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La structuration de sociétés de placement hypothécaire au Canada

23 novembre 2023 Bulletin sur les marchés des capitaux et valeurs mobilières Lecture de 8 min

Une société de placement hypothécaire (« SPH ») est une société de gestion de placements qui détient un portefeuille de prêts garantis par des immeubles canadiens et d’autres actifs semblables, et qui, la plupart du temps, tire la majorité de ses revenus des intérêts et des frais facturés aux emprunteurs hypothécaires. Pour les investisseurs, il s’agit d’une occasion unique d’accéder à un groupe d’actifs hypothécaires diversifié avec un seul titre. Les SPH ont leur propre régime fiscal dans la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR »), qui prévoit que la distribution aux actionnaires des revenus qu’elles génèrent se fait par des dividendes qui sont généralement imposés à titre de revenu d’intérêts pour les investisseurs imposables résidant au Canada (c’est-à-dire que le traitement fiscal privilégié habituellement applicable aux dividendes ne s’applique pas). Comme les SPH peuvent généralement déduire les sommes versées à titre de dividendes, elles ne paient en réalité pas beaucoup d’impôt sur leur revenu au Canada.

Proposition de valeur pour les investisseurs

De façon générale, les SPH fermées mobilisent des capitaux en émettant des actions en faveur d’investisseurs pour un montant par action fixe. Les fonds ainsi levés servent à investir dans un portefeuille de prêts hypothécaires dont les modalités sont plus flexibles comparativement à ce qu’offrent les banques à charte traditionnelles. Le revenu d’intérêts tiré de ces prêts et les bénéfices restant après la déduction des frais d’exploitation et de gestion de la SPH sont d’ordinaire distribués aux actionnaires sous forme de dividendes.

Le but est donc d’offrir aux investisseurs un flux de trésorerie stable à long terme généré par un large capital de base.

Les dividendes que reçoivent les actionnaires d’une SPH sont d’ordinaire considérés comme du revenu d’intérêts au sens de la LIR. Les gains en capital qu’un investisseur réalise sur des actions de SPH sont généralement soumis au traitement habituel prévu pour les gains en capital dans la LIR (dans la plupart des cas, imposés à la moitié du taux applicable au revenu ordinaire). La LIR permet aux SPH de distribuer efficacement une partie ou la totalité des gains en capital nets d’une année à leurs actionnaires sous forme de « dividendes sur les gains en capital » qui, dans les mains des actionnaires, sont habituellement imposés à titre de gains en capital réputés. Les SPH peuvent généralement déduire de leur revenu imposable les sommes versées aux actionnaires à titre de dividendes; elles n’ont donc généralement pas un fardeau fiscal important au Canada, car il est courant de distribuer la totalité ou la quasi-totalité des revenus d’une année.

La LIR considère que les actions de SPH sont des « placements admissibles » (sous réserve de certaines exceptions) pour les besoins de la plupart des régimes d’impôt différé, dont les régimes enregistrés d’épargne-invalidité, les régimes enregistrés d’épargne-retraite, les fonds enregistrés de revenu de retraite, les régimes enregistrés d’épargne-études, les régimes d’épargne différée, les comptes pour l’achat d’une première propriété et les comptes d’épargne libre d’impôt, ce qui les rend attrayantes pour les investisseurs individuels.

Statut de SPH et structure du capital 

Statut de SPH

La LIR prévoit des conditions détaillées pour qu’une société soit considérée comme une SPH. L’application de certaines d’entre elles est assouplie jusqu’à une courte période suivant la fin du premier exercice de la SPH, mais, de façon générale, pour obtenir et conserver le statut de SPH, une société doit remplir les conditions suivantes :

  • résider au Canada au sens de la LIR et être une société constituée sous le régime des lois du Canada ou d’une province (des règles particulières s’appliquent aux sociétés constituées avant le 18 juin 1971);
  • avoir comme seule activité le placement de ses fonds et ne pas gérer ni mettre en valeur des biens immeubles ou réels;
  • ne pas avoir parmi ses biens :
  1. des créances garanties par des biens immeubles ou réels situés à l’étranger,
  2. des créances sur des non-résidents, à l’exclusion de celles qui étaient garanties par des biens immeubles ou réels situés au Canada,
  3. des actions du capital-actions de sociétés ne résidant pas au Canada,
  4. des biens immeubles ou réels situés à l’étranger ou un droit de tenure à bail sur ces biens;
  • compter au moins 20 actionnaires et n’avoir aucun actionnaire (ce qui comprend certaines personnes apparentées aux actionnaires) propriétaire, directement ou indirectement, de plus de 25 % des actions émises d’une catégorie de son capital-actions (certaines règles de transparence s’appliquent pour les fiducies et les sociétés de personnes);
  • donner aux détenteurs d’actions privilégiées le droit, après le versement des dividendes privilégiés et le versement des dividendes correspondant au même montant par action aux actionnaires ordinaires, de participer à parts égales avec ces derniers à tout versement supplémentaire de dividendes;
  • investir au moins 50 % du coût indiqué de tous ses biens dans :
  1. des créances garanties par des « maisons » (au sens de la Loi nationale sur l’habitation) ou par des biens compris dans un « ensemble d’habitation » (au sens de la Loi nationale sur l’habitation dans sa version applicable au 16 juin 1999);
  2. des dépôts figurant à son crédit dans les livres de la plupart des banques ou caisses de crédit du Canada,
  3. de l’argent;
  • avoir un coût indiqué pour tous ses biens immeubles ou réels, y compris les droits de tenure à bail sur ces biens (à l’exception de certaines sommes acquises par forclusion ou après un manquement du débiteur), qui ne dépasse pas 25 % du coût indiqué de tous ses biens;
  • respecter les seuils de passif de la LIR.

Lorsqu’un débiteur hypothécaire est en situation de défaut et que la SPH engage des procédures de forclusion, la SPH doit donc faire attention de ne pas prendre des mesures qui auraient pour effet de lui retirer le statut de SPH au sens de la LIR (elle doit par exemple éviter de « gérer » ou de « mettre en valeur » des biens immeubles ou réels).

Structure du capital 

Les SPH fermées émettent généralement deux catégories d’actions : ordinaires et privilégiées. Les actions ordinaires sont le plus souvent émises en faveur des fondateurs, des administrateurs et des dirigeants de la SPH.

Elles sont assorties d’un droit de vote, ne donnent généralement pas droit à des dividendes et n’octroient généralement pas d’option de rachat, mais leurs titulaires participent à la distribution de l’actif de la SPH après la réception par les actionnaires privilégiés des dividendes accumulés non versés.

Les actions privilégiées sont la plupart du temps émises en faveur d’investisseurs et donnent droit à tous les avantages économiques sur l’actif de la SPH. Généralement, elles ne sont pas assorties d’un droit de vote et peuvent être rachetées au gré du titulaire et, parfois, de la SPH. À la liquidation de la SPH, les actionnaires privilégiés ont habituellement droit à la valeur de rachat de chaque action privilégiée ainsi qu’aux dividendes déclarés mais non versés. Après cette distribution privilégiée, ils participent également avec les actionnaires ordinaires à toute distribution subséquente, au prorata.

Frais de gestion

Les grandes SPH canadiennes sont généralement gérées par une entité affiliée contrôlée par les directeurs de la SPH aux termes d’une entente de gestion et d’administration prévoyant la prestation de services liés à l’administration du portefeuille de prêts hypothécaires et des activités de la SPH. En contrepartie de ces services, la SPH verse généralement ce qui suit, ou d’autres sommes, au gestionnaire : des frais de gestion généraux (généralement basés sur un pourcentage des actifs à gérer ou de l’ensemble des créances hypothécaires), des frais de montage (basés sur le montant de chaque placement hypothécaire) et des frais de service liés à la gestion des paiements hypothécaires.

Les SPH remettent aussi parfois une partie des frais payés par les emprunteurs directement au gestionnaire, comme les commissions d’engagement servant à garantir le versement de prêts et les frais de renouvellement.

D’autres SPH préfèrent une rémunération fondée sur le rendement et versent à leur gestionnaire un pourcentage de leurs bénéfices annuels, sous réserve d’un minimum et d’un maximum établis en fonction d’un pourcentage de tous les soldes hypothécaires impayés. De plus, les SPH remboursent habituellement à leur gestionnaire les dépenses raisonnables et nécessaires engagées en lien avec les services fournis, comme les salaires, le loyer et les services publics.

Obligations d’inscription

Ontario – Inscription auprès de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers

En Ontario, les particuliers et les entreprises qui exercent des activités de courtage et d’administration d’hypothèques sont aussi assujettis à la Loi de 2006 sur les maisons de courtage d’hypothèques, les prêteurs hypothécaires et les administrateurs d’hypothèques, L.O. 2006, c. 29, et doivent être autorisés par l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (« ARSF »). Une personne ou une entité fait du « courtage d’hypothèque » au sens de cette loi si elle se livre, parmi d’autres activités, à la sollicitation d’une autre personne ou entité pour qu’elle contracte des emprunts d’argent ou consente des prêts d’argent garantis par des biens immeubles. Elle « administre des hypothèques » si elle reçoit des versements de la part d’un emprunteur dans le cadre d’une hypothèque pour le compte d’une autre personne ou entité et les remet à celle-ci ou pour son compte. Ainsi, nulle personne ou entité ne peut faire du courtage ou de l’administration d’hypothèque en Ontario à moins d’avoir un permis ou d’être visée par une dispense.

Pour obtenir un permis, il faut soumettre une demande de permis de maison de courtage d’hypothèques auprès de l’ARSF. Pour le conserver, il faut respecter des obligations d’information financière et de déclaration. Des formulaires d’information sur l’investisseur, des évaluations du caractère adéquat et des documents d’information doivent être remplis pour les hypothèques consortiales non admissibles et les opérations effectuées par des courtiers.

Colombie-Britannique – Inscription auprès de la BC Financial Services Authority 

Selon la Mortgage Brokers Act de la Colombie-Britannique (« MBA »), les SPH de cette province doivent s’inscrire à titre de « courtier hypothécaire » (mortgage broker) auprès de la BC Financial Services Authority, un terme qui vise toute personne juridique qui accorde un prêt d’argent garanti par un bien immeuble en Colombie-Britannique ou ailleurs. De plus, chaque SPH doit compter dans ses rangs au moins un « sous-courtier hypothécaire » (submortgage broker) inscrit au sens de la MBA, soit une personne qui, en Colombie-Britannique, exerce activement toute activité de courtage hypothécaire à titre d’employé, d’administrateur ou d’associé.

Exigences pour la mobilisation de capitaux

Investisseurs admissibles

Pour placer des titres auprès d’investisseurs, les SPH doivent déposer un prospectus ou se prévaloir d’une dispense prévue par le Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus ou par la Loi sur les valeurs mobilières, L.R.O. 1990, c. S.5, selon le cas. Les dispenses de prospectus les plus fréquemment invoquées par les SPH pour placer des titres sont la dispense d’« investisseur qualifié » (la « dispense IQ »), la dispense de « notice d’offre » (la « dispense NO ») et, dans une moindre mesure, la dispense relative aux parents, amis et partenaires.

Les investisseurs bénéficiant de la dispense IQ sont généralement des investisseurs ayant une valeur nette plus élevée que ceux qui peuvent seulement atteindre le seuil d’investissement dans le cadre de la dispense NO (selon le territoire au Canada) et sont susceptibles d’investir des montants plus élevés. Il existe de nombreuses façons de se qualifier en tant qu’investisseur qualifié, les plus courantes étant : a) avoir un actif financier net de tout passif connexe supérieur à 1 million de dollars, b) avoir un actif net supérieur à 5 millions de dollars ou c) avoir un revenu net supérieur à 200 000 $, ou supérieur à 300 000 $ combiné avec un conjoint, au cours des deux dernières années civiles et s’attendre raisonnablement à dépasser ce niveau de revenu net au cours de l’année civile en cours.

Les investisseurs bénéficiant de la dispense NO ont généralement une valeur nette inférieure à celle des investisseurs qualifiés et, selon le territoire au Canada, sont soumis à des plafonds quant au montant du capital qu’ils peuvent investir. Par exemple, en Ontario, un « investisseur admissible » peut investir jusqu’à 30 000 $, ou 100 000 $ s’il reçoit des conseils de sur la convenance de la part d’une personne inscrite, alors qu’un « investisseur non admissible » ne peut investir que jusqu’à 10 000 $. Il existe de nombreuses façons d’être considéré comme un « investisseur admissible », la plus courante étant celle de la personne ayant a) un actif net supérieur à 400 000 $, seule ou avec son conjoint, ou b) un revenu net supérieur à 75 000 $, ou supérieur à 125 000 $ combiné avec son conjoint, au cours des deux dernières années civiles et qui, dans les deux cas, s’attend raisonnablement à dépasser ce revenu net au cours de l’année civile en cours.

À la différence des dispenses IQ et NO, qui sont liées à des caractéristiques financières, la dispense relative aux parents, amis et partenaires permet à des investisseurs d’investir dans une SPH en raison d’une relation préexistante avec cette société, avec ses administrateurs ou hauts dirigeants, avec les personnes participant à son contrôle ou avec les sociétés du même groupe.

Obligation d’inscription pour la sollicitation

Lorsqu’il sollicite des investissements, le gestionnaire d’une SPH fermée doit s’assurer de ne pas effectuer d’opérations qui, selon les autorités en valeurs mobilières, relèveraient de la négociation et nécessiteraient une inscription à titre de courtier sur le marché dispensé aux termes des lois provinciales sur les valeurs mobilières. Sinon, une entité apparentée à la SPH peut s’inscrire comme courtier sur le marché dispensé pour effectuer de telles opérations (cette inscription peut la limiter à la vente de titres de la SPH, plutôt que l’autoriser à vendre des titres d’autres tiers), ou la SPH peut retenir les services d’un courtier sur le marché dispensé déjà inscrit pour vendre ses titres en échange d’une commission.

Articles connexes

Nous vous invitons à consulter nos bulletins sur la structuration de fonds de capital-investissement immobilier et de FPI fermées.

Si vous avez des questions sur la structuration d’un SPH, les membres des groupes Marchés financiers, Capital d’investissement, Fiscalité et Immobilier de McMillan se feront un plaisir d’y répondre.

par Alex Bruvels, Andrew Stirling et Michael Shannon

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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