Insights Header image
Insights Header image
Insights Header image

La réforme de la lutte contre le blanchiment d’argent et les sanctions au Canada deviennent sérieuses : ajout de joueurs, de règles et de renseignements à déclarer

4 décembre 2024 Bulletin sur le commerce international Lecture de 7 min

Environ 300 000 entreprises auront de nouvelles obligations en vertu de la législation canadienne en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Nous invitons nos clients à lire attentivement ce bulletin afin de savoir si leur entreprise est concernée.

Le ministère des Finances a amorcé des consultations sur les changements à venir dans le régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, qui s’appliquera désormais à de nombreuses entreprises canadiennes qui échappaient jusqu’à présent à toute obligation à ce titre. Les parties prenantes ont jusqu’au 30 décembre 2024 pour soumettre leurs commentaires sur les changements proposés.

En intégrant des sanctions économiques au régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les autorités canadiennes peuvent désormais sanctionner rapidement les entreprises qui contournent les sanctions et s’attaquer à celles dont les procédures de gestion des risques liés aux sanctions dans le cadre de l’importation ou de l’exportation de marchandises sont inadéquates. Cette inclusion permet aux autorités de tirer parti des sanctions administratives pécuniaires existantes dans le cadre de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme pour faire respecter plus efficacement les sanctions.

L’équipe de McMillan a déjà publié des articles sur certaines des nouvelles caractéristiques du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, y compris :

  • les nouvelles exigences de déclaration pour les importations et les exportations de marchandises au Canada en lien avec le blanchiment d’argent et le contournement de sanctions;
  • le pouvoir accordé à l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») de saisir des marchandises à la frontière en cas de contournement de sanctions;  la nouvelle infraction de contournement de sanctions prévue par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (« LRPCFAT »);

l’exigence de déclaration à la frontière et les sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») prévues par la LRPCFAT. Nous expliquons ci-dessous les nouveaux projets de règlement qui mettraient en œuvre certaines de ces initiatives.

1.    Renseignements supplémentaires sur la nouvelle exigence de déclaration pour les importateurs et les exportateurs

L’une des principales modifications apportées au régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent exige des importateurs et des exportateurs qu’ils déclarent que les marchandises qu’ils importent ou exportent ne sont pas liées au recyclage des produits de la criminalité, au financement des activités terroristes ou au contournement de sanctions.

Ces modifications attribuent les responsabilités suivantes à toute personne ou entité qui importe ou exporte des marchandises en vue de leur vente ou d’usages commerciaux ou industriels, ou à d’autres fins prévues par la LRPCFAT[1] (les « Négociateurs ») :

  • déclarer si leurs marchandises importées ou exportées sont le fruit du recyclage des produits de la criminalité, du financement des activités terroristes ou du contournement de sanctions ou y sont liées;
  • attester que les marchandises sont réellement importées ou exportées (pour éviter les expéditions fictives);
  • conserver des documents semblables à ceux qu’ils sont déjà tenus de conserver à des fins fiscales et de douane;
  • répondre véridiquement aux questions sur l’importation ou l’exportation de marchandises posées par un agent des services frontaliers de l’ASFC[2].

Le 30 novembre 2024, le ministère des Finances a déposé un nouveau règlement, le Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (« Règlement sur la déclaration des marchandises »), qui mettra en œuvre cette exigence de déclaration[3]. La nouvelle déclaration exigée concernant le recyclage des produits de la criminalité et le contournement des sanctions sera faite en même temps, et de la même manière, que les déclarations actuelles faites en application de la Loi sur les douanes[4]. En d’autres termes, la déclaration sera remplie au moyen d’une attestation supplémentaire ajoutée aux formulaires de douane existants.

Les exigences en matière de tenue de registres prévues par le Projet de règlement sur la déclaration des marchandises s’appliquent de manière générale. Cette exigence devrait toucher jusqu’à 272 000 entreprises. Outre les importateurs et les exportateurs, certains producteurs et certaines entreprises qui fournissent, distribuent ou consomment des marchandises auront des obligations en matière de tenue de registres s’ils :

  • effectuent des transactions de marchandises « en vue de leur vente ou d’usages industriels, professionnels, commerciaux ou collectifs, ou à d’autres fins analogues ou prévues par règlement » (c’est-à-dire non en vue de leur usage individuel ou personnel); et
  • disposent d’une certification de l’origine des marchandises exportées vers un partenaire de libre-échange dûment remplie et signée (autre que les certificats d’origine prévus dans le cadre de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste ou de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique).

Les documents que les importateurs et les exportateurs doivent conserver sont conformes aux exigences existantes en matière de tenue de registres prévues par la Loi sur les douanes. Il s’agit de documents commerciaux (factures, connaissements), de documents de douane (déclarations d’importation, permis), de documents financiers (relevés de paiement, relevés bancaires) et de documents de transport (documents d’expédition, reçus de livraison). Ces documents doivent être conservés pendant au moins six ans[5].

Le Règlement sur la déclaration des marchandises prévoit également des sanctions en cas de non-respect des nouvelles exigences. Les Négociateurs seront soumis à des sanctions pécuniaires pour les contraventions liées au défaut de produire une déclaration, aux réponses inappropriées, à la mauvaise tenue des registres et au non-respect de l’obligation de fournir des renseignements exacts[6]. Si les Négociateurs reçoivent un procès-verbal et ne paient pas la pénalité ou ne demandent pas une révision dans les délais et selon les modalités indiqués, ils seront réputés avoir commis la violation et seront sanctionnés[7].

Les Négociateurs peuvent minimiser les sanctions s’ils coopèrent avec l’ASFC dès la réception d’un procès-verbal. Si un Négociateur communique volontairement les détails d’une violation involontaire, la sanction pécuniaire sera comprise entre un et cinq cents dollars[8]. Dans les autres cas, la sanction correspond à la plus élevée de la juste valeur marchande des marchandises en cause; de la valeur déclarée de ces marchandises; de la valeur de l’opération financière qui est censée avoir payé pour ces marchandises[9].

Il est important de noter que la vérification diligente n’est pas une défense dans le cadre d’une procédure liée à une violation. Par conséquent, même si les importateurs exercent une vérification diligente détaillée sur la provenance des biens qu’ils importent, notamment au moyen d’un contrôle des sanctions et du recours à des déclarations d’utilisation finale, ils peuvent toujours être tenus responsables d’une violation s’il s’avère que les marchandises sont liées au contournement de sanctions.

Le Règlement sur la déclaration des marchandises et l’exigence de déclaration elle-même doivent entrer en vigueur à la même date, qui sera fixée par décret[10].

2.   Communication volontaire de renseignements et « codes de pratique » pour les entités déclarantes

La législation canadienne sur la protection de la vie privée limite la capacité des entités du secteur privé (y compris les institutions financières) de communiquer des renseignements. Cette limitation pourrait permettre aux contrevenants d’exploiter plusieurs institutions pour faciliter les activités illicites et échapper à la détection.

Pour y remédier, les modifications proposées permettent à une entité déclarante de communiquer des renseignements personnels, sans le consentement de la personne, à une autre entité déclarante dans les cas suivants :

  1. les renseignements ont été recueillis dans le cadre des activités de la personne ou de l’entité;
  2. la communication de ces renseignements est raisonnable en vue de détecter ou de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes ou le contournement des sanctions;
  3. la communication de ces renseignements effectuée au su ou avec le consentement de la personne risquerait de compromettre la capacité de détecter ou de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes ou le contournement des sanctions;
  4. la communication est faite conformément aux règlements[11].

L’objectif de la loi est d’améliorer l’échange de renseignements afin que les entités déclarantes puissent évaluer avec plus de précision les risques liés aux clients et/ou cerner les activités potentiellement suspectes. Ce régime d’échange de renseignements sera mis en œuvre par l’ajout d’une nouvelle partie 8 au Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes(le « Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité »). Ces modifications établiraient un cadre volontaire d’échange de renseignements pour les entités régies par la LRPCFAT, supervisé par le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (« CANAFE ») et le Commissariat à la protection de la vie privée (« CPVP »), afin de protéger la vie privée des clients.

Les entités déclarantes qui prennent part au régime de communication et d’échange de renseignements devront élaborer des codes de pratique détaillant la manière dont elles communiqueront et protégeront les renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques[12]. Les entités participantes devront fournir ces codes au CPVP pour approbation et au CANAFE pour commentaires avant de les utiliser. Le CPVP a 90 jours pour approuver ou refuser par écrit un code de pratique. Si le CPVP n’a pas avisé le demandeur de sa décision à l’expiration de ce délai, le code est réputé avoir été approuvé[13]. Les entités déclarantes devront renouveler l’approbation d’un code de pratique tous les cinq ans[14].

3.   Renforcer la transparence en matière de propriété effective des entreprises

En vertu du Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité, les entités déclarantes sont tenues d’obtenir et de vérifier la propriété effective des entreprises lorsqu’elles vérifient l’identité d’une société[15]. Les modifications prévoient que ces entités déclarantes sont également tenues de signaler les écarts significatifs (par exemple, l’absence de propriétaires effectifs) entre leurs registres et les déclarations d’une entreprise à la Base de données des sociétés de régime fédéral[16]. Cette exigence ne s’appliquera que dans les cas où l’entité déclarante aura déterminé que la transaction présente un risque élevé[17]. Le non-respect des obligations de déclaration proposées fera l’objet de sanctions administratives pécuniaires allant de 1 à 1 000 $ par violation[18]

Ces modifications devraient entrer en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2025.

L’équipe de McMillan est à la disposition de ses clients pour les aider à évaluer les implications possibles de ces nouvelles exigences.

[1] Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17, par. 39.02(6). Cette disposition n’est pas encore en vigueur.
[2] Projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne, 1ʳᵉ session, 44ᵉ législature, 2024, partie 2.1 (Déclaration des marchandises); William Pellerin et al, « Augmentation des sanctions applicables : saisies et confiscations aux frontières, sanctions administratives et nouvelle obligation de déclaration pour les infractions de contournement de sanctions» (13 juin 2024), Bulletin de McMillan.
[3] Règlement sur la déclaration des marchandises — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes, (2024) Gazette du Canada, Partie I, volume 158, numéro 48 [« Projet de règlement sur la déclaration des marchandises »].
[4] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 2.
[5] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 4(1) et 5(1).
[6] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 10.
[7] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 12(3).
[8] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 14(1).
[9] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 14(2).
[10] L’article 21 du Projet de règlement sur la déclaration des marchandises prévoit que « Le présent règlement entre en vigueur à la date d’entrée en vigueur de l’article 285 de la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 […] ». L’article 285 de la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, entre en vigueur « à la date fixée par décret » (voir le paragraphe 306(1)).
[11] Projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, 1ʳᵉ session, 44ᵉ législature, 2024, 11.01(1). Cet ajout n’est pas encore en vigueur : il entrera en vigueur à la date fixée par décret (par. 351(3) du projet de loi C-69).
[12] Projet de règlement sur la déclaration des marchandises, 159.
[13] Règlement modifiant le Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et le Règlement sur les pénalités administratives — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes, Gazette du Canada, Partie I, volume 158, numéro 48 (2024) [« Règlement de modification »], 17.
[14] Idem.
[15] Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité, DORS/2002-184, 138.
[16] Règlement de modification, 14.
[17] Règlement de modification, 13.
[18] Règlement de modification, 21.

Par A. Neil Campbell, William Pellerin, Tayler Farrell, Nicole Davidson (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

Perspectives (5 Posts)Voir Plus

Featured Insight

Nouvelles exigences de conformité pour les institutions financières du Québec : survol du Règlement sur la gestion et le signalement des incidents de sécurité de l’information de certaines institutions financières et des agents d’évaluation du crédit

Dans ce bulletin, nous passons en revue les nouvelles obligations prévues par la loi imposées aux institutions financières relativement aux incidents de sécurité de l’information.

Lire plus
21 Jan, 2025
Featured Insight

Rappel : le nouveau taux d’intérêt criminel réduit est entré en vigueur

À compter du 1ᵉʳ janvier 2025, le taux d’intérêt criminel est réduit à un plafond de 35 % sur une base du taux annuel en pourcentage (TAP).

Lire plus
21 Jan, 2025
Featured Insight

Actions collectives au Québec : une augmentation des recours privés en droit de l’environnement exerce une pression additionnelle sur le secteur du commerce de détail

Le présent bulletin traite du raisonnement de récents jugements environnementaux québécois et leurs conséquences sur les entreprises et les consommateurs.

Lire plus
21 Jan, 2025
Featured Insight

Le Projet de loi 68 et le certificat médical : nouvelles dispositions importantes pour les employeurs

Certaines dipositions du Projet de loi 68 affecte les employeurs et les circonstances leur permettant de demander un certificat médical à leur employés.

Lire plus
21 Jan, 2025
Featured Insight

Le bureau de la concurrence publie une version préliminaire de lignes directrices sur l’écoblanchiment : une approche pragmatique

Le bulletin présente les principaux éléments de la version préliminaire de lignes directrices sur l’écoblanchiment du Bureau de la concurrence qui concerne les modifications apportées à la Loi sur la concurrence en juin 2024.

Lire plus
16 Jan, 2025