


Le budget 2025-2026 du Québec révise les crédits d’impôt à l’innovation — points importants pour les investisseurs
Le budget 2025-2026 du Québec révise les crédits d’impôt à l’innovation — points importants pour les investisseurs
Le 25 mars 2025, le Québec a déposé son budget pour l’exercice fiscal 2025-2026 (le « Budget »). Le Budget a notamment introduit d’importantes modifications au paysage provincial des incitatifs fiscaux à l’innovation par le biais de deux programmes remaniés : le crédit d’impôt pour la R-D, l’innovation et la précommercialisation et le crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques intégrant l’intelligence artificielle.
Crédit d’impôt pour la R-D, l’innovation et la précommercialisation (« CRIC »)
Le nouveau CRIC vise à stimuler la recherche scientifique et le développement expérimental dans tous les secteurs. Il regroupe huit crédits d’impôt précédents en un seul programme avec un taux de base entièrement remboursable de 20 % (soit une hausse par rapport à 14 %) et un taux remboursable majoré de 30 % sur la première tranche de 1 million de dollars de dépenses admissibles. Le taux bonifié est désormais accessible à toutes les entreprises admissibles, peu importe leur taille, éliminant ainsi les restrictions fondées sur l’actif qui s’appliquaient dans le cadre des programmes précédents.
De façon très générale, toute société par actions ou société de personnes ayant un ou plusieurs associés qui sont des personnes morales[1], qui exploite une entreprise au Québec et qui y exerce des activités admissibles (ou qui fait exercer de tels activités au Québec pour son compte) est admissible au crédit.
Le CRIC a considérablement élargi la portée de ses prédécesseurs en ajoutant deux nouvelles catégories de dépenses admissibles. D’abord, il tient désormais compte des dépenses en capital pour des biens utilisés dans les activités de R-D au Québec. Bien que cela couvre la plupart des équipements et des biens spécialisés, certains éléments sont expressément exclus, à savoir les fonds de terre, les bâtiments et les tenures à bail. Deuxièmement, il couvre les activités de précommercialisation, comme les validations technologiques, les essais réglementaires et le design de produits qui suivent les activités de R-D. Ces activités de précommercialisation comprennent les salaires et les coûts contractuels connexes, ainsi que les dépenses en capital, sous réserve des mêmes exclusions relatives aux fonds de terre, bâtiments et tenures à bail.
Plus particulièrement, le CRIC est un crédit entièrement remboursable. Cela signifie que même les entreprises n’ayant pas encore de revenus et les entreprises en démarrage sans obligations fiscales actives peuvent tirer un avantage financier en accédant au CRIC, à condition de dépenser un montant supérieur au seuil d’exclusion applicable[2].
Crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques intégrant l’intelligence artificielle (« CDAE »)
Le CDAE révisé vise à soutenir les entreprises du secteur des technologies de l’information avec un accent particulier sur le développement de l’intelligence artificielle (« IA »). Il maintient son taux total de 30 % avec une modification progressive de sa composition : la portion remboursable commencera à 23 % (diminuant à 20 % d’ici 2028) alors que la portion non remboursable commencera à 7 % (augmentant à 10 % d’ici 2028).
Pour être admissibles au CDAE, les sociétés par actions[3] doivent, entre autres, avoir un établissement au Québec et au moins six employés admissibles.
Par suite des changements annoncés, pour bénéficier du CDAE, les sociétés doivent désormais s’assurer que leurs activités répondent à des critères précis visant l’intégration de l’IA « de manière significative », réduisant ainsi la portée du programme par rapport à son prédécesseur, qui avait une orientation plus large sur les affaires électroniques. Plus précisément, dans le cadre du CDAE révisé, les entreprises doivent satisfaire à deux tests clés en matière de revenus : le « test de 75 % » (c.-à-d. qu’au moins 75 % de son revenu brut doit provenir du secteur des technologies de l’information) et le « test de 50 % » (c.-à-d. qu’au moins 50 % de son revenu brut doit provenir d’activités précises comme l’édition de logiciels, la conception de systèmes informatiques et, désormais, le traitement de données). Le CDAE révisé ajoute les activités de traitement et d’hébergement de données aux activités admissibles pour le test de 50 %, élargissant ainsi l’admissibilité pour les entreprises axées sur l’IA.
Le CDAE révisé élimine également le plafond salarial par employé admissible qui s’appliquait auparavant, ce qui signifie que les pleins montants de salaire (dans la mesure où ils dépassent le seuil d’exclusion applicable) sont maintenant admissibles aux fins du crédit. Cela pourrait être avantageux pour les entreprises qui emploient —et les aider à financer le recrutement— des talents spécialisés dans le domaine de l’IA, qui peuvent exiger des salaires élevés.
Enfin, le CDAE révisé introduit aussi de nouvelles limites quant à la portée des activités admissibles : les activités de maintenance et d’évolution de systèmes ne sont plus admissibles (même lorsqu’elles sont accessoires aux travaux de développement), et les entreprises qui fournissent des services à des entités liées pour des applications utilisées à l’extérieur du Québec verront leur taux de crédit réduit de moitié lorsque ces services dépassent 50 % de leur revenu.
Implications stratégiques pour les entreprises
Les nouvelles opportunités créées par l’élargissement de la portée de ces mesures devraient intéresser les investisseurs pour les raisons suivantes :
- Ni le CRIC ni le CDAE ne sont conditionnels à ce que le demandeur soit une entité basée au Québec ou contrôlée par des résidents du Québec et/ou du Canada.
- Les deux programmes comportent de généreuses composantes fiscales remboursables, qui ne sont pas conditionnelles à ce que l’entreprise soit en position imposable. De plus, aucun des programmes n’exclut les activités de précommercialisation. Cela pourrait être particulièrement avantageux pour les entreprises en quête de soutien financier pendant leur phase de démarrage.
- Les grandes sociétés devraient pouvoir accéder au taux majoré de 30 % du CRIC, sans égard à la taille de leur actif. Les sociétés dont l’actif est supérieur à 50 millions de dollars et qui ne pouvaient auparavant réclamer que 14 % pourraient réévaluer leurs stratégies de R-D. De plus, le nouveau taux de base remboursable de 20 % du CRIC pourrait également attirer des sociétés à tout stade de développement.
- Les innovateurs nécessitant beaucoup d’équipements bénéficieront de l’inclusion des dépenses en capital dans le cadre du CRIC, faisant du Québec une base particulièrement attrayante pour mener des activités de R-D nécessitant d’importants investissements en équipement.
- Les sociétés cherchant à combler l’écart entre les phases R-D et d’entrée sur le marché pourraient trouver intéressant de choisir le marché du Québec comme point d’entrée stratégique.
- Les développeurs de technologies d’IA et, de façon plus générale, les entreprises de traitement de données peuvent désormais se qualifier pour la première fois dans le cadre du CDAE révisé. Cela fait du Québec une juridiction de premier choix pour les entreprises de développement d’IA cherchant à tirer parti à la fois d’un soutien accru en R-D et d’incitatifs spécialisés en matière d’IA.
Il serait prudent pour les demandeurs actuels d’examiner leurs activités d’innovation existantes pour évaluer leur exposition selon les nouveaux critères, particulièrement les bénéficiaires du CDAE qui se concentrent sur la maintenance routinière des affaires électroniques, car il se peut qu’ils soient maintenant soumis à une portée restreinte ou à une perte complète d’admissibilité.
Il convient de noter que les conclusions qui précèdent sont susceptibles d’être modifiées étant donné que le projet de loi pour mettre en œuvre le CRIC et réviser le CDAE n’a pas encore été présenté.
Le CRIC s’applique aux années d’imposition commençant après le 25 mars 2025, et les changements apportés au CDAE seront effectifs pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2025[4], donnant aux entreprises le temps d’évaluer leurs stratégies d’innovation à la lumière de ces changements et de se positionner pour maximiser ces opportunités (et minimiser l’impact des restrictions).
[1] Bien que les sociétés de personnes puissent exercer des activités admissibles, elles ne peuvent pas directement réclamer le CRIC. En revanche, les sociétés par actions qui sont des associés d’une société de personnes admissible peuvent réclamer leur part proportionnelle du crédit basée sur les dépenses admissibles de la société de personnes, pourvu que la société par actions ne fasse pas partie des catégories exclues et qu’elle ne soit pas un membre déterminé de la société de personnes.
[2] En termes très généraux, le seuil d’exclusion du CRIC est le plus élevé de 50 000 $, ou le total des coûts salariaux associés au temps consacré par les employés aux activités de R-D et de précommercialisation, calculé à l’aide d’une formule qui tient compte du rapport entre le nombre d’heures de R-D/précommercialisation de chaque employé et le montant du crédit d’impôt personnel de base (18 571 $ pour 2025).
[3] Bien que le projet de loi n’ait pas encore été présenté, il semble être envisagé que seule une société par actions puisse réclamer le CDAE.
[4] Les sociétés par actions peuvent choisir d’appliquer les modifications au CDAE plus tôt, pour toute année d’imposition qui commence après le jour du discours sur le budget et avant le 1ᵉʳ janvier 2026. Pour faire ce choix, une société doit déposer une demande écrite à Investissement Québec avant l’expiration du neuvième mois suivant la date d’échéance de production de sa déclaration fiscale pour l’année d’imposition visée.
par Steven Sitcoff et Noah Davis-Assil (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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