


Imbroglio autour des gains en capital : le casse-tête en matière de déclaration pour les fonds d’investissement
Imbroglio autour des gains en capital : le casse-tête en matière de déclaration pour les fonds d’investissement
Dans le budget fédéral de 2024, le gouvernement a annoncé son intention d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital pour les gains en capital réalisés à partir du 25 juin 2024 (les « Modifications relatives aux gains en capital »). Les modifications de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi de l’impôt ») proposées ont été incluses dans un avis de motion de voies et moyens présenté au Parlement le 23 septembre 2024 (l’« AMVM de septembre »). Toutefois, le Parlement a récemment été prorogé, ce qui jette un doute sur l’avenir des Modifications relatives aux gains en capital.
Bien que les Modifications relatives aux gains en capital n’aient pas été promulguées, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a déclaré qu’elle appliquera la Loi de l’impôt en partant du principe que les Modifications relatives aux gains en capital finiront par être promulguées avec effet rétroactif. L’ARC justifie sa position par le fait que les Modifications relatives aux gains en capital ont été incluses dans l’AMVM de septembre, et que le gouvernement n’a pas indiqué son intention d’abandonner les modifications proposées.
Les fonds d’investissement constitués en fiducie sont généralement tenus de produire des déclarations T3 et des feuillets T3 dans les 90 jours suivant la fin d’une année d’imposition. Les déclarations T3 indiquent, entre autres, le montant du revenu de la fiducie payable aux porteurs de parts au cours de l’année et la partie de ce revenu qui constitue des gains en capital imposables désignés aux porteurs de parts. Il est peu probable que le gouvernement, l’ARC ou le ministère des Finances fournisse de nouvelles directives de fond sur l’application éventuelle des Modifications relatives aux gains en capital avant que les fiducies n’aient à produire leurs déclarations T3 pour l’année d’imposition 2024.
Le présent bulletin présente de manière succincte : i) certains des aspects dont les fonds d’investissement devraient tenir compte au moment de déterminer s’ils doivent remplir leur déclaration T3 en fonction des Modifications relatives aux gains en capital ou en se fondant sur la Loi de l’impôt dans sa forme actuelle, et ii) les raisons sous-jacentes de la position de l’ARC qui entend appliquer la Loi de l’impôt comme si les Modifications relatives aux gains en capital étaient déjà en vigueur.
Déclaration T3 des fonds d’investissement pour 2024
En effet, toute approche visant à déclarer les gains en capital imposables d’une fiducie dans la déclaration T3 de 2024 pourrait se heurter à des difficultés a posteriori. Si une fiducie suppose que les gains en capital imposables doivent être calculés en fonction des Modifications relatives aux gains en capital et que celles-ci ne sont finalement pas promulguées, le revenu imposable déclaré par la fiducie, ou déclaré payable aux porteurs de parts, peut être supérieur au revenu réellement réalisé par la fiducie. À l’inverse, si une fiducie calcule ses gains en capital imposables en fonction des dispositions actuelles de la Loi de l’impôt et que les Modifications relatives aux gains en capital sont finalement promulguées, il se pourrait alors que la fiducie ait sous-déclaré son revenu, ce qui l’exposerait à des pénalités et à des intérêts.
Au moment de choisir la façon de calculer et de déclarer ses gains en capital imposables pour 2024, tout fonds d’investissement doit tenir compte de plusieurs facteurs, dont les suivants :
Quelles sont les exigences énoncées dans la Déclaration de fiducie du fonds d’investissement?
Il convient de porter une attention particulière aux dispositions de la Déclaration de fiducie du fonds d’investissement régissant le calcul du revenu, la déclaration du revenu payable aux porteurs de parts et la désignation des gains en capital imposables à l’égard des porteurs de parts. Le pouvoir discrétionnaire du fiduciaire en ce qui concerne le choix d’une méthode de déclaration particulière et la possibilité de prendre ultérieurement des mesures correctives lorsque la situation des Modifications relatives aux gains en capital aura été définitivement clarifiée peuvent être limités aux termes de la Déclaration de fiducie du fonds.
Comment la déclaration des gains en capital imposables du fonds d’investissement sera-t-elle touchée par les règles transitoires spéciales énoncées dans l’AMVM de septembre?
Les Modifications relatives aux gains en capital comprennent des règles transitoires spéciales qui modifient les modalités de déclaration et de calcul des gains en capital imposables déclarés payables par une fiducie et désignés à l’égard d’un porteur de parts pour l’année 2024. Les règles transitoires visent à tenir compte du fait qu’il est proposé d’appliquer différents taux d’inclusion à l’égard des gains en capital réalisés en 2024, selon qu’ils découlent de dispositions ayant eu lieu avant le 25 juin 2024 ou après cette date.
Il convient de porter une attention particulière aux paragraphes 104 (21.4) à (21.8) de la Loi de l’impôt, et de préparer des calculs d’impôt pro forma pour déterminer si l’application des règles transitoires donnera au porteur de parts du fonds d’investissement le pouvoir discrétionnaire de déterminer le taux d’inclusion qui s’applique aux gains en capital imposables que le fonds d’investissement déclare payables au porteur de parts en 2024.
De plus, étant donné que l’ARC a indiqué son intention de préparer tous les formulaires fiscaux de 2024 en tenant compte des Modifications relatives aux gains en capital, il serait peut-être plus facile pour les porteurs de parts de s’acquitter de leurs obligations de déclaration de revenus si le fonds d’investissement suit l’exemple de l’ARC et produit sa déclaration en fonction des Modifications relatives aux gains en capital.
Quels sont les prix de base rajustés des parts du fonds d’investissement détenues par les porteurs de parts?
En règle générale, un porteur de parts devra réduire le prix de base rajusté de ses parts d’un fonds d’investissement dans la mesure où les distributions que le fonds d’investissement lui verse dépassent le revenu imposable qui lui est payable et certains autres montants. Au cas où un fonds d’investissement verse un montant excessif à un porteur de parts au cours d’une année (p. ex., verse des distributions en fonction des Modifications relatives aux gains en capital et ces modifications ne sont finalement pas adoptées) et qu’il était établi par la suite que le montant de ces distributions était plus élevé que ce qui devait être, le prix de base rajusté des parts du porteur de parts pourrait être réduit. Dans la mesure où une réduction requise fait en sorte que le prix de base rajusté des parts d’un porteur de parts devienne un montant négatif, un gain en capital imposable pourrait être déclenché par inadvertance.
Les Modifications relatives aux gains en capital et la position administrative de l’ARC en matière d’établissement de la cotisation
La position adoptée par l’ARC est que, partant du constat que le gouvernement a inclus les Modifications relatives aux gains en capital dans l’AMVM de septembre et qu’il ne s’est pas publiquement rétracté à cet égard, elle a l’obligation d’appliquer la Loi de l’impôt comme si les Modifications relatives aux gains en capital avaient été promulguées. La position de l’ARC repose sur son interprétation de la pratique législative et de la coutume historique.
Avant de déposer un projet de loi qui crée un nouvel impôt, qui relève le taux d’un impôt existant, qui reconduit un impôt en voie d’expiration ou qui élargit l’assiette d’un impôt, le gouvernement doit d’abord présenter un avis de motion des voies et moyens (un « AMVM ») à la Chambre des communes[1]. Un AMVM ne peut être débattu ni amendé, car la Chambre des communes l’adopte par vote[2]. Un vote d’adoption sur un AMVM constitue un ordre en vue du dépôt d’un projet de loi, qui doit se fonder sur l’AMVM, sans nécessairement le reprendre à l’identique[3]. S’il s’avère qu’un projet de loi dépasse la limite fixée dans l’AMVM, il faudrait un nouvel AMVM pour l’autoriser[4].
Un AMVM ne peut être présenté que par un ministre, comme le consacre la Loi constitutionnelle de 1867, qui prévoit que les projets de loi imposant une taxe ou un impôt doivent émaner de la Chambre des communes[5]. Les modifications à la Loi de l’impôt sont souvent proposées conjointement avec le budget fédéral annuel, le ministre des Finances présentant un AMVM qui énonce les changements fiscaux nécessaires pour mettre en œuvre le plan fiscal du gouvernement[6].
Bien qu’il existe une pratique de longue date selon laquelle le dépôt d’un AMVM confère à l’ARC le pouvoir provisoire d’administrer et d’appliquer les mesures fiscales proposées[7], l’origine de cette pratique n’est pas claire. Il est important de noter que la mise en œuvre provisoire des impôts ne repose sur aucune législation. Le paiement et la perception de ces impôts sont volontaires et ne peuvent pas être imposés d’un point de vue légal[8],[9]. Il s’agit tout simplement d’une convention qui trouve son fondement dans le désir d’assurer l’efficacité des nouvelles mesures fiscales, d’aider le ministre des Finances à établir les prévisions de recettes et à empêcher certains contribuables de bénéficier d’avantages fortuits[10].
Des efforts ont été déployés par le passé pour remédier à la base juridique douteuse de la mise en œuvre provisoire des mesures fiscales. En 1985, le ministre des Finances de l’époque, Michael Wilson, a présenté un document dans lequel il proposait un nouveau projet de loi qui donnerait au gouvernement le pouvoir d’appliquer provisoirement des mesures fiscales. Le document contenait un projet de loi obligeant les contribuables à calculer et payer leurs impôts en fonction des mesures fiscales proposées. Toutefois, lors de l’examen du document plus tard dans l’année, le Comité permanent de la procédure et de l’organisation du Parlement s’est opposé par principe à la perception d’impôts sans l’autorisation préalable du Parlement, ce qui a entraîné le rejet du projet de loi[11].
Étant donné que les Modifications relatives aux gains en capital ont été incluses dans l’AMVM de septembre, mais qu’elles n’ont pas été promulguées, les contribuables ont le choix de produire leurs déclarations et de payer leurs impôts selon l’AMVM de septembre ou selon la loi existante dans sa forme actuelle. Les contribuables trouveront peut-être un certain réconfort dans les lignes directrices de l’ARC en matière de vérification, qui précisent que les contribuables ne peuvent être tenus de produire une déclaration en vertu d’une proposition de loi. Toutefois, ce réconfort ne durera qu’un temps si les Modifications relatives aux gains en capital venaient à être adoptées rétroactivement, car les contribuables seraient alors tenus de modifier leurs déclarations en fonction de la législation adoptée et pourraient se voir imposer des intérêts et des pénalités[12].
* * *
Les fonds d’investissement se trouvent dans une position extrêmement délicate. Ils doivent choisir et adopter une pratique de déclaration fondée soit i) sur une position administrative de l’ARC qui n’est pas conforme à la loi dans sa forme actuelle, soit ii) sur la loi, dans sa forme actuelle, qui n’épouse pas l’approche administrative adoptée par l’ARC.
Il est à espérer que l’ARC accordera aux contribuables un certain allègement discrétionnaire à l’égard des intérêts et des pénalités si des mesures correctives doivent être prises une fois que la question des Modifications relatives aux gains en capital a été résolue. Malheureusement, l’ARC n’a donné aucune assurance à cet égard jusqu’à présent.
[1] Michael Lukyniuk, Tax Bills and the Ways and Means Process, p. 26 (en anglais).
[2] Article 83(3) du Règlement de la Chambre des communes.
[3] Article 83(4) du Règlement de la Chambre des communes.
[4] La procédure et les usages de la Chambre des communes, édition 2000, chapitre 18 « Les travaux des voies et moyens ».
[5] R.C. (1985), Annexe II, no 5, art. 53.
[6] Michael Lukyniuk, Tax Bills and the Ways and Means Process, p. 26 (en anglais).
[7] Bibliothèque du Parlement — Études de la Colline : Le cycle financier parlementaire (Publication no 2015-41-E), p. 8.
[8] Vérificateur général du Canada, Rapport du vérificateur général à la Chambre des communes pour l’exercice financier clos le 31 mars 1991, 2.69.
[9] Agence du revenu du Canada, Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu, chapitre 12, 12.3.4.
[10] Bibliothèque du Parlement — Études de la Colline : Le Cycle financier parlementaire (Publication no 2015-41-E), p. 8.
[11] Vérificateur général du Canada, Rapport du vérificateur général à la Chambre des communes pour l’exercice financier clos le 31 mars 1991, 2.75 à 2.76.
[12] Agence du revenu du Canada, Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu, chapitre 12, 12.3.5.
par Michael Friedman et Adam Slinn
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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