Des mesures législatives du budget de 2023 visent à modifier la Loi sur les transports au Canada
Des mesures législatives du budget de 2023 visent à modifier la Loi sur les transports au Canada
Le 17 avril 2023, le gouvernement fédéral a publié un projet de loi portant sur la mise en œuvre de certaines dispositions du budget de 2023. Le projet de loi C-47 modifie la Loi sur les transports au Canada pour donner effet à deux modifications touchant les expéditeurs de marchandises par voie ferroviaire au Canada :
- prolonger la limite d’interconnexion jusqu’à 160 km dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta,
- conférer au gouvernement fédéral le pouvoir d’adopter un règlement obligeant les utilisateurs du réseau national des transports, par exemple les expéditeurs, à communiquer des données.
Programme pilote de prolongation de la limite d’interconnexion
Les modifications établissent une nouvelle zone où la limite d’interconnexion serait prolongée à 160 km dans les trois provinces des Prairies; ces mesures reproduisent les critères géographiques et kilométriques qui s’étaient appliqués de 2014 à 2017 en vertu de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain. La nouvelle zone disparaîtra après 18 mois, sauf si le gouvernement fait le nécessaire pour maintenir cette limite en vigueur.
Le CN et le CP seront tenus de fournir au ministre des Transports (le « ministre ») certaines données concernant l’utilisation des services d’interconnexion réglementés, notamment si le point d’origine ou de destination se trouvait à moins de 30 km, ou à une distance comprise entre 30 km et 160 km, et si le CN ou le CP ont transporté le wagon au tarif d’interconnexion réglementé.
Comme nous l’indiquions dans un bulletin précédent, la prolongation provisoire des limites d’interconnexion aidera quelques expéditeurs dans les provinces des Prairies, mais laissera de côté tous les expéditeurs qui n’ont pas accès à cette mesure, alors qu’ils ont besoin d’un marché concurrentiel, que ce soit sous forme d’une réelle concurrence ou de substituts à la concurrence.
Le CN et le CP, s’exprimant par l’entremise de l’Association des chemins de fer du Canada, qui représente les entreprises de l’industrie, critiquent souvent la réglementation de l’interconnexion au Canada car, disent-ils, elle permet aux transporteurs ferroviaires des États-Unis de détourner vers eux une partie de la circulation ferroviaire au Canada. Les transporteurs ferroviaires soulevaient déjà les mêmes inquiétudes il y a plus d’une trentaine d’années et pourtant, la concurrence des transporteurs américains dans un contexte d’interconnexion réglementée n’a jamais empêché le CN ou le CP de développer leurs activités respectives, même aux États-Unis.
Le projet de loi C-47 permettra sans doute au gouvernement d’évaluer dans quelle mesure une limite d’interconnexion prolongée pourrait favoriser la concurrence.
[Traduction] L’interconnexion réglementée est avantageuse pour l’expéditeur puisqu’elle lui offre la possibilité de transférer le transport de ses marchandises à un transporteur correspondant. Cette possibilité incite le transporteur local à offrir un meilleur service et des tarifs plus concurrentiels. Au contraire, si l’interconnexion n’est pas réglementée, le transporteur local peut imposer à sa guise un tarif d’interconnexion plus élevé, de sorte que le transporteur correspondant se trouve écarté de toute concurrence au détriment de l’expéditeur.
L’interconnexion réglementée consiste à injecter un peu de tension concurrentielle dans un marché où la relation commerciale est plutôt déséquilibrée dans le but de rétablir l’équilibre du marché. Les expéditeurs par voie ferroviaire en sont bien conscients, mais vu l’opacité du système de données sur le réseau de transport ferroviaire, leurs seuls points de comparaison sont les tarifs qui leur sont imposés, ou les données globales sur les revenus rendues publiques par le CN et le CP.
Les données qui seront transmises au ministre dans le cadre du projet pilote, conjuguées aux données que les transporteurs lui communiquent déjà, pourraient servir à réaliser une étude détaillée sur l’effet de l’interconnexion réglementée sur les tarifs de transport. L’étude pourrait comparer, par exemple, les tarifs d’un transporteur local pour des expéditions comparables sur son propre réseau au départ des installations d’un expéditeur dans une province des Prairie ayant accès à l’interconnexion réglementée grâce à la nouvelle prolongation de la limite d’interconnexion de 160 km prévue dans le projet de loi C-47, aux tarifs applicables à des expéditions comparables, y compris la distance parcourue sur rail, dans d’autres provinces[1].
Les obligations de communication de données proposées ne permettront pas d’obtenir de l’information réellement utile sur l’effet de l’interconnexion réglementée sur le service. Il faudrait plutôt, par exemple, comparer la fréquence à laquelle les transporteurs ferroviaires « confirment » les commandes de wagons ou de trains aux installations situées dans le périmètre des limites de l’interconnexion, à celle des commandes de services semblables à des installations situées à l’extérieur de ce périmètre durant les périodes où ces services sont rationnés. Seuls le CN et le CP ont accès à des données complètes de cette nature. Ils devraient être obligés de les communiquer.
Communication de l’information
Les modifications donnent au gouvernement le pouvoir d’adopter des règlements obligeant les utilisateurs du réseau national des transports, comme les expéditeurs, à fournir des renseignements « en vue d’assurer le bon fonctionnement du réseau national des transports ou d’en accroître l’efficience[2] ». Les modifications permettraient au ministre, sans l’y obliger, de transmettre l’information aux transporteurs ferroviaires et aux autres utilisateurs du réseau national des transports.
Elles confèrent également au ministre le nouveau pouvoir d’ordonner à certaines personnes qu’elles lui communiquent certains renseignements, s’il estime qu’il existe « une perturbation importante et inhabituelle de la bonne exploitation continuelle du réseau national des transports ».
Nous pensons que le règlement apportera les précisions nécessaires, notamment quels utilisateurs seront tenus de fournir les renseignements, la portée de l’information à fournir, les seuils de volume déclenchant l’obligation de communiquer, le cas échéant, les parties pouvant recevoir l’information, les utilisations de l’information qui sont permises aux destinataires. Le règlement est une occasion pour le gouvernement de remanier la nature et la portée des données sur le transport ferroviaire auxquelles ont accès les expéditeurs par voie ferroviaire.
[Traduction] Nous encourageons vivement le gouvernement à utiliser le règlement pour rectifier le manque de transparence auquel se heurtent les expéditeurs de marchandises par voie ferroviaire au Canada. Les transporteurs ferroviaires aux États-Unis, y compris le CN et le CP, en ce qui concerne leurs activités aux États-Unis, sont tenus de publier quantité d’informations financières et sur leur exploitation dont la confidentialité, au Canada, demeure protégée par la loi, plaçant ainsi les transporteurs au Canada en situation de désavantage concurrentiel par rapport à leurs concurrents américains.
Comme nous le précisions dans un bulletin précédent, nous encourageons aussi Transports Canada à se donner pour priorité d’évaluer et de rendre publique la capacité de l’infrastructure ferroviaire actuelle; l’absence de cette information réduit considérablement l’utilité des données supplémentaires que doivent fournir les expéditeurs, sans parler du fardeau inutile et disproportionné que représente pour eux cette communication.
[1] L’étude en question devra établir une nette distinction entre le transport ferroviaire assujetti à des tarifs contractuels négociés avant l’entrée en vigueur de la limite d’interconnexion prolongée, et le transport ferroviaire assujetti à des tarifs négociés durant le programme pilote, ou en vue de son entrée en vigueur.
[2] Voir l’Avis de motion de voies et moyens en vue du dépôt d’une loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, article 439.
par Conner Wylie, Ryan Gallagher, Lucia Stuhldreier et François Tougas
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023
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