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Protection des personnes vulnérables : les ACVM bouclent la boucle

27 juillet 2021 Bulletin sur les marchés des capitaux Lecture de 7 min

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié la version définitive de modifications (les « modifications ») au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (le « Règlement 31-103 ») et à son instrument complémentaire (l’« IC 31-103 ») visant à mieux protéger les clients âgés et vulnérables[1]. Ces modifications doteront les courtiers d’outils et de directives pour reconnaître chez leurs clients des signes d’affaiblissement des capacités mentales et d’exploitation financière, ainsi que pour réagir à ces situations. Parmi ces outils figurent la désignation d’une personne de confiance (une « PDC ») et l’imposition de blocages temporaires, que ce soit à l’égard d’une transaction particulière ou d’un compte entier.

Mandatées pour protéger les investisseurs contre les pratiques frauduleuses, manipulatrices ou trompeuses[2], les ACVM reconnaissent que les aînés représentent une proportion croissante des investisseurs canadiens et, partant, que la réussite de leur mission passe par le respect des priorités et la satisfaction des besoins particuliers de cette population. Comme l’a déclaré Louis Morisset, président des ACVM et président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers, « [ces] modifications sont un exemple concret de l’intérêt que portent les ACVM au rehaussement de la protection des investisseurs[3] ».

Les ACVM sont conscientes que les échanges des courtiers avec leur clientèle et la connaissance qu’ils en acquièrent au fil de ces interactions les placent dans une position privilégiée pour déceler les signes de vulnérabilité ou d’exploitation financière. Bien qu’il ne leur appartienne pas de statuer sur l’aptitude mentale d’un client, les courtiers se doivent de reconnaître ces signes et de se référer aux modifications afin d’établir s’il y a exploitation financière, s’il y en a eu ou s’il risque d’y en avoir. Les modifications ne définissent pas « capacités mentales », sans doute parce que délimiter clairement la notion reviendrait à faire fi de certains éléments contextuels. L’IC 31-103 traite plutôt des facteurs dont devrait tenir compte un courtier pour déceler chez un client des signes d’inaptitude mentale à prendre des décisions financières.

Contexte 

Les modifications sont le fruit des efforts des ACVM, de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels; toutes les sociétés inscrites y seront assujetties, y compris les membres des deux organismes d’autoréglementation susmentionnés.

Une première version de modifications proposées au Règlement 31-103 et à l’IC 31-103 a été publiée pour commentaires le 5 mars 2020.

La rétroaction recueillie s’est traduite par l’apport de modifications superficielles aux propositions initiales. Puis, estimant qu’il n’y avait plus rien à commenter, les ACVM ont achevé et publié les modifications le 15 juillet 2021.

Sous réserve des approbations nécessaires, les modifications doivent prendre effet le 31 décembre 2021, en même temps que les dispositions relatives à la connaissance du client (« CDC ») des réformes axées sur le client du Règlement 31-103 et de l’IC 31-103 déposées par les ACVM en octobre 2019[4]. Les courtiers devront s’y conformer dès qu’ils mettront à jour les renseignements de CDC de leurs clients après le 31 décembre 2021.

Pour en savoir plus sur les réformes axées sur le client et les exigences de CDC, veuillez lire les bulletins suivants : CSA Releases Client-Focused Reforms to NI 31-103 in Response to Client-Registrant Relationship Concerns (disponible en anglais seulement) et Réformes axées sur le client – la date limite à laquelle les personnes inscrites devront se conformer aux modifications relatives aux conflits d’intérêts approche.

Les modifications

Les courtiers devront tenir des registres démontrant qu’ils respectent les nouvelles exigences et qu’ils ont transmis à leur clientèle certains renseignements visant les PDC et les blocages temporaires. Pour satisfaire à ces exigences, ils sont en outre encouragés à mettre sur pied des programmes de formation et à adopter des politiques et procédures écrites en la matière[5].

  1. Personnes de confiance

Les modifications ont entraîné l’ajout au Règlement 31-103 d’un nouvel ensemble de dispositions de CDC portant sur la notion de « personne de confiance », laquelle s’entend d’une personne-ressource qu’un client permet par écrit à un courtier de contacter.

La PDC se veut l’alliée du courtier dans la protection des actifs et intérêts financiers du client qui la désigne, de même que dans la réponse à un cas potentiel de diminution des capacités mentales ou d’exploitation financière.

Les courtiers pourront également faire appel à la PDC d’un client pour confirmer les nom et coordonnées des représentants personnels de celui-ci, y compris son tuteur légal, l’exécuteur d’une succession ou le fiduciaire d’une fiducie dont il est bénéficiaire. Il importe de noter que la qualité de PDC ne permet pas d’effectuer d’opérations au compte d’un client ni de prendre toute autre décision pour celui-ci.

Ainsi, les courtiers devraient toujours communiquer directement avec leurs clients pour leur faire part de leurs préoccupations avant de s’adresser à une PDC. Toute interaction avec une PDC doit s’effectuer conformément au consentement écrit du client concerné et du droit applicable en matière de protection de la vie privée. Si l’on soupçonne qu’une PDC est mêlée à l’exploitation financière d’un client, elle ne devrait pas être contactée; il s’agira alors de solliciter l’aide d’autres ressources, comme les forces de l’ordre, le curateur public ou, le cas échéant, une autre PDC.

De fait, un client peut nommer plus d’une PDC. Bien qu’une PDC n’ait pas à être majeure dans sa province ou son territoire de résidence, elle devrait être une personne mature, digne de confiance et capable de communiquer avec le courtier et d’aborder avec lui des aspects sensibles de la situation personnelle du client qu’elle représente. Par ailleurs, il n’est pas recommandé aux clients de choisir une PDC qui prend déjà part à la gestion de leur compte, par exemple leur mandataire aux termes d’une procuration, leur représentant ou leur représentant-conseil.

Dans le cadre du processus de CDC, les courtiers devront prendre des moyens raisonnables pour obtenir de chacun de leurs clients le nom et les coordonnées d’une PDC, de même qu’un consentement écrit pour communiquer avec celle-ci dans certaines circonstances. Ils devront par ailleurs raisonnablement s’efforcer de tenir à jour les renseignements qu’ils détiennent sur les PDC, notamment en les actualisant dans un délai raisonnable après avoir appris qu’un changement important est survenu dans la situation personnelle d’un client. Si le courtier se trouve astreint aux obligations susmentionnées, le client n’est pas pour autant tenu de désigner une PDC pour ouvrir un compte. S’il refuse de le faire, cependant, son courtier est encouragé à le lui redemander périodiquement, à mesure que sa CDC évolue.

Le Règlement 31-103 ne prescrit pas les mesures que doivent prendre les courtiers pour satisfaire à ces obligations mais, comme on pouvait s’y attendre, des indications en ce sens ont été ajoutées à l’IC 31-103. Ainsi, ce qui est raisonnable dans les circonstances relève de la discrétion des courtiers, mais l’IC 31-103 les encourage néanmoins à expliquer à leurs clients le rôle d’une PDC, à leur en demander les coordonnées et, s’ils refusent, à leur demander les motifs de ce refus. Les courtiers sont en outre encouragés à adopter des politiques et procédures écrites les aidant à satisfaire aux nouvelles exigences, ainsi qu’à former leur personnel en conséquence. À strictement parler, les exigences susmentionnées visent les clients qui sont des particuliers. Néanmoins, les courtiers sont libres de solliciter leurs autres clients pour ce type de renseignements.

  1. Blocages temporaires

Nombre de courtiers avaient fait part aux ACVM d’inquiétudes découlant des répercussions réglementaires qu’ont eues certains blocages temporaires effectués par le passé. Pour apaiser ces inquiétudes, les modifications créent un cadre réglementaire permettant de bloquer temporairement une transaction, un retrait ou un transfert dans certaines situations bien précises.

Le terme « blocage temporaire » s’entend du blocage de l’achat ou de la vente d’une valeur mobilière pour le compte d’un client, ou du retrait ou du transfert d’espèces ou de valeurs mobilières à partir du compte d’un client. Un blocage temporaire ne peut s’effectuer que lorsqu’un courtier croit raisonnablement que l’opération visée participe de l’exploitation financière d’un client vulnérable, ou encore lorsqu’il doute de l’aptitude mentale du client à prendre des décisions financières. Il ne saurait s’effectuer pour des motifs inappropriés, par exemple afin de retarder un déboursement par peur de perdre un client, ou de refuser l’ordre ou l’instruction d’un client au motif qu’il ne satisfait pas aux critères d’évaluation de la convenance.

Malgré ce que son nom suggère, ce type de blocage n’est pas forcément « temporaire ». C’est d’ailleurs ce que réaffirment les modifications, en retirant le paragraphe du Règlement 31-103 qui impose aux courtiers de « mettre fin au blocage temporaire et [de] décider de procéder ou non à la souscription, à l’achat ou à la vente de titres, ou au retrait ou au transfert de fonds ou de titres ». Par ailleurs, un blocage temporaire est censé geler l’entièreté du compte d’un client seulement lorsque les circonstances le justifient.

Dans la mesure où ils respectent le Règlement 31-103, les courtiers pourront effectuer un blocage temporaire même si un client n’a pas désigné de PDC; si une PDC a été désignée, ils n’auront pas à communiquer avec elle avant de le faire. Il s’agit d’un élément important des modifications visant à atténuer les préoccupations entourant le rôle potentiel des PDC dans l’exploitation financière de clients.

Le courtier qui effectue un blocage temporaire est tenu de documenter les faits et les motifs ayant fondé sa décision, ainsi que d’aviser le client et lui transmettre ces motifs dans les plus brefs délais.

Les courtiers doivent réexaminer les faits pertinents après avoir effectué le blocage temporaire, et les réexaminer périodiquement afin d’établir s’il y a toujours lieu de le maintenir. Les modifications viennent ajouter à l’IC 31-103 des directives sur le contenu de l’évaluation du courtier à ce sujet, laquelle doit notamment comprendre un examen de l’actualité des motifs ayant justifié le blocage temporaire et la prise en compte de nouveaux renseignements pour décider s’il y a lieu ou non de maintenir celui-ci.

Dans les 30 jours suivant l’imposition du blocage temporaire – et à tous les 30 jours par la suite, le cas échéant –, le courtier est tenu soit de le retirer, soit d’aviser le client de son intention de le maintenir en fournissant les motifs de cette décision. Le blocage temporaire doit prendre fin si le courtier ne croit plus raisonnablement que le client : i) est, a été ou sera possiblement exploité financièrement; ou ii) est mentalement inapte à prendre des décisions financières. Le courtier peut également choisir de mettre fin à un blocage temporaire pour d’autres raisons, par exemple s’il décide d’accepter les instructions de son client par rapport à la transaction, au retrait ou au transfert en question.

Pour toute question sur l’application des modifications, y compris l’application potentielle de lois sur la protection de la vie privée, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Marchés des capitaux ou du groupe Fusions et acquisitions de McMillan.

[1] CSA Staff Notice of Amendments to NI 31-103 and to CP 31-103 to Enhance Protection of Older and Vulnerable Clients, (2021) 44 OSCB 5887 (disponible en anglais seulement).
[2] ACVM, « Notre mission » (dernière visite le 27 juillet 2021).
[3] ACVM, « Les autorités en valeurs mobilières du Canada publient des modifications définitives visant à rehausser la protection des clients âgés et vulnérables » (15 juillet 2021).
[4] CSA Staff Notice of Amendments to NI 31-103 and to CP 31-103 – Reforms to Enhance the Client-Registrant Relationship (Client Focused Reforms), (2019) 42 OSCB (Supp-1) (disponible en anglais seulement).
[5] Pour en savoir plus à ce sujet, voir : CSA Staff Notice 31-354 Suggested Practices for Engaging with Older or Vulnerable Clients (21 juin 2019) (disponible en anglais seulement).

par Leila Rafi, Ashley E. Brown et Vaughan Rawes (étudiant d’été)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021

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