Les grandes banques canadiennes se joignent à l’Alliance bancaire Net Zéro (NZBA) : le point sur l’initiative et les engagements net zéro
Les grandes banques canadiennes se joignent à l’Alliance bancaire Net Zéro (NZBA) : le point sur l’initiative et les engagements net zéro
À la veille de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2021 (COP26) qui se tiendra à Glasglow, en Écosse, les six grandes banques canadiennes (BMO, CIBC, Banque Nationale du Canada, RBC, Banque Scotia et TD) ont annoncé s’être jointes à l’Alliance bancaire Net Zéro (la NZBA), une initiative mondiale de développement durable.
Ces annonces marquent l’entrée des banques canadiennes dans le groupe des grandes institutions financières internationales telles que BNP Paribas, Citi et HSBC qui ont déjà adhéré à la NZBA. Plus tôt cette année, la coopérative d’épargne et de crédit Vancity Credit Union, de Vancouver, est devenue la première institution canadienne à se joindre à la NZBA et est l’une de ses signataires fondatrices.
Contexte
Le 21 avril 2021, les Nations Unies ont organisé une alliance internationale sous la forme d’un forum stratégique réunissant plusieurs initiatives pour une économie à zéro émission nette lancées au sein du système financier appelé la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ). Présidée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, aujourd’hui envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique, la GFANZ a, outre la NZBA, trois autres initiatives principales : la Net Zero Asset Owner Alliance (NZAOA), la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAMI) et la Net-Zero Insurance Alliance (NZIA). Chaque initiative a ses propres lignes directrices, mais globalement, la GFANZ impose à ses signataires de se fixer des objectifs intermédiaires et à long terme fondés sur la science pour atteindre l’objectif de zéro émission nette au plus tard en 2050.
L’Alliance
La NZBA, qui est la branche bancaire de la GFANZ, a été lancée par l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE IF), qui assure son secrétariat. En avril 2021, un premier groupe de 43 banques de 23 pays ont adhéré à la NZBA en tant que ses signataires fondatrices et ont pris l’engagement d’effectuer une transition dans leurs portefeuilles de prêts et de placements pour atteindre la neutralité carbone au plus tard en 2050, soit la cible prévue par l’Accord de Paris pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C.
Engagements
Pour se joindre à la NZBA, les banques devaient signer la déclaration d’engagement et accepter de suivre les Guidelines for Climate Target Setting for Banks de la PNUE IF. Ce faisant, elles ont pris les engagements suivants :
Cibles intermédiaires et à long terme : Dans les 18 mois de leur adhésion, les signataires doivent fixer et annoncer publiquement leurs cibles intermédiaires et à long terme de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les cibles fixées par l’Accord de Paris. Les cibles à long terme doivent comprendre une cible pour 2050 et les cibles intermédiaires doivent fixer une cible pour au plus tard 2030. Les cibles intermédiaires doivent être révisées tous les cinq ans.
Cibles sectorielles : En ce qui concerne les cibles de 2030, les signataires devront fixer des cibles qui visent une majorité importante de leurs émissions financées dans les 18 mois de leur signature, y compris dans au moins un secteur à fortes émissions de carbone où leur réduction aura la plus grande incidence. Dans les 36 mois de la signature, les banques devront fixer une autre série de cibles sectorielles qui visent la totalité ou une majorité importante de secteurs à fortes émissions de carbone. Les secteurs de l’agriculture, de l’aluminium, du ciment, du charbon, de l’immobilier commercial et résidentiel, du fer et de l’acier, du pétrole et du gaz, de la production d’énergie et du transport ont tous été ciblés comme étant des secteurs à fortes émissions de carbone.
Portée des émissions : Les cibles des banques viseront les émissions de portée 1, de portée 2 et de portée 3 de leurs clients, si elles sont importantes et où la présence de données le permettra. L’étendue de la portée est appelée à augmenter entre chaque période de révision.
Activités visées : Les cibles viseront les activités de prêts et de placements. Au départ, seules les activités de prêts et de placements au bilan seront incluses, et les titres détenus pour le compte de clients ou aux fins de tenue de marché seront exclus. Les activités hors bilan, y compris les activités de facilitation sur les marchés des capitaux (ex. : la prise ferme), seront probablement incluses dans la prochaine version des lignes directrices.
Scénarios : Les cibles doivent être fondées sur des scénarios de décarbonisation tirés de sources crédibles et reconnues qui dépendent peu de technologies sources d’émissions négatives et qui, dans la mesure du possible, ne sont pas incompatibles avec d’autres objectifs de développement durable.
Publications : Chaque banque s’est aussi engagée à publier annuellement ses émissions absolues et l’intensité des émissions conformément aux pratiques exemplaires de l’industrie dans l’année qui suit la fixation des cibles et à communiquer les progrès réalisés dans le cadre d’une stratégie de transition approuvée par son conseil d’administration qui prévoit des mesures et des politiques sectorielles sur le climat.
Considérations commerciales et juridiques
Scénarios
L’approche adoptée pour générer les données aura une influence sur l’atteinte des cibles de la NZBA. Par conséquent, beaucoup d’attention est portée vers les modèles de référence. Les lignes directrices de la PNUE FI décrivent deux approches : la première se fonde sur les recherches menées par l’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) et la deuxième est tirée d’un récent rapport sur les voies à suivre publié par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Comme certains l’ont fait remarquer, même si les scénarios de l’IPCC et l’AIE donnent des résultats largement similaires sur le plan climatique, l’AIE présente une feuille de route qui présume qu’aucun nouveau projet pétrolier ou gazier ne verra le jour à partir de cette année, contrairement à l’IPCC, ce qui constitue un enjeu important pour les banques. Considérant l’ampleur des besoins en capital du secteur de l’énergie, le choix des modèles influera sur la stratégie d’affaires.
Transition financière
La réaffectation de crédits des secteurs à fortes émissions de carbone vers des secteurs aux émissions plus faibles provoquera des turbulences sur le plan politique, et les banques devront habilement affronter les tensions qui en résultent. Un intérêt accru pour les instruments financiers de transition tels que les prêts et les obligations responsables en sera une des conséquences probables. Les négociateurs devront faire preuve de souplesse et reconnaître les circonstances uniques de chaque industrie, tout particulièrement au sein d’économies riches en ressources naturelles, comme l’économie canadienne, tout en veillant à ce que la transition financière puisse apporter des résultats concrets dans la lutte contre les changements climatiques.
Droit et gouvernance
Bien qu’ils soient régis par le principe « se conformer ou s’expliquer », les engagements pris dans le cadre de la NZBA exigent que les cibles soient approuvées aux plus hauts échelons de la direction de chaque signataire. Les hauts dirigeants et les administrateurs devront trouver un équilibre entre, d’un côté, des politiques exagérément prescriptives qui pourraient nuire à leur flexibilité décisionnelle et de l’autre, des cibles trop peu ambitieuses qui risquent de ne pas satisfaire aux exigences de la NZBA. Même si ces engagements volontaires ne sont pas nécessairement contraignants pour les banques, le conseil d’administration et les dirigeants de chacune devront ajuster leur cadre de gouvernance et leur stratégie d’affaires pour que la banque puisse être à la hauteur de ses déclarations publiques et réduire le risque d’engager sa responsabilité sur le marché secondaire pour information trompeuse.
Crédits carbone
La déclaration d’engagement demande aussi aux banques membres de la NZBA de s’engager à adopter une approche rigoureuse en matière de crédits carbone. Plusieurs institutions se sont fait reprocher d’utiliser leurs crédits carbone de façon douteuse pour atteindre leurs cibles. Dans la foulée de ces critiques, l’Alliance y donne son approbation avec une certaine réserve. Ainsi, il est permis aux signataires d’utiliser des crédits carbone pour atteindre leurs cibles de zéro émission nette, mais ceux-ci « doivent se limiter à l’élimination du carbone pour compenser les émissions résiduelles dans les cas où les solutions de rechange pour éliminer les émissions sont limitées d’un point de vue technologique ou financier. Les crédits carbone devraient toujours être en complément et certifiés ». Les banques doivent aussi « exercer une diligence appropriée à l’égard des demandes de compensation des clients, et ce, conformément à toute procédure interne ».
Le chemin à parcourir
Somme toute, une pression considérable pèse sur les institutions financières pour qu’elles prennent des mesures concrètes pour respecter leurs engagements sur le climat. Plus tôt ce mois-ci, plus d’une vingtaine d’institutions financières québécoises totalisant des actifs sous gestion de 900 milliards de dollars ont également signé la Déclaration de la place financière québécoise pour une finance durable et se sont engagées à prendre des décisions en matière d’investissement et de répartition du capital fondées sur les principes de l’investissement responsable.
Chaque institution adaptera ses politiques, cibles et déclarations en fonction de ses besoins commerciaux, mais les exigences concrètes de la NZBA sont le coup de fouet dont avait besoin le secteur bancaire dans son ensemble dans le dossier des changements climatiques.
par Ravipal S. Bains, Bruno Caron, Eric Friedman, Don M.E. Waters et Isabelle Guevera (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas s’y fier uniquement pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021
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