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Budget de 2024 : hausse d’impôt sur les gains en capital

19 avril 2024 Bulletin sur la fiscalité Lecture de 8 min

Le budget de 2024 propose de modifier considérablement l’impôt sur les gains en capital en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi de l’impôt »). La proposition de revoir à la hausse le taux d’imposition effectif applicable aux gains en capital aura des effets importants (d’une portée potentiellement plus vaste que ce qui est prévu dans les documents budgétaires présentés par la ministre fédérale des Finances). Le projet soulève un certain nombre de questions qui restent sans réponse et qui amènent les contribuables à se demander s’il est opportun de prendre des mesures avant le 25 juin 2024, date d’entrée en vigueur des modifications proposées, et à envisager des mesures à prendre à l’avenir pour atténuer les effets négatifs des propositions.

Modifications législatives proposées

Actuellement, dans la plupart des cas, la moitié des gains en capital est comptabilisée aux fins du calcul du revenu d’un contribuable en vertu de la Loi de l’impôt. Ce mécanisme fait généralement en sorte que les gains en capital soient imposés à la moitié du taux d’impôt ordinaire. Le budget de 2024 prévoit de faire passer le taux d’inclusion de la moitié aux deux tiers des gains en capital pour les sociétés et les fiducies et, dans le cas des particuliers, à la fraction des gains en capital réalisés au cours d’une année qui dépasse 250 000 $. Le budget de 2024 propose de modifier considérablement la façon dont les gains en capital sont imposés en vertu de la Loi de l’impôt.

Les propositions faites dans le budget prévoient que le seuil de 250 000 $ de gains en capital sera généralement calculé déduction faite de certains montants d’impôt ciblés, y compris i) les pertes en capital de l’année en cours, ii) les pertes en capital reportées d’années antérieures ou reportées rétrospectivement d’années d’imposition ultérieures, et iii) les gains en capital à l’égard desquels le contribuable bénéficie d’une exonération cumulative des gains en capital, d’une exonération au titre des fiducies collectives des employés ou de l’incitatif aux entrepreneurs canadiens.

Les règles proposées prévoient que les pertes en capital nettes subies par un contribuable à un moment où le taux d’inclusion de moitié s’appliquait peuvent être portées en diminution des gains en capital réalisés à un moment où le taux d’inclusion des deux tiers s’applique (de sorte que les pertes en capital subies avant la modification du taux soient entièrement compensées par les gains en capital équivalents après la modification).

Le budget de 2024 propose certaines modifications accessoires aux règles sur la déduction pour options d’achat d’actions afin de préserver l’équivalence approximative du taux d’inclusion des options d’achat d’actions des employés admissibles à la déduction pour options d’achat d’actions et des gains réalisés par un particulier au titre du capital. Afin de maintenir l’équivalence approximative de ces régimes, un demandeur admissible à la déduction pour options d’achat d’actions des employés continuera d’être admissible à une déduction au taux de moitié jusqu’à concurrence d’une limite combinée de 250 000 $ pour les options d’achat d’actions des employés et les gains en capital, la déduction disponible en vertu du régime de déduction pour options d’achat d’actions des employés étant réduite au taux d’un tiers au-delà de cette limite.

Le budget de 2024 propose que le nouveau régime relatif aux gains en capital s’applique aux gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024. Des règles transitoires sont proposées pour les contribuables dont les années d’imposition commencent avant le 25 juin 2024 ou se terminent à cette date ou avant celle-ci. Ces contribuables comptabiliseront séparément les gains en capital réalisés et les pertes en capital subies avant le 25 juin 2024 (qui ne seront pas soumis aux règles relatives à l’inclusion des deux tiers) et les gains en capital réalisés et les pertes en capital subies à compter du 25 juin 2024 (période au cours de laquelle les nouvelles règles s’appliqueraient). Les pertes en capital subies au cours de la première période peuvent être portées en diminution des gains en capital réalisés au cours de la seconde période. Plus particulièrement, il n’est pas prévu que le seuil de 250 000 $ pour les particuliers soit pris en compte au prorata pour 2024, de sorte que la limite de 250 000 $ s’appliquera intégralement aux gains réalisés après le 25 juin 2024.

Les documents budgétaires ne comprenaient pas de propositions législatives préliminaires portant sur l’application des propositions relatives au taux d’inclusion des gains en capital, mais indiquaient plutôt que des détails supplémentaires sur la conception seraient publiés au cours des prochains mois. Par conséquent, l’application de ces règles demeure très incertaine.

Observations/questions

Nous présentons ci-dessous quelques observations ou questions concernant les propositions relatives au taux d’inclusion des gains en capital contenues dans le budget de 2024 :

  • Le régime fiscal canadien a toujours eu comme principe directeur le concept de l’« intégration », qui veut que le régime fiscal ne doit pas encourager ou décourager l’utilisation d’un véhicule d’affaires particulier, mais plutôt tenter d’imposer le revenu entièrement distribué de manière à peu près égale, sans égard au véhicule d’affaires choisi. Pour cette raison, le niveau combiné d’imposition des sociétés et des dividendes sur le revenu d’entreprise gagné par l’entremise d’une société a toujours été à peu près égal au niveau d’imposition du revenu d’un propriétaire unique non constitué en société.

Les propositions contenues dans le budget remettront considérablement en cause le principe de l’intégration dans les cas où une société de portefeuille est utilisée comme véhicule de placement. La société de portefeuille ne serait pas admissible à l’exonération de 250 000 $ sur les gains en capital dont peuvent se prévaloir les particuliers, même si elle n’est détenue que par un particulier et/ou des membres de la famille immédiate. Une telle conséquence pourrait donc décourager l’utilisation des sociétés de portefeuille comme véhicules de placement.

  • Les propositions contenues dans le budget de 2024 ne font aucune distinction entre les gains en capital réalisés par un résident du Canada aux fins de la Loi de l’impôt et les gains en capital réalisés par un non-résident du Canada. Il est prévu que le taux de retenue d’impôt à la disposition par des non-résidents de « biens canadiens imposables » (au sens de la Loi de l’impôt) pourrait être modifié pour tenir compte de ces taux plus élevés, créant ainsi un risque supplémentaire pour les acquéreurs qui omettraient de retenir et de remettre dûment ces sommes.
  • Dans le budget de 2024, il est estimé que le gouvernement fédéral tirera environ 19,4 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires au cours des cinq prochaines années grâce aux modifications du taux d’inclusion des gains en capital. Les documents budgétaires estiment en outre que les provinces et les territoires du Canada pourraient tirer jusqu’à 11,6 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires en conséquence des modifications proposées (en supposant que les lois provinciales seraient modifiées, notamment au Québec, afin de refléter les modifications fédérales). Fait intéressant, les projections budgétaires laissent entendre que les propositions permettront au gouvernement fédéral de recueillir 6,9 milliards de dollars au cours de l’exercice 2024-2025, et que les fonds recueillis grâce à la mesure diminueront au fil des années qui suivront. Cela signifie que le gouvernement s’attend à ce qu’un nombre important de contribuables accélèrent la comptabilisation des gains en capital accumulés avant la date d’entrée en vigueur du 25 juin 2024.
  • Les documents budgétaires ne précisent pas si l’exemption de 250 000 $ accordée aux particuliers à la suite de la hausse du taux d’inclusion aux deux tiers sera rajustée annuellement pour tenir compte de l’inflation (au même titre que les autres seuils prévus dans la Loi de l’impôt) ou si l’application du taux d’inclusion des deux tiers s’élargira graduellement au fil du temps à mesure que la valeur réelle de l’exemption de 250 000 $ s’effritera en raison de l’inflation.
  • L’attrait des actions accréditives devra être réévalué à la lumière des modifications proposées du régime d’inclusion des gains en capital. Les actions accréditives sont des titres avantageux sur le plan fiscal émis par certaines sociétés exerçant des activités d’exploration minière admissibles et des activités similaires. Les sociétés émettrices de ce type d’actions sont généralement disposées à renoncer à certaines déductions fiscales inutilisées en faveur des actionnaires qui peuvent les réclamer dans le calcul de leur revenu imposable. Toutefois, étant donné que le porteur de ces actions est généralement réputé avoir un « prix de base rajusté » nul à l’égard de ces titres, un gain en capital est habituellement comptabilisé à la vente des actions après que les attributs fiscaux ont fait l’objet d’une renonciation en faveur de l’actionnaire. L’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital peut rendre ces arrangements moins intéressants.
  • Les contribuables qui font don d’actions cotées en bourse et d’autres types d’actifs à des organismes de bienfaisance enregistrés en vertu de la Loi de l’impôt sont généralement exonérés d’impôt sur les gains en capital sur tout gain accumulé réalisé au moment du don de ces biens. L’augmentation du taux d’inclusion applicable aux gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024 signifie que les économies d’impôt attribuables à ces arrangements de don pourraient devenir plus importantes après la date d’entrée en vigueur.
  • Le budget avance des chiffres indiquant que seul un faible pourcentage des contribuables sera assujetti à l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital (soit 0,13 % des particuliers canadiens et 12,6 % des sociétés) et fait remarquer que ces contribuables font partie des Canadiens les plus riches. Toutefois, nous constatons que les propositions de modification pourraient avoir une incidence sur un nombre beaucoup plus important de personnes. Par exemple, un contribuable qui vend un chalet familial et réalise un gain important peut, en raison du gain en capital réalisé, comptabiliser un revenu imposable considérable au cours de l’année de disposition, ce qui le situerait dans le champ d’application des règles proposées. De même, selon la Loi de l’impôt, une personne est réputée céder tous ses actifs à leur juste valeur marchande immédiatement avant son décès, ce qui pourrait faire en sorte que beaucoup de contribuables à revenu moyen enregistrent un gain en capital important au cours de l’année d’imposition se terminant immédiatement avant leur décès et, par conséquent, deviennent assujettis au régime d’inclusion des deux tiers des gains en capital.

Atténuation

Les contribuables devraient examiner attentivement s’ils doivent prendre des mesures d’atténuation avant le 25 juin 2024, date d’entrée en vigueur des propositions relatives à l’inclusion des gains en capital. De plus, les contribuables devront évaluer si les procédures et politiques d’exploitation courantes devraient être revues pour les années à venir, au regard de ces modifications. Nous estimons que les stratégies et procédures suivantes devraient être réévaluées à la lumière du régime d’inclusion des gains en capital proposé :

  • Comme il est indiqué ci-dessus, la proposition de taux d’inclusion des gains en capital des deux tiers ne s’applique qu’aux gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024. Par conséquent, certains contribuables qui envisagent actuellement de vendre un actif immobilisé devraient penser à accélérer le calendrier de leur opération afin que la vente soit conclue avant le 25 juin 2024. Si cela n’est pas possible, ils peuvent envisager de réaliser certaines opérations de réorganisation afin de cristalliser un gain en capital avant le 25 juin 2024.
  • Selon les règles actuelles, il est d’usage pour un contribuable qui a subi une perte en capital de « reporter rétrospectivement » cette perte sur l’une des trois années d’imposition antérieures, sous réserve des règles détaillées de la Loi de l’impôt, afin de réaliser une économie d’impôt en espèces. Toutefois, les contribuables pourraient juger utile de revoir cette stratégie au cours des prochaines années, car, dans certaines circonstances, il est plus avantageux de porter les pertes fiscales en diminution des gains en capital réalisés au cours des périodes d’imposition où le taux d’inclusion des deux tiers s’applique, plutôt que de les reporter rétrospectivement sur des périodes où le taux d’inclusion de moitié s’appliquait.
  • La Loi de l’impôt permet actuellement à un contribuable, dans certaines circonstances, de réclamer une provision à l’égard du produit de disposition d’une immobilisation qui n’a pas encore été reçu. Le fait de réclamer une telle provision pourrait permettre au contribuable d’étaler l’imposition d’un gain en capital sur une durée maximale de cinq années d’imposition. Il peut être avantageux pour les particuliers de structurer leurs affaires de manière à tirer parti de la provision pour gains en capital pour maximiser le nombre d’années pendant lesquelles les avantages du taux d’inclusion de moitié sur la part de gain en capital de 250 000 $ peuvent être exploités. De même, les particuliers peuvent stratégiquement choisir de réaliser des gains en capital au cours d’années d’imposition spécifiques afin de monétiser pleinement le montant du taux d’inclusion de moitié sur la première tranche de gains en capital de 250 000 $ réalisés au cours de l’année (en accélérant effectivement le paiement de l’impôt pour profiter d’un taux d’imposition réduit).
  • Les contribuables doivent se poser la question de savoir si une société de portefeuille demeure le véhicule de choix pour détenir certaines immobilisations. Étant donné que les propositions du budget prévoient d’assujettir les sociétés au taux d’inclusion de gains en capital des deux tiers sur la totalité des gains, et pas seulement sur la tranche au-dessus de 250 000 $ comme c’est le cas pour les particuliers, il pourrait ne plus être judicieux de détenir certaines immobilisations dans une société. Les solutions de rechange à envisager peuvent comprendre une combinaison de sociétés en commandite, de fiducies (dans l’hypothèse où la totalité du revenu est transférée de la fiducie à ses bénéficiaires) et de détention directe d’immobilisations par des particuliers.

* * *

Vu que le budget de 2024 ne comprend pas de propositions législatives préliminaires portant sur la mise en œuvre du taux d’inclusion des gains en capital des deux tiers proposé, l’application des nouvelles règles demeure très incertaine. De nouvelles préoccupations, stratégies et observations sont attendues au fur et à mesure que nous en apprendrons davantage sur les propositions. McMillan continuera de suivre la situation de près.

Par Andrew Stirling

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

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