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N’allez pas directement en prison – Pas tout de suite, du moins : le Bureau de la concurrence confirme sa position selon laquelle les accords entre acheteurs concurrents ne sont pas illégaux sur le plan pénal

Novembre 2020 Bulletin sur le droit de la concurrence Lecture de 3 min

Le 27 novembre 2020, le Bureau de la concurrence du Canada a précisé sa position selon laquelle les dispositions criminelles visant les cartels de la Loi sur la concurrence ne visent pas les accords entre concurrents concernant les achats de produits ou de services – appelés accords entre acheteurs, notamment les accords de non-débauchage (par lesquels les parties s’engagent à ne pas recruter des employés de concurrents), les accords de fixation des salaires et d’autres types d’accords entre acheteurs concurrents de produits et de services.

En 2016, les autorités antitrust américaines ont annoncé une nouvelle approche concernant l’application des lois antitrust américaines aux accords de non-débauchage et de fixation des salaires, indiquant qu’à l’avenir, ces accords pourraient faire l’objet d’enquêtes criminelles. Depuis lors, le Bureau a été prié de préciser sa position sur des accords similaires. Ces prières sont devenues particulièrement insistantes récemment, alors que plusieurs grandes chaînes d’épicerie ont chacune choisi, à quelques jours d’intervalle, de réduire les primes des employé.e.s introduites au début de la pandémie de la COVID-19.

De nombreux commentateurs juridiques canadiens estiment que, suite aux modifications apportées à la Loi sur la concurrence en 2009, la disposition criminelle concernant les complots de la Loi ne vise pas les accords entre acheteurs, car l’article 45 modifié stipule que seuls certains accords visant la production ou la fourniture d’un produit ou d’un service sont illégaux. Comme les accords entre acheteurs ont rarement trait à la production ou à la fourniture d’un produit ou d’un service, ils ne sont pas interdits, et cela inclut les accords de non-débauchage et de fixation des salaires. La déclaration du Bureau confirme formellement son adhésion à cette interprétation. Toutefois, comme les tribunaux canadiens n’ont pas statué de façon définitive sur cette question, il se pourrait que des parties civiles, y compris les requérants d’une action collective, réclament des dommages-intérêts au titre des pertes alléguées du fait d’accords entre acheteurs et qu’elles soutiennent que le recours civil en cas de violation de la disposition criminelle devrait s’appliquer à ces arrangements.

Il faut toutefois noter que le Bureau a souligné dans sa déclaration que de nombreux accords entre acheteurs sont anticoncurrentiels, sans effets ni justifications favorables à la concurrence. Le commissaire de la concurrence peut enquêter sur ces accords entre acheteurs, et prendre des mesures contre ces accords, en vertu de l’article 90.1 de la Loi sur la concurrence, qui est une disposition civile permettant au commissaire de contester tout accord entre concurrents qui est jugé empêcher ou restreindre la concurrence de manière substantielle. Si une telle affaire est portée devant le Tribunal de la concurrence, ce dernier peut interdire aux parties à l’accord de faire quoi que ce soit au titre de l’accord en cause. Toutefois, aucune amende ou sanction administrative pécuniaire ne peut être imposée sans le consentement des parties.

Comme nous l’avions indiqué dans notre bulletin précédent sur ce sujet, le Bureau met actuellement à jour ses Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents et a publié un projet de consultation fin juillet 2020. L’Association du barreau canadien a exprimé des réserves (en anglais seulement) concernant l’approche du Bureau à l’égard des accords entre acheteurs dans ses commentaires sur le projet de consultation, et un article par Joshua Krane, James Musgrove et William Wu (en anglais seulement) exprime aussi de telles réserves à ce sujet. Le Bureau a maintenant annoncé que les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents mises à jour offriront de plus amples orientations, fondées sur les précisions communiquées la semaine dernière, concernant l’approche du Bureau en matière d’application à l’égard des accords entre acheteurs.

La déclaration du Bureau illustre les différences importantes qui existent entre les autorités de la concurrence et de l’antitrust canadiennes et américaines à l’égard du traitement des accords de fixation des salaires et de non-débauchage, principalement en raison des différences dans la formulation des dispositions criminelles pertinentes concernant les complots de chaque côté de la frontière. Suite à l’examen public de la question des primes COVID-19 au cours des derniers mois, la déclaration du Bureau vendredi dernier et d’autres récentes déclarations du commissaire pourraient inciter le Parlement à considérer des modifications législatives visant les accords de non-débauchage et de fixation des salaires — en fait, des membres des deux principaux partis politiques dans le domaine fédéral ont récemment fait des déclarations en réaction à la nouvelle de la réduction des primes dans les épiceries (en anglais seulement), indiquant qu’ils réfléchissaient à de possibles modifications de la Loi sur la concurrence pour palier à cette lacune apparente dans la loi.

Pour toute question concernant ces évolutions, n’hésitez pas à nous contacter ou à contacter un membre du groupe de la concurrence ou du groupe du droit du travail et de l’emploi.

par William Wu, Joshua Chad, Dave McKechnie

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder entièrement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L. s.r.l. 2020

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