’entrera en vigueur qu’en 2025 ou par la suite.
La possibilité de négocier des résolutions avec le ministre plutôt que d’exiger l’approbation du Cabinet peut être utile pour les investisseurs étrangers et les entreprises canadiennes dans les cas qui s’y prêtent. Toutefois, les pouvoirs additionnels de prolongation des délais, de prendre des décrets provisoires et de divulguer l’identité des parties lorsque des préoccupations en matière de sécurité nationale sont soulevées pourraient nuire à la planification des transactions pour les investisseurs et les entreprises canadiennes.
1. Nouveaux pouvoirs ministériels dans la procédure d’examen de la sécurité nationale
Le ministre jouit maintenant d’une plus grande souplesse à l’égard du processus national d’examen de la sécurité nationale :
- Un décret du Cabinet n’est plus nécessaire pour effectuer un examen officiel — Le ministre peut ordonner un examen immédiatement après avoir consulté le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
- Le ministre peut également prolonger unilatéralement la période d’examen relatif à la sécurité nationale au-delà de la période initiale de 45 à 90 jours sans l’approbation préalable du Cabinet.
- Le ministre dispose d’un nouveau pouvoir général lui permettant d’imposer des conditions provisoires à un examen après avoir consulté le ministre de la Sécurité publique, mais sans avoir à obtenir l’approbation du Cabinet.
Le gouvernement du Canada a précisé dans une Note administrative sur les conditions provisoires que des conditions provisoires « seront imposées lorsque nécessaire pour prévenir les atteintes qui pourraient survenir » et que ces décisions seront prises au cas par cas. Ces conditions provisoires peuvent comprendre des exigences en matière de suivi, des restrictions à l’accès à la propriété intellectuelle de l’entreprise canadienne pendant l’examen et des modifications à la gouvernance de la cible. Comme nous l’avons mentionné dans notre bulletin précédent, nous prévoyons que des conditions provisoires s’appliqueront fort probablement aux transactions mettant en cause des entreprises canadiennes dans les domaines de la défense, des minéraux critiques, des infrastructures essentielles, des biens et services essentiels et des technologies sensibles comme l’intelligence artificielle.
Le nouveau pouvoir du ministre d’accepter des engagements de la part des parties (y compris des investisseurs étrangers et des vendeurs) pour répondre à d’éventuelles préoccupations en matière de sécurité nationale offre un mécanisme plus rapide et plus souple pour résoudre les problèmes sur une base négociée au niveau ministériel plutôt que d’attendre la prise d’un décret par le Cabinet.
Le gouvernement a publié une Note administrative sur les engagements en matière de sécurité nationale, qui donne plus de détails sur le processus par lequel le gouvernement donne aux investisseurs étrangers l’occasion de présenter des observations et de soumettre des engagements pour traiter des préoccupations en matière de sécurité nationale. Ces mesures peuvent comprendre la modification des documents relatifs à la transaction, des structures de l’entreprise, de la gouvernance et des activités, ainsi que l’utilisation de protocoles de surveillance et d’établissement de rapports. Ces mesures peuvent être négociées et améliorées en consultation avec le personnel du ministre.
2. Échange et communication des renseignements
Les nouvelles règles permettent d’échanger plus de renseignements avec les gouvernements étrangers et le public qu’auparavant. Le ministre est maintenant autorisé, sans renonciation de la part de l’investisseur, à échanger avec des gouvernements ou organismes étrangers tout renseignement obtenu dans le cadre de l’application de la LIC, aux fins des examens d’investissements étrangers relatifs à la sécurité nationale. Cette disposition est comparable à l’autorisation accordée au Bureau de la concurrence lorsqu’il procède à des examens de fusions ou à d’autres enquêtes; des renonciations des parties qui fournissent des renseignements ne sont pas nécessaires si la communication a pour but d’administrer ou d’appliquer la Loi sur la concurrence.
Aussi, la LIC permet maintenant expressément au ministre d’identifier à la fois l’investisseur et/ou l’entreprise qui font l’objet de l’investissement lorsqu’il divulgue qu’un décret est pris par le Cabinet fédéral afin de prendre des mesures pour protéger la sécurité nationale. Il s’agit d’un changement important puisque, historiquement, seuls le secteur d’activité et le pays d’origine de l’investisseur étaient divulgués. Bien que le gouvernement ait annoncé son intention d’être plus transparent quant aux résultats des examens relatifs à la sécurité nationale dans une déclaration de novembre 2022, il n’était pas clair si l’identité de l’investisseur et celle de l’entreprise canadienne pouvaient être divulguées publiquement avant les modifications du projet de loi C-34.
En revanche, les investisseurs ne bénéficient pas de droits additionnels en matière de divulgation ou de transparence pendant des examens relatifs à la sécurité nationale. Les nouvelles règles autorisent plutôt un juge qui procède à un contrôle judiciaire des décisions du ministre ou du Cabinet à tenir des audiences en l’absence du demandeur ou de ses avocats, à la demande du ministre, si la divulgation de la preuve risque de nuire à la sécurité nationale ou de compromettre la sécurité publique. Le juge peut fonder sa décision sur cette preuve ou sur ces autres renseignements, même si le demandeur n’a pas reçu ces derniers. Toutefois, le gouvernement est tenu de fournir un résumé suffisant des renseignements pour que l’investisseur « soit raisonnablement informé » de la cause en question.
3. Augmentation des sanctions
Le ministre doit demander à une partie de se conformer à toute obligation enfreinte en vertu de la LIC avant de demander à un tribunal d’imposer des sanctions. Les modifications augmentent considérablement le montant des sanctions pour non-respect d’une demande ministérielle justifiée, qui passe de 10 000 $ CA à 25 000 $ CA par jour. Ces sanctions continuent de s’appliquer principalement[2] aux investisseurs étrangers, et non au vendeur ou à l’entreprise canadienne.
4. Changements à venir : Dépôts préalables à la réalisation des investissements obligatoires et autres modifications non encore en vigueur
Certaines modifications édictées par le projet de loi C-34, notamment les exigences de dépôt préalable à la réalisation des investissements dans des secteurs sensibles et les nouveaux pouvoirs ministériels d’examen des investissements réalisés par des entités d’État ou influencées par ce dernier, ne sont pas encore en vigueur. Ces modifications prévoient également de nouvelles sanctions pouvant atteindre 500 000 $ ou plus pour les investisseurs étrangers qui omettent de déposer les documents exigés préalablement à la réalisation des investissements dans des secteurs sensibles visés par règlement. Ces modifications devraient entrer en vigueur en 2025 (ou peut-être plus tard), à la suite de consultations publiques sur le projet de règlement.
[1] Pour un examen approfondi des modifications du projet de loi C-34, consultez nos bulletins précédents : La Loi sur Investissement Canada est en cours de modernisation, décembre 2022, LIC : dernières nouvelles et élargissement des pouvoirs en matière de sécurité nationale par le comité de l’industrie, octobre 2023 et Nouvelle ère de surveillance des investissements étrangers au Canada adoption du projet de loi modifiant la Loi sur Investissement Canada, mars 2024.
[2] Les dispositions des examens relatifs à la sécurité nationale permettent au ministre d’exiger des renseignements de la part de vendeurs et d’autres personnes qui sont pertinents dans le cadre d’un examen relatif à la sécurité nationale. Si un vendeur (ou une autre personne qui fait l’objet d’une telle demande) ne se conforme pas, il pourrait également être tenu responsable de ces sanctions.
Si vous avez des questions au sujet de la façon dont une transaction peut être touchée par ces récentes modifications apportées à la LIC, veuillez communiquer avec un membre du groupe Investissements étrangers de McMillan.
Bulletin par le Groupe Investissements étrangers de McMillan
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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