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Dans le contexte des guerres commerciales, le Canada élargit les examens relatifs à la sécurité nationale des investissements étrangers

6 mars 2025 Bulletin Concurrence, anti-trusts et investissements étrangers Lecture de 5 min

Le 5 mars 2025, après l’imposition par les États-Unis de tarifs sur les importations en provenance du Canada, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a annoncé que le gouvernement canadien avait élargi les motifs pour mener des examens relatifs à la sécurité nationale sur les investissements étrangers. Le ministre a ajouté les investissements susceptibles de porter atteinte à la « sécurité économique » du Canada aux Lignes directrices sur l’examen de la sécurité nationale des investissements[1] aux termes de la Loi sur Investissement Canada (LIC).

Les lignes directrices mises à jour apparaissent à un moment où l’environnement économique et politique mondial évolue considérablement. Elles découlent de modifications importantes apportées à la LIC en 2024. Ces dernières ont augmenté la capacité du gouvernement à examiner minutieusement les investissements étrangers[2]. Elles modifient également la liste des technologies sensibles qui peuvent susciter des inquiétudes à l’égard de la sécurité nationale.

Sécurité économique

Le concept selon lequel la sécurité économique fait partie de la sécurité nationale du Canada est apparu pendant la pandémie de la COVID-19[3] et a été suivi par des modifications de politique visant à restreindre l’investissement étranger dans les abondantes ressources minérales essentielles du Canada[4]. Les mises à jour de mars 2025 créent toutefois la première inclusion officielle du concept dans les lignes directrices. Le ministre a explicitement mentionné que la sécurité économique a été ajoutée partiellement « En raison de l’évolution rapide du contexte commercial », où « certaines entreprises canadiennes pourraient voir leur valorisation baisser, les rendant ainsi plus vulnérables à des investissements opportunistes ou hostiles[5] ».

Cette révision des lignes directrices a immédiatement suivi l’imposition, par les États-Unis, de droits de douane de 25 % sur l’ensemble des produits canadiens et l’annonce par le Canada de deux vastes séries de tarifs à titre de rétorsion[6]. Les lignes directrices comprennent désormais le facteur suivant comme fondement possible d’un examen de sécurité nationale :

  • la possibilité que l’investissement porte atteinte à la sécurité économique du Canada par l’intégration accrue de l’entreprise canadienne à l’économie d’un État étranger ou à un secteur de celle-ci.

Ce nouveau facteur permet au Canada d’examiner si sa sécurité économique pourrait être affectée par l’intégration ou l’augmentation de l’intégration d’une entreprise canadienne, nouvelle ou existante, dans l’économie d’un pays étranger. La note explicative du gouvernement indique qu’« En appliquant ce facteur, le gouvernement tiendra compte, entre autres, de la taille de l’entreprise canadienne, de sa place dans l’écosystème de l’innovation et de l’impact sur les chaînes d’approvisionnement canadiennes ».

La liste des technologies sensibles

Un autre facteur de plus en plus important qui pourrait mener à un examen relatif à la sécurité nationale est l’incidence potentielle d’un investissement sur le transfert à l’extérieur du Canada de technologies ou de savoir-faire sensibles.

Les lignes directrices précédentes contenaient une annexe énumérant 16 technologies considérées comme étant « sensibles ». Aucune description desdites technologies n’y était fournie. Les lignes directrices mises à jour remplacent l’annexe précitée par une référence à la liste des technologies sensibles, récemment publiée.

Le 6 février 2025, le ministre de la Sécurité publique a publié ladite liste. Elle identifie 11 vastes domaines technologiques que le gouvernement considère comme étant sensibles et qui peuvent avoir des répercussions sur la sécurité nationale :

  1. Technologies de l’infrastructure numérique de pointe
  2. Technologies énergétiques de pointe
  3. Matériaux et fabrication de pointe
  4. Détection et surveillance avancées
  5. Armes de pointe
  6. Technologies aérospatiales, spatiales et satellitaires
  7. Intelligence artificielle (IA) et technologie des mégadonnées
  8. Intégration humain-machine (IHM)
  9. Technologies des sciences de la vie
  10. Science et technologie quantiques
  11. Robotique et systèmes autonomes

De manière générale, les 11 technologies ci-dessus couvrent les domaines énumérés dans l’annexe qui a précédé la liste. La liste des technologies sensibles fournit des détails supplémentaires importants sur ce qui est visé par chaque domaine technologique.

Considérations pratiques

Les lignes directrices révisées confirment que l’attention croissante portée par le gouvernement à la sécurité nationale comprend désormais une vision élargie de la sécurité économique ainsi que des préoccupations particulières à l’égard des technologies sensibles. Il est donc possible que les investissements étrangers au Canada en provenance des États-Unis ou d’autres alliés historiques puissent faire l’objet d’un examen plus minutieux dans les cas où la sécurité économique du Canada est menacée. Conséquemment, il serait raisonnable de s’attendre à un examen plus minutieux des opérations d’investissement étranger comportant des intervenants comme :

  1. des entreprises canadiennes importantes pour les infrastructures ou chaînes d’approvisionnement d’importance critique pour le Canada;
  2. des entreprises canadiennes axées sur l’innovation tout comme celles qui sont associées aux nouvelles technologies;
  3. des entreprises canadiennes qui, si elles sont intégrées à un secteur de l’économie d’un pays étranger en particulier, car des étrangers en sont propriétaires ou les contrôlent, pourraient avoir une incidence importante sur le bien-être économique futur du Canada;
  4. de grandes entreprises canadiennes (en particulier celles dont la valeur, quelle que soit la manière dont elle est mesurée, a récemment diminué); et
  5. d’autres investissements au Canada qui pourraient être perçus comme hostiles car ils tirent parti de mauvaises conditions économiques temporaires.

Les entreprises canadiennes à la recherche d’investissements étrangers, ou qui pourraient être acquises par un acheteur étranger, devront évaluer attentivement les options de liquidité dans les cas où l’un des facteurs susmentionnés entrerait en jeu. Il sera donc de plus en plus important d’aborder les risques possibles en vertu de la LIC dans les documents d’opérations.

Pour obtenir des renseignements supplémentaires au sujet des lignes directrices, des règles relatives aux investissements entrants au Canada ou des réactions du Canada aux développements tarifaires et commerciaux, veuillez communiquer avec l’un des membres du groupe Investissements étrangers de McMillan, de McMillan Vantage ou du groupe Commerce international de McMillan.

[1] Les lignes directrices ont été publiées pour la première fois en 2016. Elles établissent une liste non exhaustive de facteurs susceptibles de déclencher l’application du régime de sécurité nationale de la LIC. Des mises à jour ont été apportées périodiquement aux lignes directrices. En 2021, le gouvernement a élargi la liste des domaines suscitant des préoccupations, ajoutant la cybersécurité et les infrastructures essentielles à titre de considérations en matière de sécurité nationale. Vous pouvez lire nos précédents bulletins concernant les lignes directrices en cliquant ici (en anglais) et ici.
[2] Nous avons précédemment discuté du projet de loi C-34 Les lignes directrices ont également été mises à jour pour être conformes aux récentes modifications apportées à la LIC par le projet de loi C-34. Ces modifications permettent au ministre d’accepter (ou de rejeter) les déclarations et engagements juridiquement contraignants des investisseurs afin de répondre aux préoccupations en matière de sécurité nationale, plutôt que d’exiger l’approbation du Cabinet.
[3] Tout particulièrement :

  • L’énoncé de politique d’avril 2020 du ministre sur la pandémie de COVID-19 soulignait que certains investissements d’entreprises d’État pourraient être « motivés par des motifs non commerciaux qui pourraient nuire aux intérêts économiques ou de sécurité nationale du Canada ».
  • En décembre 2021, dans sa lettre de mandat, le premier ministre a demandé au ministre de « promouvoir la sécurité économique et lutter contre l’ingérence étrangère en procédant à l’examen et à la modernisation de la Loi sur Investissement Canada pour renforcer le processus d’examen en matière de sécurité nationale et mieux évaluer et atténuer les menaces à la sécurité économique découlant des investissements étrangers ».
  • En octobre 2022, le gouvernement a publié son Rapport annuel sur la LIC pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022. Il s’agissait du premier rapport du genre à mentionner la « sécurité économique » : « Cela concorde avec la reconnaissance du fait que la prospérité économique du Canada, ainsi que l’accès aux biens et services essentiels, peuvent être la cible d’États ou d’acteurs hostiles qui pourraient chercher à perturber la sécurité économique du Canada par le biais de notre économie de marché ouverte ».
  • En juillet 2023, le département de l’ISED chargé de traiter les demandes relatives à la LCI a changé de nom, passant de la Division de l’examen des investissements à la Direction générale de l’examen des investissements étrangers et de la sécurité économique.

[4] Nous avons précédemment abordé les mises à jour de la politique en matière d’investissements étrangers et de minéraux critiques ici et ici.
[5] Voir la déclaration du ministre du 5 mars 2025.
[6] Nous avons déjà discuté de l’imposition de ces tarifs et de leur évolution avant le 5 mars ici et ici. Au moment de la rédaction des présentes, les États-Unis ont subséquemment décidé, le 6 mars, de suspendre leurs tarifs concernant toutes les marchandises qui respectent les règles d’origine de l’AEUMC, y compris les produits du secteur de l’automobile.

Par Joshua Chad, Mishail Adeel, Mark Resnick, François Tougas, Dr. A. Neil Campbell et Gary Preteau (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2025

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