Aperçu des développements à suivre en droit de l’environnement au Québec en 2023
Aperçu des développements à suivre en droit de l’environnement au Québec en 2023
Le droit de l’environnement a connu une forte impulsion au cours des dernières années et nous prévoyons que 2023 n’y fera pas exception. Ce court article vous présente certains des développements-clés à suivre en la matière au Québec.
Suite de la mise en œuvre du régime d’autorisation environnementale
La mise en œuvre de la réforme du régime d’autorisation environnementale, entreprise en 2017, s’est poursuivie au cours de l’année 2022, notamment suivant l’entrée en vigueur à la toute fin de 2021 de l’obligation d’utiliser certains formulaires aux fins de demande visant les autorisations ministérielles délivrées en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. En parallèle, en 2022, le virage vers une prestation de service électronique entrepris par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) s’est poursuivi relativement notamment aux demandes visant une autorisation ministérielle. Ces nouvelles façons de faire ont créé certains irritants auprès des promoteurs de projets. Bien que nous ayons noté une ouverture du MELCCFP en réaction aux commentaires émis, la transition se poursuivra en 2023.
Régime transitoire – Activités en milieux hydriques
Depuis le 1er mars 2022, un régime transitoire s’applique aux activités réalisées dans les milieux hydriques, notamment les rives, le littoral et les zones inondables. Ce régime transitoire, dont les modalités d’application se trouvent principalement dans le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations, est une réponse du gouvernement aux inondations de 2017 et 2019. Ce régime remplace la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, dont certaines lacunes avaient été identifiées, en instaurant un régime d’autorisation municipale pour les activités réalisées dans ces milieux, qui se veut plus uniforme. Il énonce également certaines normes à respecter dans le cadre de telles activités. Pour bien exercer leurs nouveaux pouvoirs, les municipalités ont besoin de formation afin de développer une expertise à l’interne. Du côté des promoteurs, ceux-ci doivent se familiariser avec ces nouvelles règles, ce qui se poursuivra en 2023. L’échéancier relatif au régime « permanent » demeure incertain.
Bourse du carbone
Des changements importants au système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) de gaz à effet de serre (GES), communément désigné « bourse du carbone », s’appliqueront à compter de 2024. En particulier, les allocations gratuites d’émissions versées à certaines entreprises assujetties (principalement dans le secteur industriel) diminueront progressivement. Toutefois, une portion de cette réduction de l’allocation gratuite sera mise en consigne et pourra être utilisée par les émetteurs pour financer des projets de réduction de leurs émissions de GES. Les entreprises assujetties au SPEDE ont intérêt à se familiariser avec ces changements, qui sont susceptibles d’avoir un impact important aux plans financier, technique et règlementaire sur ces entreprises. Puisque le SPEDE a été reconnu par le gouvernement fédéral comme étant équivalent au système de tarification du carbone fédéral, le système fédéral ne s’applique pas aux établissements situés au Québec.
Des changements à la consigne élargie et à la collecte sélective
Des changements au régime de la consigne et à celui de la collecte sélective sont entrés en vigueur en 2022. Les objectifs visés par ces changements incluent d’augmenter le taux de récupération et de réemploi de diverses matières (et ainsi réduire le volume de matières enfouies) en favorisant notamment l’écoconception et la circularité.
La réforme de ces deux régimes instaure un régime de responsabilité élargie des producteurs (REP). Dans le cas de la collecte sélective, il s’agit d’un transfert de la responsabilité des organismes municipaux vers les producteurs de ces produits et matières. Dans le cas de la consigne, de nouveaux contenants sont assujettis à la consigne existante et leur gestion de fin de vie est confiée aux personnes qui les introduisent sur le marché. Cette réforme a un impact concret sur tout l’écosystème de gestion des matières résiduelles au Québec, y compris sur les entreprises qui mettent en marché divers produits, contenants et matières visés.
La mise en œuvre de ces changements se poursuivra en 2023.
Prélèvement d’eau : une augmentation des tarifs envisagée
Au Québec, les entreprises de certains secteurs d’activités qui prélèvent des volumes d’eau au-delà d’un seuil fixé dans la règlementation sont assujetties au paiement d’une redevance. Au printemps dernier, le gouvernement caquiste a déposé un projet de loi visant à introduire une révision périodique des dispositions établissant notamment cette redevance et visant une plus grande transparence des mesures financées par les redevances perçues. Le projet de loi est mort au feuilleton suivant le déclenchement de la campagne électorale, mais son dépôt est une indication de l’intention du gouvernement en la matière dans un contexte où l’on prévoit des pénuries d’eau potable dans certaines municipalités du Québec. D’ailleurs, le gouvernement caquiste, réélu en octobre dernier, a annoncé qu’il déposera, au courant de la prochaine session parlementaire, un projet de loi sur la protection de l’eau, dans un contexte où les réserves d’eau douce deviendront de plus en plus rares au cours des prochaines années.
Sols contaminés excavés : le mécanisme de traçabilité poursuit son implantation et des redevances sont envisagées
Depuis novembre 2021, les déplacements de sols contaminés découlant de certains travaux d’excavation et atteignant certains volumes sont assujettis au système de traçabilité Traces Québec et des frais de 2 $ par tonne métrique de sols contaminés sont exigibles. Depuis le 1er janvier 2023, tout transport de sols découlant de ces travaux d’excavation, est assujetti aux règles, mais plusieurs obligations ne s’appliquent pas si le volume est de moins de 200 tonnes métriques dans le cadre d’un même projet. La mise en œuvre de ce système, dont l’objectif principal était de mettre fin à la disposition illégale de sols contaminés, a un impact concret sur la chaine d’intervenants impliqués dans la gestion de sols contaminés au Québec.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec a publié au printemps 2022 un projet de règlement qui vise l’implantation d’une redevance visant à favoriser le traitement et la valorisation de sols contaminés plutôt que leur enfouissement. La publication du règlement final est toujours attendue mais aucun échéancier n’est connu.
Les municipalités de plus en plus actives
On note une tendance à une plus grande action des municipalités en matière de protection de l’environnement. C’est le cas notamment de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui regroupe 82 municipalités représentant environ la moitié de la population du Québec. Au printemps 2022, la CMM a adopté un règlement de contrôle intérimaire interdisant toute construction, tout ouvrage, tous travaux ou toute activité dans les milieux terrestres et humides « d’intérêt métropolitain » et dans l’habitat de la rainette faux-grillon, sauf exceptions prévues. L’impact pratique de ce règlement a été de geler le développement de projet sur un grand nombre de terrains dont certains avaient jusque là un potentiel important de développement. Cela a entraîné une perte de valeur considérable pour certains de ces terrains sans pour autant que le règlement ne prévoit de mécanisme de compensation pour les leurs propriétaires. La CMM a également adopté en 2022 un règlement de contrôle intérimaire visant spécifiquement à prohiber le développement de terrains de golf présentant un potentiel de reconversion en espace vert ou un milieu naturel. Ces deux règlements font l’objet de contestations devant les tribunaux, que nous suivrons en 2023.
Certaines municipalités souhaitent par ailleurs agir en matière de manière lutte contre les changements climatiques en adoptant des normes visant plus spécifiquement la conception, la construction et l’opération de bâtiments. À titre d’exemple, l’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal, soumettra la délivrance d’un permis de construction relatif à certains projets à un facteur de résilience climatique. Nous vous référons à notre article à ce sujet.
Les pouvoirs des municipalités ne sont toutefois pas sans limites. Comme nous l’avons résumé dans cet article, un changement de zonage au terme duquel un propriétaire ne peut exercer que des activités de type conservation peut résulter en une expropriation déguisée forçant la municipalité à indemniser le propriétaire du terrain visé par les restrictions.
Enfin, dans le cadre de la campagne électorale au terme de laquelle le gouvernement caquiste a été réélu, les municipalités ont présenté plusieurs demandes aux différents partis politiques. Parmi celles-ci, soulignons une révision de la Loi sur l’expropriation, notamment afin de faciliter l’acquisition de terrains à des fins de conservation. Au cours de la campagne électorale, le premier ministre Legault s’est d’ailleurs engagé à entreprendre celle-ci. Aucun échéancier n’a toutefois été rendu public jusqu’ici.
Débats constitutionnels
La portée des pouvoirs du parlement fédéral en matière d’environnement est à nouveau débattue devant les tribunaux. En mai 2022, la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que la Loi sur l’évaluation d’impact fédéral et le Règlement sur les activités concrètes pris en application de celle-ci étaient inconstitutionnels (pour plus d’information à ce sujet, consultez notre article ici (en anglais seulement)). Le gouvernement fédéral a porté cette décision en appel. Bien que cette saga judiciaire se déroule hors du Québec, son issue aura un impact sur le processus d’évaluation des impacts de certains projets au Québec. Présentement, certains projets sont assujettis à la fois au régime d’évaluation d’impact fédéral et à celui prévu par la Loi sur la qualité de l’environnement. Cette contestation de la part d’une province s’ajoute à celles relatives à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, dont la validité a été confirmée en 2021.
par Martin Thiboutot
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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