La Politique d’inadmissibilité et de suspension du Canada révisée resserre les exigences d’admissibilité et assouplit le régime d’application en matière d’approvisionnement fédéral
La Politique d’inadmissibilité et de suspension du Canada révisée resserre les exigences d’admissibilité et assouplit le régime d’application en matière d’approvisionnement fédéral
Afin de renforcer l’intégrité de ses processus d’approvisionnement, le gouvernement du Canada a mis en œuvre une nouvelle version de la Politique d’inadmissibilité et de suspension (« politique »). La nouvelle version assouplit les périodes d’inadmissibilité, tout en élargissant les obligations de divulgation et les motifs de radiation des fournisseurs. De plus, le gouvernement a mis sur pied le Bureau de l’intégrité et de la conformité des fournisseurs pour assurer une surveillance éthique de l’approvisionnement fédéral et administrer la politique.
Les entreprises nationales et internationales qui participent à des processus d’approvisionnement avec le gouvernement du Canada devront évaluer les répercussions de la politique mise à jour et apporter les ajustements nécessaires à leurs procédures internes pour assurer la conformité et maintenir leur admissibilité aux processus d’approvisionnement fédéral.
La nouvelle version de la politique ne s’applique qu’aux contrats conclus à compter du 31 mai 2024.
1. Contexte
Depuis 2016, Services publics et Approvisionnement Canada (« SPAC ») maintient, dans le cadre de son Régime d’intégrité pour les marchés publics, une Politique d’inadmissibilité et de suspension énonçant les conditions dans lesquelles un fournisseur peut être exclu ou suspendu de la soumission ou de la détention des marchés publics fédéraux. Les fournisseurs sont tenus d’attester qu’eux-mêmes ou leurs sociétés affiliées n’ont pas été reconnus coupables d’une vaste gamme d’infractions, ou plaidé coupables relativement à celles-ci, tant au pays qu’à l’étranger. Les fournisseurs doivent également fournir un avis écrit sur toute accusation, condamnation ou autre circonstance pertinente relative à la politique concernant le fournisseur lui-même, ses sociétés affiliées et ses principaux sous-traitants. Les conséquences du non-respect des obligations d’information peuvent être graves, car les entreprises qui sont déclarées coupables ou qui fournissent une attestation fausse ou trompeuse peuvent être radiées. Comme le prévoyait la politique précédente, la radiation a pour conséquence que le fournisseur sera inscrit sur la liste publique à titre de fournisseur inadmissible et ne pourra généralement pas soumissionner ou détenir des marchés publics fédéraux pendant une période maximale de 10 ans.
2. Motifs élargis d’inadmissibilité et de suspension
La politique la plus récente élargit les motifs de suspension ou de radiation d’un fournisseur. Un fournisseur peut maintenant être suspendu ou radié non seulement pour des infractions au Code criminel, à la Loi sur la concurrence, à la Loi de l’impôt sur le revenu, à la Loi sur la taxe d’accise, à la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers, à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et à la Loi sur le lobbying, mais aussi pour :
- avoir enfreint le Code de conduite pour l’approvisionnement;
- avoir reçu une évaluation du rendement insatisfaisante conformément à la Politique de gestion du rendement des fournisseurs de SPAC que le registraire d’inadmissibilité et de suspension (le « registraire ») juge « grave, répétitive ou autrement inacceptable »;
- avoir fait des contributions électorales interdites ou excessives, comme le prévoit la Loi électorale du Canada;
- avoir enfreint des réglementations sur la sécurité au travail ou sur les salaires et les heures de travail prévues dans le Code canadien du travail;
- faire face à des accusations, des déclarations de culpabilité, des décisions ou des déclarations de fait convenues relativement à des actes ou à des omissions au Canada ou dans un autre territoire, que le registraire juge semblables à des infractions fédérales civiles ou criminelles particulières;
- être déclaré coupable de fraude en vertu du Code criminel (cette disposition élargit la portée de la politique de manière à englober les déclarations de culpabilité pour fraude en général, alors que la politique précédente ne couvrait que les fraudes contre la Couronne);
- avoir été déclaré coupable d’infractions environnementales entraînant l’inscription au Registre des contrevenants environnementaux;
- être suspendu, radié, condamné ou plaider coupable à certaines infractions civiles ou pénales à titre de propriétaire, de fiduciaire, de directeur, de gestionnaire ou de cadre supérieur;
- avoir conclu un contrat avec un premier sous-traitant inadmissible;
- être radié par un gouvernement ou une organisation provinciale, internationale ou étrangère;
- la décision du registraire selon laquelle le fournisseur manque d’intégrité ou d’honnêteté commerciales d’une manière qui a des répercussions graves et directes sur sa responsabilité actuelle ou que la passation de marchés avec lui peut jeter le discrédit sur le système d’approvisionnement.
Il est à noter que les fournisseurs peuvent courir le risque d’être suspendus ou radiés par suite des actes de leurs sociétés affiliées (au sens large, qui comprend les prédécesseurs et les personnes exerçant une « influence notable » sur le fournisseur) lorsque la société affiliée a commis une infraction, au Canada ou à l’étranger, et que le registraire détermine que le fournisseur a ordonné, autorisé ou autrement permis les actes ou omissions sous-jacents liés à l’infraction. Alors que la politique précédente permettait la suspension ou la radiation lorsqu’une société affiliée était condamnée pour conduite criminelle ou corruptrice dans n’importe quel territoire, la politique révisée élargit la discrétion du registraire à ordonner la suspension ou la radiation en fonction de la conduite d’une société affiliée, même en l’absence de condamnation à l’étranger, lorsque le registraire détermine que la conduite de la société affiliée dans un territoire étranger conduirait probablement à une condamnation au Canada si elle s’était produite dans ce pays.
De plus, si le premier sous-traitant d’un fournisseur devient inadmissible, le fournisseur est tenu de résilier le contrat de sous-traitance dans un délai d’un jour ouvrable à compter du moment où il a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’inadmissibilité du sous-traitant. Si le fournisseur ne résilie pas le contrat de sous-traitance, il pourrait également faire l’objet d’une radiation. Le gouvernement peut également exiger d’un fournisseur qu’il vérifie le statut de tous les premiers sous-traitants proposés, auquel cas le fournisseur doit fournir les résultats de la vérification dans les cinq jours ouvrables suivant la demande.
3. Mise à jour du régime d’application : Rôle du registraire et périodes d’inadmissibilité flexibles
Les entreprises qui se sont livrées à des conduites constituant des motifs de suspension ou de radiation peuvent ne pas être admissibles à conclure un contrat avec le gouvernement fédéral.
Selon la version précédente de la politique, SPAC a déterminé les situations d’inadmissibilité et la période d’inadmissibilité par défaut, étant de 10 ans, une véritable mise à l’écart pour les entreprises détenant d’importants contrats conclus avec le gouvernement fédéral, avec une possibilité de réduire la période à 5 ans. En vertu de la politique la plus récente, le registraire a maintenant le pouvoir discrétionnaire de déterminer l’inadmissibilité et de fixer les périodes d’inadmissibilité.
Pour déterminer la période d’inadmissibilité d’un fournisseur, le registraire évaluera la gravité de la conduite adoptée par rapport aux mesures prises par le fournisseur pour s’assurer qu’une conduite similaire ne se reproduise pas à l’avenir. La politique mise à jour comprend les facteurs suivants dont le registraire peut tenir compte :
- Facteurs relatifs à la gravité de la conduite : le rôle du fournisseur dans la conduite;
- le degré de planification impliqué dans la réalisation de l’infraction ainsi que la durée et la complexité de celle-ci;
- l’étendue de la participation de la haute direction;
- les gains réalisés par le fournisseur par suite de l’infraction;
- les coûts supportés par les autorités publiques pour l’enquête et la poursuite relatives à l’infraction;
- l’appartenance connue à des groupes du crime organisé et du blanchiment d’argent ou les associations avec ces groupes;si le fournisseur a enfreint la politique à maintes reprises ou a déjà reçu un avertissement relatif à une telle conduite.
- Facteurs relatifs aux mesures prises pour prévenir toute conduite interdite à l’avenir :
- la divulgation volontaire de sa participation à l’infraction;
- la question de savoir si le fournisseur a mené une enquête approfondie sur les circonstances ayant mené à la radiation et a collaboré avec les autorités chargées de l’enquête;
- les mesures prises pour remédier aux actes répréhensibles, y compris les sanctions pénales, civiles ou administratives, et le versement d’une indemnité pour les dommages causés;
- la prise de mesures disciplinaires appropriées contre les personnes impliquées dans la conduite;
- la question de savoir si le fournisseur avait mis en place des mesures de conformité et des systèmes de contrôle interne au moment des faits;
- l’adoption et la mise en œuvre d’un programme de conformité crédible et efficace qui démontre l’engagement du fournisseur à respecter la loi;
- la question de savoir si le fournisseur a mis en œuvre ou convenu de mettre en œuvre des mesures correctives, notamment par des changements de personnel et l’adoption de nouvelles procédures et de nouvelles formations, compte tenu de toute mesure qui pourrait être recommandée par le registraire ou l’organisme d’enquête;
- la question de savoir si la direction du fournisseur semble reconnaître et comprendre la gravité de la conduite et s’engage à prendre des mesures sérieuses pour s’assurer qu’elle ne se reproduise pas.
Bien que les motifs pour lesquels un fournisseur peut être radié soient considérablement élargis, l’approche adoptée dans la nouvelle politique confère également au registraire une grande souplesse et un grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer les périodes d’inadmissibilité. Alors qu’il y avait auparavant une période d’inadmissibilité obligatoire de 10 ans après la radiation, le registraire a désormais le pouvoir discrétionnaire de déterminer une période d’inadmissibilité appropriée, pouvant aller jusqu’à 10 ans.
Le registraire peut également conclure une convention administrative avec un fournisseur en vertu de laquelle l’inadmissibilité du fournisseur est suspendue pour une période de 12 mois, période durant laquelle le fournisseur met en place des mesures pour remédier aux circonstances ayant mené à l’inadmissibilité.
De plus, les pouvoirs discrétionnaires du registraire sont élargis dans son nouveau pouvoir de suspendre provisoirement l’admissibilité d’un fournisseur lorsque le registraire détermine que l’inconduite alléguée et les actes ou omissions du fournisseur présentent un risque immédiat et important pour le gouvernement du Canada.
La politique révisée crée également un nouveau Bureau de l’intégrité et de la conformité des fournisseurs, dont le mandat est d’identifier les fournisseurs préoccupants, de prendre les mesures appropriées pour atténuer le risque qu’ils posent et de promouvoir des pratiques commerciales éthiques. Le Bureau de l’intégrité et de la conformité des fournisseurs est l’organisme chargé d’administrer la politique mise à jour et de remplacer l’ancien régime d’intégrité.
4. Principaux enseignements
La politique mise à jour élargit considérablement l’éventail des conduites pouvant entraîner la suspension ou la radiation du fournisseur, l’empêchant ainsi de conclure des contrats avec le gouvernement fédéral, tout en accordant une certaine souplesse et un pouvoir discrétionnaire au nouveau registraire pour traiter les cas d’inconduite de fournisseurs. L’inclusion d’un plus grand nombre d’infractions nationales et internationales pouvant mener à la suspension ou à la radiation, ainsi que le risque accru qu’un fournisseur soit déclaré en violation de la politique en raison de la conduite d’une société affiliée, indiquent un renforcement important du processus d’approvisionnement fédéral et une surveillance accrue de celui-ci.
Les fournisseurs d’une agence ou d’un ministère du gouvernement du Canada, ainsi que leurs conseillers juridiques, doivent examiner attentivement la politique et mettre en œuvre des procédures appropriées pour assurer la conformité tout au long du processus d’approvisionnement, y compris au moment de l’appel d’offres, pendant le processus d’évaluation des offres et pendant toute la durée du contrat qui en découle. Les contrats conclus entre les fournisseurs du gouvernement et leurs premiers sous-traitants devraient faire en sorte que les renseignements nécessaires sur la conformité continue d’un sous-traitant à la politique (c.-à-d. l’admissibilité à conclure des contrats) soient fournis tout au long des processus d’approvisionnement et pendant l’exécution du contrat.
Les entreprises qui soupçonnent qu’elles-mêmes ou leurs fournisseurs ne respectent pas les nouvelles exigences devraient communiquer rapidement avec leurs conseillers juridiques pour les aider à comprendre les exigences.
par Guy Pinsonnault, Jamieson D. Virgin, Timothy Cullen, Gray Morfopoulos et Tayler Farrell
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024
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