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Mise à jour de février 2023 – nouvelles restrictions à la vente d’immeubles : survol de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens et de son règlement

10 février 2023 Bulletin sur l'immobilier commercial Lecture de 8 min

INTRODUCTION

La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens[1] (la « Loi ») et son règlement d’application[2] (le « Règlement ») sont entrés en vigueur le 1er janvier 2023. La Loi empêche les non-Canadiens d’acheter directement ou indirectement un immeuble résidentiel au Canada pour une période de deux ans. Consultez notre bulletin précédent pour un résumé de la Loi. Le présent bulletin l’explore plus en profondeur à la lumière de la prise du Règlement.

PRINCIPALES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR LE RÈGLEMENT

Le Règlement précise les effets concrets de la Loi en définissant les termes « entités visées », « contrôle », « immeuble ou bien réel visé par règlement » et « achat », entre autres. Ces définitions viennent élargir considérablement la portée de la Loi, qui pourrait s’appliquer non seulement à des opérations visant des immeubles résidentiels, mais aussi certaines opérations commerciales. Nous les analysons ci-dessous.

1.  Entités visées

La Loi définit comme suit un « non-Canadien » :

  1. Individu autre qu’un citoyen canadien, qu’une personne inscrite à titre d’Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens ou qu’un résident permanent;
  2. société constituée autrement que par une loi fédérale ou provinciale;
  3. société constituée par une loi fédérale ou provinciale dont les actions ne sont pas cotées à une bourse de valeurs désignée en vertu de l’article 262 de la Loi de l’impôt sur le revenu et qui est contrôlée par une personne visée aux alinéas a) ou b);
  4. personne ou entité visée par règlement.

Le Règlement indique que, pour l’application de cette définition, une « entité visée » est une entité constituée sous le régime d’autres lois que celles du Canada ou d’une province, ou une entité constituée sous le régime des lois du Canada qui est contrôlée par une entité ou une personne étrangère.

2.   Contrôle

Selon le Règlement, « contrôle » s’entend, à l’égard d’une société ou d’une entité :

  1. soit de la propriété directe ou indirecte d’actions ou de titres de participation qui représentent 3 % ou plus de la valeur des capitaux qui lui sont propres, ou lui conférant 3 % ou plus des droits de vote;
  2. soit du contrôle de fait de la société ou de l’entité, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de la propriété, d’un accord ou autrement[3].

À la lumière des définitions d’« entités visées » et de « contrôle » tirées de la Loi et du Règlement, l’acheteur qui se demande s’il est contrôlé par une entité étrangère doit vérifier :

  1. s’il est une entité ou une société canadienne;
  2. s’il est sous le « contrôle » d’une personne, d’une entité ou d’une société étrangère;
  3. s’il est sous le « contrôle » d’une entité ou d’une société canadienne qui elle-même est contrôlée par un non-Canadien.

Malgré ce résumé, un certain flou persiste à savoir jusqu’où un acheteur devra aller dans sa structure de propriété pour déterminer s’il est canadien au sens de la Loi et du Règlement.

3.   Immeuble ou un bien réel visé par règlement

Selon l’alinéa c) de la définition donnée à l’article 2 de la Loi, un « immeuble résidentiel » peut être « un immeuble ou un bien réel visés par règlement ». Le Règlement précise que l’on entend par là :

« un fonds zoné pour usage résidentiel ou mixte, qui ne contient pas de logement habitable et qui est situé dans une agglomération de recensement ou dans une région métropolitaine de recensement. »

Vu l’inclusion des fonds zonés pour un usage mixte dans cette définition, les lots vacants et les immeubles commerciaux sans « logement habitable » qui se trouvent dans les régions visées et qui sont zonés pour un usage résidentiel ou mixte seraient considérés comme des « immeubles résidentiels ». Notons que les agglomérations de recensement et les régions métropolitaines de recensement s’étendent parfois au-delà des limites territoriales municipales pour englober des zones rurales périphériques qui ne sont généralement pas considérées faire partie de la municipalité.

Les parties doivent aussi être à l’affût de tout changement aux règlements de zonage (comme la refonte des règlements en cours à Edmonton) concernant l’usage résidentiel ou mixte de leurs fonds. Elles doivent porter une attention particulière aux fonds dont ils font un « usage dérogatoire légal » selon le zonage actuel. Le concept s’applique différemment selon la province, mais en bref, il désigne la situation où l’usage d’un fonds ou d’une structure qui était initialement conforme aux règles de zonage alors en vigueur demeure légal même s’il déroge aux règles actuelles. Par exemple, un vieil immeuble commercial qui ne comporte pas de logement d’habitation peut avoir un usage dérogatoire légal reconnu par une ancienne désignation commerciale même si le fonds est aujourd’hui zoné pour usage résidentiel ou mixte. On ne sait pas encore quel traitement la Loi réservera à la qualification d’usage dérogatoire légal. En attendant des indications de la part du législateur ou des tribunaux, il serait prudent de considérer ces biens comme des immeubles résidentiels visés par l’interdiction.

On compte parmi les agglomérations de recensement et les régions métropolitaines de recensement de la Colombie-Britannique les suivantes :

  1. Vancouver;
  2. Squamish;
  3. Abbotsford;
  4. Chilliwack;
  5. Kelowna;
  6. Cranbrook;
  7. Quesnel;
  8. Prince Rupert;
  9. Fort St. John;
  10. certaines parties de l’île de Vancouver[4].

Au Québec, les immeubles visés par la Loi sont, en date des présentes, ceux qui sont situés dans l’une des 7 régions métropolitaines de recensement suivantes ou dans l’une des 25 agglomérations de recensement[5] :

  1. Ottawa – Gatineau (partie située au Québec);
  2. Drummondville;
  3. Montréal;
  4. Québec;
  5. Saguenay;
  6. Sherbrooke;
  7. Trois-Rivières.

Dans le cas de la province de Québec, on ne sait toujours pas si l’usufruit, l’emphytéose et la propriété superficiaire, par exemple, tomberont sous l’application de la Loi, puisque le Règlement définit l’« achat » comme l’acquisition, avec ou sans conditions, d’un intérêt légal ou en equity ou d’un droit réel dans un immeuble résidentiel[6].

Les régions de l’Alberta visées par la Loi sont notamment les suivantes :

  1. Calgary;
  2. Edmonton;
  3. Canmore;
  4. Sylvan Lake;
  5. Okotoks;
  6. Red Deer;
  7. Wood Buffalo.

Enfin, l’Ontario compte 45 régions métropolitaines de recensement et agglomérations de recensement, dont les suivantes :

  1. Toronto;
  2. Ottawa – Gatineau;
  3. London;
  4. Kitchener – Cambridge – Waterloo;
  5. Barrie;
  6. Windsor;
  7. Catharines – Niagara;
  8. Guelph;
  9. Grand Sudbury;
  10. Hamilton;
  11. Kingston[7].

Vu les régions mentionnées ci-dessus et la définition d’« immeuble ou bien réel visé par règlement » dans le Règlement, les immeubles résidentiels visés par la Loi engloberont des immeubles qui sont plus généralement achetés et vendus par des sociétés dans des zones qui ne sont pas strictement résidentielles.

4.    Achat

Le terme « achat » est ainsi défini pour l’application de la Loi, au paragraphe 4(1) du Règlement : « l’acquisition, avec ou sans conditions, d’un intérêt légal ou en equity ou d’un droit réel dans un immeuble résidentiel ».

Selon cette définition, la vente d’un immeuble résidentiel à un non-Canadien n’est pas la seule opération d’acquisition à laquelle la Loi s’applique. L’acquisition d’un intérêt dans un immeuble résidentiel au moyen d’un bail commercial, ou l’acquisition d’un autre type d’intérêt, comme une option d’achat, pourrait chacune être considérée comme l’acquisition d’un intérêt légal ou en equity ou d’un droit réel dans un immeuble résidentiel au sens de la Loi.

Il faut toutefois souligner que des exceptions sont prévues à cette définition, au paragraphe 4(2) du Règlement. Il s’agit des suivantes :

  1. l’acquisition par un particulier d’un intérêt ou d’un droit réel résultant du décès, d’un divorce, d’une séparation ou d’un don;
  2. la location d’un local d’habitation à un locataire aux fins de son occupation par le locataire;
  3. le transfert selon les modalités d’une fiducie constituée avant l’entrée en vigueur de la Loi;
  4. le transfert résultant de la réalisation par un créancier garanti du droit ou de l’intérêt garanti portant sur l’immeuble résidentiel.

Malgré ces exceptions, la définition d’« achat » dans le Règlement s’applique aux activités commerciales au sens large. Par exemple, les parties louant à des fins commerciales des fonds zonés pour un usage mixte et situés dans une agglomération de recensement ou dans une région métropolitaine de recensement doivent savoir que la Loi pourrait s’appliquer à elles.

De plus, même si la Loi ne s’applique pas au transfert d’immeubles résidentiels résultant de la réalisation d’un droit ou d’un intérêt garanti, il est difficile de savoir si elle s’applique lorsqu’une partie inscrit une hypothèque ou une autre sûreté relativement à un immeuble résidentiel. En attendant des précisions du législateur ou des tribunaux, il serait prudent de tenir pour acquis que la Loi s’applique à tous les intérêts du genre.

EXCEPTIONS

La Loi prévoit des exceptions à l’interdiction, qui sont plus précisément définies dans le Règlement. Ces exceptions permettent à des non-Canadiens d’acheter un immeuble résidentiel sous certaines conditions. L’interdiction ne s’applique pas aux « personnes visées », notamment aux réfugiés, aux personnes protégées, aux agents diplomatiques et aux résidents temporaires[8]. Pour bénéficier de cette exception, un résident temporaire doit cependant respecter les critères suivants[9] :

a) soit être inscrit à un programme d’études autorisées dans un établissement d’apprentissage désigné et

    1. avoir produit une déclaration de revenus à l’égard des cinq années d’imposition précédant l’année de l’achat;
    2. avoir été effectivement présent au Canada pendant au moins 244 jours pour chacune des cinq années civiles précédant l’année de l’achat;
    3. acheter un immeuble résidentiel de moins de 500 000 $;
    4. se limiter à un seul immeuble résidentiel;

b) soit détenir un permis de travail ou être autrement autorisé à travailler au Canada et

    1. avoir travaillé au Canada pendant au moins trois des quatre années précédant l’année de l’achat;
    2. avoir produit une déclaration de revenus à l’égard d’au moins trois des quatre années précédant l’année de l’achat;
    3. se limiter à un seul immeuble résidentiel.

En plus des exceptions susmentionnées, la Cour supérieure  du Québec a récemment statué que l’interdiction prévue au paragraphe 4(1) de la Loi ne s’applique pas aux conventions d’achat-vente conclues avec un non-Canadien avant le 1er janvier 2023, afin de lever l’ambiguïté présente dans la version française de la Loi. Ce jugement concorde avec le paragraphe 4(5) de la version anglaise de la Loi.

SANCTIONS

Les infractions à la Loi seront lourdes de conséquences. Les sanctions ne s’appliqueront pas seulement aux acheteurs non canadiens, mais aussi à toute personne qui participe à l’opération immobilière, ou la facilite, et qui enfreint consciemment la Loi. Si elles sont reconnues coupables par procédure sommaire, ces personnes s’exposent à une amende maximale de 10 000 $. Enfin, les sociétés, administrateurs, dirigeants, gestionnaires et autres personnes ayant autorisé l’infraction ou y ayant participé peuvent aussi en être tenus personnellement responsables.

AUTRES TEXTES LÉGISLATIFS 

Même si les parties respectent la Loi et le Règlement, d’autres restrictions touchant la propriété étrangère pourraient s’appliquer, comme celles du Foreign Ownership of Land Regulations[10] de l’Alberta (le « Règlement de l’Alberta ») et de la Loi sur l’acquisition de terres agricoles par des non-résidents[11] du Québec (la « Loi québécoise »), qui définissent autrement la propriété étrangère, les exemptions et les fonds visés. Contrairement à la Loi et au Règlement, le Règlement de l’Alberta et la Loi québécoise exigent, entre autres, la présentation de certaines formules avec toute demande d’inscription au bureau d’enregistrement des titres fonciers de la province. Autrement dit, outre la Loi et le Règlement, il y a tout un processus à suivre pour respecter les dispositions du Règlement de l’Alberta et de la Loi québécoise sur le transfert de fonds et l’aliénation d’immeubles, et la non-conformité à ces dispositions peut entraîner le rejet de la demande.

RÉPERCUSSIONS

Les définitions du Règlement donnent une large portée à la Loi. Celle-ci englobe non seulement l’achat d’immeubles purement résidentiels, mais aussi certaines opérations commerciales de sociétés et entités canadiennes contrôlées par des non-Canadiens. Par exemple, si plus de 3 % des actions d’une société canadienne appartiennent indirectement à un non-Canadien, cette société n’est pas autorisée à acheter un fonds zoné pour usage mixte « qui ne contient pas de logement habitable ».

Les vendeurs et les prêteurs pourraient aussi se mettre à exiger des preuves de conformité à la Loi.

CONCLUSION

Les personnes participant à l’achat ou la vente d’un immeuble résidentiel au sens de la Loi doivent prendre connaissance des interdictions prévues par la Loi et le Règlement, pour s’assurer de bien respecter le tout et éviter que leur responsabilité soit mise en cause. Nous vous recommandons fortement d’obtenir des conseils juridiques avant de conclure une convention d’achat visant ce type de fonds.

N’hésitez pas à nous joindre pour en savoir plus sur la Loi, le Règlement et leurs répercussions éventuelles.

[1] Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, L.C. 2022, c. 10, art. 235.
[2] Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, DORS/2022-250 (le « Règlement»).
[3] Règlement, art. 1-2.
[4] Voir 2021-12572-01-B.pdf (statcan.gc.ca) – suivre le lien pour voir la liste complète des régions.
[5] Id.
[6] Règlement, art. 4(1).
[7] Id.
[8] Loi, art. 4(2); Règlement, art. 5.
[9] Règlement, art. 5.
[10] Foreign Ownership of Land Regulations, Reg. 160/1979 (Alb.).
[11] Loi sur l’acquisition de terres agricoles par des non-résidents, RLRQ, c. A-4.1.

par Damon Chisholm, Sean Coughlin, Stephen Lewis, Jacob Stucken, Nicholas Yanakis, Sasha Samardzija et Lyndie Charlton (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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