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Le Canada propose des exigences plus strictes en matière de chaîne d’approvisionnement pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants

30 octobre 2024 Bulletin sur le commerce international Lecture de 6 min

Le gouvernement du Canada accepte actuellement des soumissions dans le cadre d’une consultation de 30 jours sur l’interdiction d’importer des marchandises produites par travail forcé.

Cette initiative s’inscrit dans les efforts du gouvernement visant à renforcer la conformité aux droits de la personne et du travail dans les chaînes d’approvisionnement à l’échelle internationale ainsi que dans les engagements continus aux termes de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (« ACEUM »).

Les consultations sur l’interdiction d’importation suivent de près d’autres consultations gouvernementales dont nous avons discuté dans notre bulletin précédent : Les dates limites approchent : le gouvernement du Canada lance une série de consultations sur l’avenir commercial du Canada.

Contexte actuel : L’interdiction d’importation à ce jour

L’interdiction d’importation du Canada a été mise en œuvre en juillet 2020, en application du chapitre sur le travail de l’ACEUM. L’interdiction a modifié le Tarif des douanes canadien afin d’interdire l’entrée au Canada de toutes les marchandises, peu importe leur pays d’origine, extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par recours au travail forcé[1].

Les entreprises qui acquièrent des marchandises importées dont elles peuvent raisonnablement penser qu’elles ont été produites par recours au travail forcé sont soumises à des obligations en matière de rapport[2] et il est en outre interdit de posséder, d’acheter, de vendre, d’échanger ou, d’une façon générale, d’acquérir, ou de céder des marchandises fabriquées par recours au travail forcé[3].

Le 1ᵉʳ janvier 2024, la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement (la « Loi concernant les chaines d’approvisionnement ») est entrée en vigueur et a étendu l’interdiction du Tarif des douanes à toutes les marchandises, quel que soit leur pays d’origine, entrant au Canada qui sont extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par recours au travail des enfants[4]. La Loi concernant les chaines d’approvisionnement a également introduit des exigences en matière de rapports pour certaines entités canadiennes qui produisent, vendent, distribuent ou importent des marchandises au Canada, ou contrôlent une entité engagée dans de telles activités. Le gouvernement du Canada continue de mettre l’accent sur la transparence dans les chaînes d’approvisionnement en conséquence des exigences en matière de rapport de 2024[5] et des consultations en cours.

Par conséquent, le Canada interdit actuellement l’importation de produits fabriqués par le travail forcé ou le travail des enfants, et la plupart des moyennes et grandes entreprises sont tenues de rendre compte chaque année des mesures qu’elles prennent pour réduire le risque de travail forcé ou de travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. Le gouvernement a commencé à prendre des mesures pour faire respecter l’interdiction d’importer des marchandises fabriquées par recours au travail forcé et l’Agence des services frontaliers du Canada a rendu compte de la retenue de diverses expéditions au cours des derniers mois.

Objectifs des consultations

Le gouvernement cherche à mettre en place de nouvelles mesures frontalières rigoureuses visant les marchandises qui seraient fabriquées par recours au travail forcé ou au travail des enfants. Voici quelques sujets abordés dans le cadre des consultations qui visent expressément à recueillir des commentaires sur les mesures possibles pour renforcer l’interdiction actuelle d’importation.

  1. Publication d’une liste de « biens exposés au risque de travail forcé »: Préciser les biens exposés au risque de travail forcé, en tenant compte des indicateurs de l’Organisation internationale du travail et d’autres sources. Cette liste ressemblera probablement à la Liste américaine des marchandises produites par recours au travail forcé ou au travail des enfants (en anglais), qui comprend les marchandises qui sont produites par le travail des enfants ou le travail forcé, selon le Bureau of International Labor Affairs des États-Unis. Cette liste présente également le pays d’origine de ces marchandises.
  2. Renversement du fardeau de la preuve pour les importateurs de ces « biens exposés au risque »: En plus de l’interdiction d’importation existante, le renversement du fardeau de la preuve obligerait les importateurs figurant sur la liste susmentionnée des « biens exposés au risque » à fournir des documents sur la chaîne d’approvisionnement des marchandises importées et à prouver le contraire (que les marchandises ne sont pas fabriquées par recours au travail forcé ou au travail des enfants).
  3. Modèle de recouvrement des coûts : Les importateurs de marchandises prétendument fabriquées au moyen du travail forcé seront responsables des coûts liés à la détention, au retrait, à l’abandon ou à la confiscation des marchandises.
  4. Mécanisme de règlement des différends : Création d’un processus simplifié pour le règlement des différends entre les importateurs et le gouvernement.
  5. Améliorations législatives et réglementaires: Renforcement des pouvoirs pour la collecte de l’information, l’application de la loi et la collaboration avec les États-Unis et le Mexique afin d’empêcher les transbordements.

Le « renversement du fardeau » pour diverses catégories de marchandises élargirait considérablement le régime entourant le travail forcé au Canada. En instaurant des processus de traçabilité pour démontrer que les marchandises ne sont pas fabriquées par recours au travail forcé ou au travail des enfants, ce régime obligerait les importateurs à « prouver le contraire ». Ce processus pourrait ressembler à la réglementation actuellement en vigueur aux États-Unis conformément à la loi intitulée Uyghur Forced Labor Prevention Act, qui crée également un renversement du fardeau pour les marchandises provenant de la région autonome ouïghoure du Xinjiang en Chine.

Le gouvernement explique que, dans l’évaluation des nouvelles mesures frontalières éventuelles, il sera guidé par : la nécessité de protéger les droits humains et les droits de travail au niveau international; l’efficacité des outils existants et la conformité à l’ACEUM; les intérêts et le fardeau administratif pour les parties prenantes; la faisabilité technique et l’efficacité attendue; la prévention des obstacles au commerce involontaires; et l’harmonisation avec les valeurs canadiennes et les engagements internationaux. Le gouvernement du Canada a établi trois principales questions à discuter :

  1. Quel est, selon vous, le moyen le plus efficace d’améliorer l’interdiction d’importation actuelle? Quelles sont les mesures auxquelles vous donneriez la priorité?
  2. Avez-vous des suggestions d’outils et de sources d’information qui permettent de cerner et de contrer les risques existant dans les chaînes d’approvisionnement et pourraient servir à dresser une liste de biens à risque?
  3. Quels effets négatifs prévoyez-vous sur les travailleurs et les industries si le gouvernement mettait en œuvre certaines des mesures visant à renforcer l’interdiction? Quelles sont vos suggestions sur la manière d’atténuer ces risques?

Conséquences pour les entreprises

Le gouvernement du Canada s’est fait critiquer par des parties prenantes et des politiciens américains pour avoir pris du retard par rapport aux États-Unis dans l’application de l’interdiction du travail forcé. Par exemple, alors que les États-Unis ont intercepté des milliers d’importations soupçonnées d’être produites par recours au travail forcé, le Canada a jusqu’à maintenant intercepté et évalué environ 50 expéditions (en anglais), dont seulement six ont été exportées du Canada vers leur pays d’origine. Dans le cadre des discussions entourant l’ACEUM, le gouvernement du Canada a clairement indiqué qu’il cherche à améliorer l’application des dispositions de l’ACEUM.

Le gouvernement n’a pas précisé les délais prévus à la suite des consultations, mais il a informé les parties prenantes qu’une nouvelle mesure législative pourrait être présentée à la fin de l’année.

Compte tenu des exigences en matière de rapports prévues par la Loi concernant les chaines d’approvisionnement et de l’engagement du Canada à mettre en place un cadre fondé sur la vérification diligente pour le travail forcé et le travail des enfants, les organisations devraient d’ores et déjà s’assurer d’avoir mis en place des systèmes de diligence interne adéquats pour réduire le risque de travail forcé et de travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Bien que la Loi concernant les chaines d’approvisionnement serve de complément au Tarif des douanes, les organisations doivent garder à l’esprit que l’interdiction d’importation prévue par le Tarif des douanes est une interdiction absolue visant les marchandises produites par recours au travail forcé ou au travail des enfants. Les peines pour non-conformité à la Loi sur les douanes sont sévères et peuvent comprendre des amendes pouvant atteindre 500 000 $ ou un emprisonnement maximal de cinq ans, ou les deux[6].

La législation proposée sur le « renversement du fardeau » élargirait considérablement les exigences en matière de diligence et de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement pour les entreprises canadiennes. Celles-ci devraient continuer d’établir des processus de diligence internes rigoureux et de maintenir des communications avec les fournisseurs étrangers pour s’assurer qu’elles sont en mesure de démontrer que leurs marchandises ne sont pas liées au travail forcé ou au travail des enfants.

Prochaines étapes

Les consultations ont débuté le 17 octobre et se termineront le 15 novembre 2024. Compte tenu des répercussions importantes et des exigences onéreuses qui pourraient découler de la nouvelle législation envisagée dans le cadre des consultations, les entreprises canadiennes et internationales devraient envisager de se prévaloir de la possibilité de formuler des commentaires.

McMillan aide régulièrement des entreprises canadiennes et mondiales de premier plan à exprimer leurs points de vue sur les questions de contrôles à l’importation et à l’exportation et de politique commerciale. Notre équipe reste à votre disposition pour vous appuyer dans ce processus de consultation.

[1] Gouvernement du Canada, Informations générales : Consultations publiques sur le renforcement de l’interdiction d’importation au Canada de biens produits par le travail forcé, en ligne. Voir aussi Gouvernement du Canada, Faites part de vos opinions : Consultations publiques sur de nouvelles mesures possibles visant à renforcer l’interdiction d’importer des produits issus du travail forcé au Canada, en ligne.
[2] Loi sur les douanes, R.C. 1985, ch. 1, art. 15.
[3] Loi sur les douanes, R.C. 1985, ch. 1, art. 155.
[4] Tarif des douanes, notarifaire 9897.00.00.00.
[5] L’équipe de McMillan a écrit abondamment sur l’évolution de la Loi concernant les chaines d’approvisionnement. Pour plus de renseignements, consultez : La lutte contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement sous l’angle des douanes canadiennes; Les entreprises canadiennes doivent se préparer à une nouvelle obligation de faire rapport sur les chaînes d’approvisionnement et le travail forcé; et Mise à jour concernant l’obligation d’information sur le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement en 2024 : nouvelles lignes directrices et questionnaire obligatoire.
[6] Loi sur les douanes, R.C. 1985, ch. 1, par. 160(1).

Par William Pellerin, Sharon Singh, Tayler Farrell et Brigid Martin

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

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