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La Commission du droit d’auteur modernise les procédures d’homologation des tarifs pour les utilisateurs

24 mai 2023 Bulletin sur la réglementation Lecture de 7 min

La Commission du droit d’auteur du Canada (la « Commission ») a annoncé en mai 2023 que la première phase de son Initiative de modernisation était maintenant terminée[1]. Au cours de cette phase, la Commission a mis en œuvre les nouvelles Règles de pratique et procédures (les « Règles ») visant la création de procédures d’homologation des tarifs efficaces et expéditives pour les sociétés de gestion collective[2] et les utilisateurs. Les Règles sont entrées en vigueur le 1er mars 2023[3]. Elles concrétisent les engagements de la Commission à accélérer les procédures d’homologation des tarifs, à faire preuve d’une plus grande transparence à l’égard de ses engagements et à faciliter l’accès à la justice aux utilisateurs, trois éléments clés de l’Initiative de modernisation de la Commission.

Les nouvelles Règles sont accueillies avec soulagement, car elles permettront de réduire les délais d’attente d’une décision de la Commission. Le gain en efficience promis par les nouvelles Règles devrait également profiter aux procédures plus complexes qui nécessitent la communication préalable des questions à examiner dans le cadre d’un processus d’interrogatoire long et compliqué[4]. Les nouvelles Règles facilitent plusieurs aspects du processus d’interrogatoire préalable en exigeant par exemple que l’affaire soit confiée à un gestionnaire de l’instance, en définissant les paramètres des interrogatoires et en exigeant un bref exposé des questions en litige[5]. Toutes ces améliorations permettent d’espérer que la Commission réussira à rattraper son retard et à accélérer ses délais d’homologation de telle manière qu’elle puisse rendre ses décisions avant la période d’entrée en vigueur des tarifs ou à tout le moins, avant qu’elle ne prenne fin[6].

Mandat de la Commission à l’égard des procédures d’homologation 

La Commission est un tribunal administratif et un régulateur économique indépendant sur le marché du droit d’auteur canadien. Son mandat consiste à trouver un juste équilibre entre le droit des titulaires de droits d’auteur à une rémunération équitable et celui des utilisateurs à avoir accès au contenu.

Pour s’acquitter de son mandat, la Commission :

  1. approuve les tarifs applicables au contenu dont les droits sont gérés par des sociétés de gestion collective;
  2. tranche par arbitrage les différends portant sur les tarifs entre les sociétés de gestion collective et les utilisateurs;
  3. octroie des licences d’utilisation de contenu lorsque les titulaires de droit d’auteur sont introuvables[7].

Concrètement, les sociétés de gestion collective déposent leurs projets de tarif auprès de la Commission pour une période d’au moins trois ans; la Commission évalue ensuite ces projets et décide s’il y a lieu d’homologuer les tarifs proposés. La Commission réglemente les tarifs et établit les conditions d’utilisation des droits d’exécution et de reproduction des œuvres musicales.

De nombreuses parties intéressées participent aux procédures de la Commission, comme les grandes plateformes de services musicaux en ligne, les services audiovisuels en ligne, les réseaux de télévision ou de distribution de radiodiffusion, les plateformes de médias sociaux, les radios par satellite, les institutions d’enseignement et les salles de sport.

Des modifications réglementaires qui s’imposaient

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a annoncé dans son plan ministériel que la Commission allait poursuivre son Initiative de modernisation[8]. Celle-ci poursuit trois grands axes sur lesquels reposent les objectifs des nouvelles Règles de la Commission. Ils seront mis en œuvre en deux phases distinctes :

  1. réduire l’arriéré des projets de tarif obligeant les utilisateurs à verser un gros paiement rétroactif, en favorisant par exemple les audiences sur pièces plutôt que les audiences, sauf dans certaines circonstances particulières;
  2. dialoguer avec les parties prenantes afin de trouver des solutions pour assurer une meilleure exécution du mandat de la Commission, par exemple par le lancement d’une consultation publique sur un régime d’arbitrage qui offrirait une option mieux ciblée aux sociétés de gestion collective et aux groupes d’utilisateurs qui souhaitent bénéficier de l’expertise de la Commission pour faciliter leurs négociations et résoudre des questions complexes en matière de droit d’auteur;
  3. achever la mise en œuvre du cadre réglementaire de la Commission et des outils connexes, y compris un guide de l’utilisateur et un nouveau portail de dépôt ainsi que des formulaires en ligne[9].

Adoption des exigences réglementaires visant à accroître l’accessibilité et à améliorer l’efficience des procédures pour les utilisateurs

Les Règles exigent que les sociétés de gestion collective et les utilisateurs de droits d’auteur respectent certaines pratiques et procédures d’homologation des tarifs concernant les aspects suivants :

a. Dépôt des projets de tarif et des oppositions

La Commission souhaite simplifier et améliorer la communication d’information dès les premières étapes entre elle-même et les futures parties, le cas échéant, pour mieux comprendre la portée et la complexité éventuelles de l’instance.

Les sociétés en gestion collective sont tenues de présenter un avis de motifs détaillé sept jours après le dépôt d’un projet de tarif, dans lequel elles décrivent les utilisations visées par le projet de tarif et expliquent les motifs justifiant le tarif proposé[10]. L’avis fournit aux utilisateurs éventuels du tarif l’information nécessaire à la préparation de leur intervention ou opposition avant la période de présentation des oppositions.

À leur tour, les utilisateurs du projet de tarif ou leur représentant déposent une opposition au projet de tarif 30 jours suivant la publication du projet de tarif par la Commission[11]. Ensuite, les utilisateurs déposent l’avis des motifs d’opposition exposant les motifs pour lesquels la Commission ne devrait pas approuver le projet de tarif et ceux pour lesquels l’opposition au projet de tarif devrait être retenue[12].

La société de gestion collective qui entend déposer une réponse à l’opposition le fait dans les 14 jours suivant celui où elle reçoit l’avis des motifs d’opposition[13].

b. Normalisation de la tenue des audiences sur pièces et des audiences

i. Dépôt d’un énoncé des questions à examiner et intégration des pratiques de gestion des cas

Les procédures relatives aux droits d’auteur mettent en cause bon nombre de parties intéressées qui offrent une gamme diversifiée de services dont les utilisations peuvent varier au fil du temps. Cela signifie que les intérêts de ces parties peuvent converger, s’opposer ou simplement ne pas être compatibles au cours d’une année et d’une même instance portant sur une période tarifaire.

Les Règles encouragent les parties (autres que les intervenants) à déposer un nouvel énoncé conjoint des questions à examiner qui seront soumises à la Commission, si les parties parviennent à s’entendre[14]. L’énoncé conjoint doit être déposé dans les 90 jours suivant le début des procédures ou dans le délai prescrit par la Commission ou le gestionnaire de l’instance[15].

Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les questions à examiner, elles déposent leur propre énoncé des questions à examiner dans les délais mentionnés ci-dessus[16].

De plus, les Règles confèrent au président de la Commission le pouvoir de nommer un gestionnaire de l’instance lorsqu’une audience doit avoir lieu. Le gestionnaire de l’instance est autorisé à rendre des ordonnances, à convoquer une conférence de gestion de l’instance (p. ex., sur les questions relatives aux paramètres du témoignage d’un expert) et à résoudre les questions de procédure[17].

ii. Simplification de la communication préalable et de la procédure d’interrogatoire

Les interrogatoires donnent parfois lieu à des échanges longs et complexes entre les parties et la Commission, ce qui peut représenter une charge excessive pour certaines parties qui se retrouvent obligées de produire quantité d’informations en un court laps de temps. Certains utilisateurs peuvent reculer devant ces contraintes et hésiter à participer aux procédures de la Commission. Pour éviter cet écueil, les Règles habilitent la Commission à exiger un énoncé conjoint des questions à examiner et elle peut nommer un gestionnaire de l’instance qui sera chargé de définir les paramètres des interrogatoires, y compris le nombre, le type, la portée  et la forme de ceux-ci, ainsi que les délais de dépôt[18].

c. Désignation des éléments de preuve confidentiels

Les parties déposent souvent des renseignements confidentiels comme des données concernant les ventes, l’utilisation et les concessions de licences dans le cadre des procédures d’homologation des tarifs auprès de la Commission; il s’agit de renseignements commerciaux hautement confidentiels. La Commission autorise les parties à déposer une demande d’ordonnance de confidentialité. Une fois l’ordonnance rendue, les parties peuvent désigner des renseignements qu’elles ont déposés auprès de la Commission dans le cadre de l’instance comme étant confidentiels ou hautement confidentiels[19].

Cependant, la Commission doit mettre en balance le besoin de protéger les renseignements confidentiels des parties avec la nécessité de verser l’information dans le dossier public. Par conséquent, les Règles précisent que par défaut, les documents déposés auprès de la Commission à l’égard de toute instance sont versés au dossier public, à moins qu’ils soient désignés comme confidentiels ou hautement confidentiels[20].

d. Intervention

En plus des sociétés de gestion collective et des opposants, la Commission peut aussi examiner les demandes d’intervention de parties intéressées[21]. Un intervenant n’est pas tenu de participer au long processus d’interrogatoire et de collecte de renseignements, mais la Commission accorde généralement d’autres droits de participation limités à un intervenant dans le cadre d’une instance.

La Commission évalue les demandes d’intervention en se fondant sur les considérations suivantes : l’intervenant a-t-il un intérêt suffisant à l’égard de l’instance, et présentera-t-il des renseignements ou des observations utiles et différentes[22]? La Commission examinera la question de savoir si l’intervention causera un préjudice à une partie à l’instance ou si elle portera atteinte au déroulement rapide et équitable de l’instance[23].

[1] Commission du droit d’auteur, La modernisation de la Commission du droit d’auteur: État des lieux (mai 2023)
[2] Une société de gestion collective administre les droits de certains titulaires de droits d’auteur. Par exemple, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est une société de gestion collective chargée de l’administration des droits d’exécution d’œuvres musicales au nom de compositeurs, d’auteurs et d’éditeurs canadiens, et de membres du groupe représentant des compositeurs, des auteurs et des éditeurs à l’étranger.
[3] Règles de pratique et de procédure de la Commission du droit d’auteur, DORS/2023-24 [les « Règles »].
[4] Commission du droit d’auteur du Canada, « Règles de pratique et de procédure– Partie 4 : Déroulement de l’instance » (dernier accès : 9 mai 2023).
[5] Commission du droit d’auteur du Canada, « Règles de pratique et de procédure– Partie 4 : Déroulement de l’instance » (dernier accès : 9 mai 2023).
[6] Par exemple, les trois tarifs ci-après visés par des oppositions ont été homologués en partie, prospectivement, par la Commission en 2022 : Tarif 3.A de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et établissements du même genre – Exécution en personne (2018-2024); Tarif 3.B de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et autres établissements de même genre – Musique enregistrée accompagnant un spectacle (2018-2025); et https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/certified-homologues/fr/item/520985/index.do.
[7] Commission du droit d’auteur du Canada, « Mandat, juridiction et rôle » (dernier accès : 31 mars 2023).
[8] Commission du droit d’auteur du Canada, « Plan ministériel 2023-2024 » (dernier accès : 31 mars 2023).
[9] Commission du droit d’auteur du Canada, « Plan ministériel 2023-2024 » (dernier accès : 31 mars 2023).
[10] Règles, articles 15 et 16. L’Avis de pratique sur le dépôt des motifs du projet de tarif de la Commission a été modifié le 1ermars 2023.
[11] Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, paragraphe 68.3(2).
[12] Règles, articles 18 et 19. L’Avis de pratique sur le dépôt des motifs d’opposition a également été modifié le 1ermars 2023.
[13] Règles, article 21.
[14] Règles, paragraphe 24(1).
[15] Règles, paragraphe 24(2).
[16] Règles, article 26.
[17] Règles, articles 28 à 31.
[18] Règles, article 34.
[19] Règles, paragraphes 46(1) et (4).
[20] Règles, paragraphe 46(6).
[21] Règles, paragraphe 52(1).
[22] Règles, alinéas 52(5)a) et b).
[23] Règles, alinéas 52(5)c) et d).

par Jonathan O’Hara, Lisa Page et Adelaide Egan (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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