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Le coronavirus – Guide de préparation et d’intervention à l’intention des entreprises canadiennes

9 mars 2020 Bulletin sur la continuité des activités Lecture de 17 min

La maladie à coronavirus (la « COVID-19 ») a créé des ondes de choc dans les marchés, les entreprises et les chaînes d’approvisionnement à l’échelle de la planète. Les conseils d’administration et les membres de la haute direction des entreprises sont probablement en train de se poser des questions auxquelles il est difficile de répondre. Par exemple :

1.  Qu’est-ce que nous devrions être en train de faire pour protéger nos employés et nos activités?

2.  Est-ce que les membres du conseil d’administration peuvent être tenus responsables si des employés contractent la COVID-19?

3.  Est-ce que nous comprenons vraiment bien les risques que présente la COVID-19 pour notre entreprise?

4.  Qu’est-ce qui va arriver si les fournisseurs dans notre chaîne d’approvisionnement n’exécutent pas les contrats qu’ils ont conclus avec nous?

5.  Est-ce que nos prêteurs et autres fournisseurs de fonds peuvent arrêter de nous financer si la crise de la COVID-19 s’aggrave?

6.  Quand est-ce qu’un problème lié à la COVID-19 devient un « changement important » qui doit être déclaré aux organismes de réglementation ou divulgué par les sociétés ouvertes?

7.  Avons-nous un plan d’urgence en cas de pire scénario possible?

8.  Avons-nous des plans de communication en place si une crise survient dans nos activités?

COVID-19

L’éclosion de COVID-19 est d’abord apparue à Wuhan, une ville de la province du Hubei, en Chine, en décembre 2019. Le gouvernement chinois a imposé des mesures extraordinaires pour tenter de freiner la propagation du virus. Bien que les mesures de confinement semblent avoir eu un effet sur la propagation du virus en Chine, elles ont causé des perturbations économiques importantes et entraîné beaucoup de difficultés sur le plan social pour les personnes touchées. Les entreprises en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde ont été grandement perturbées par les interruptions de la chaîne d’approvisionnement et les répercussions de ces interruptions.

Au moment de la publication du présent bulletin, le virus s’est propagé à plus de 115 pays, dont les États-Unis, l’Italie, l’Iran, la Corée du Sud, l’Égypte, le Japon, la France, l’Espagne, l’Australie, la Thaïlande, Taiwan et le Canada. Le nombre de personnes ayant reçu un diagnostic de COVID-19 dépasse maintenant la barre des 116 000, dont 4 000 décès confirmés. Des mises en quarantaine et des restrictions sur les déplacements ont été imposées dans toutes les régions de l’Italie. La semaine dernière, les États de la Californie et de New York ont chacun déclaré l’état d’urgence et Amazon et d’autres sociétés de haute technologie ont demandé à des dizaines de milliers de leurs employés de faire du télétravail. La conférence de musique et de technologie SXSW à Austin, au Texas, à laquelle étaient attendus des centaines de milliers de délégués, a été annulée en raison de préoccupations liées à la COVID-19. La American Bar Association a annulé plusieurs assemblées, y compris l’assemblée du printemps de la section du droit des affaires, qui devait se tenir à la fin du mois de mars. Les préoccupations et incertitudes concernant le virus et les mesures de protection prises par les gouvernements, les autorités locales et les entreprises partout dans le monde pour freiner la propagation ont présentement une réelle incidence sur les activités.

Jusqu’à présent au Canada, on compte plus de 60 cas déclarés de COVID-19, mais ce nombre est appelé à grimper au fur et à mesure que le virus se propage et que les mesures de détection deviennent de plus en plus accessibles. Bien entendu, les entreprises canadiennes sont très préoccupées par l’incidence que la COVID-19 aura sur leurs employés, leurs activités, leurs partenaires, leurs clients et leurs fournisseurs. Par conséquent, les conseils d’administration et les membres de la direction des entreprises canadiennes devraient mettre en application une série de mesures afin de protéger leurs employés et leurs activités contre les répercussions incertaines de cette crise sanitaire mondiale.

Ces mesures comprennent notamment la création d’une équipe d’intervention formée de membres de la direction et de conseillers qualifiés, l’évaluation et la gestion des risques commerciaux et contractuels ainsi que des risques d’exploitation pour eux et leurs partenaires clés et l’élaboration d’un plan d’urgence. De plus, les entreprises devront mettre en place des protocoles de communication et de collaboration rigoureux entre les différents services de leur entreprise ainsi qu’avec leurs principaux intéressés afin de s’assurer que leurs interventions sont adéquates et tiennent compte des faits nouveaux.

Ce guide pratique vise à aider les entreprises à repérer les problèmes potentiels et propose des mesures d’atténuation des risques liés à l’éclosion de COVID-19. L’incidence de la COVID-19 change rapidement et de nouvelles informations sortent quotidiennement. Les membres de la direction devraient suivre la situation de près et réévaluer constamment leurs stratégies d’atténuation des risques et les rajuster en conséquence.

Les sujets suivants sont analysés plus en détail ci-après :

  • Protection des employés
  • Protection de la vie privée
  • Simulation de crise et conformité contractuelle et réglementaire
  • Renonciations et force majeure
  • Conformité avec la réglementation des valeurs mobilières
  • Conseils en gestion de crise

PROTECTION DES EMPLOYÉS

La protection des employés d’une entreprise est primordiale et essentielle au maintien des activités pendant l’éclosion de COVID-19. Dans le cadre de toute stratégie de préparation aux situations d’urgence, les entreprises devraient tenir compte des droits et des responsabilités des employeurs et des employés par rapport à la situation d’urgence sanitaire mondiale.

Sécurité en milieu de travail

Autant les employeurs que les employés sont responsables d’assurer la sécurité de leur milieu de travail. Les employeurs devraient accorder la priorité à la santé de leurs employés en mettant en œuvre des stratégies visant le partage de l’information avec les employés sur la manière de réduire le risque de propagation du virus. Ces mesures comprennent notamment ce qui suit :

  • L’envoi de courriels de rappel sur les mesures de précaution à prendre pendant la période des rhumes et de la grippe saisonnière.
  • Ajout d’affiches supplémentaires concernant le lavage des mains et offre de désinfectant pour les mains aux fins d’utilisation au travail.
  • S’assurer que les politiques sur les divers congés accordés aux employés pour cause de maladie ou lorsque la présence de l’employé est requise auprès d’un parent ou d’une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant peuvent être facilement consultés et que les employés comprennent qu’ils ne seront pas pénalisés en cas d’absence liée à la limitation de la propagation de la COVID-19.
  • Encourager les employés qui ont récemment voyagé dans des régions touchées par la COVID-19 ou qui sont en contact étroit avec une personne qui revient d’un voyage dans une telle région à rester à la maison et à aviser leur directeur ou supérieur immédiat.

De plus, les employeurs devraient prendre des mesures pour atténuer le risque de propagation de la COVID-19 dans le milieu de travail en faisant notamment ce qui suit :

  • Évaluer les meilleures méthodes de distanciation sociale possibles, par exemple encourager les conférences téléphoniques ou les vidéoconférences (au lieu des rencontres en personne).
  • Veiller au nettoyage régulier des surfaces fréquemment touchées ainsi que des espaces communs (par exemple, les poignées des portes d’entrée au bureau, les cuisines, les salles de réunion et les toilettes).
  • Limiter les voyages d’affaires non essentiels dans les régions touchées.
  • Établir un protocole pour l’approbation des voyages d’affaires dans les régions touchées et obligeant les employés à aviser la direction de tout voyage non essentiel dans les régions touchées.
  • Examiner les politiques sur les divers congés accordés aux employés pour cause de maladie ou lorsque la présence de l’employé est requise auprès d’un parent ou d’une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant ainsi que sur le travail de la maison ou à distance et s’assurer que ces politiques sont souples et suivent les directives des autorités de santé publique.
  • S’assurer que la capacité d’accès à distance des systèmes de technologie de l’information est suffisante en cas d’augmentation du nombre d’utilisateurs.
  • Communiquer avec les fournisseurs de services tiers qui peuvent assurer des services en sous-traitance sur place et s’assurer qu’ils ont recours à des politiques appropriées et non punitives, qui permettent aux employés en sous-traitance de travailler à distance ou de prendre un congé de maladie, selon le cas.
  • Se préparer à l’éventualité de taux d’absentéisme plus élevés imputables à la maladie ou à la fermeture des écoles et des garderies ou services de garde en réponse à une éclosion.
  • Prévoir un plan d’urgence en cas d’absence des employés clés pour cause de maladie.
  • Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention) (www.cdc.gov) fournissent d’autres indications aux entreprises afin de leur permettre de faire face à l’éclosion de COVID-19, qui peuvent être consultées dans le document intitulé Interim Guidance for Businesses and Employeurs to Plan and Respond to Coronavirus Disease 2019 (COVID-19), février 2020

En général, les membres des conseils d’administration seront protégés contre toute responsabilité personnelle s’ils s’assurent que leur société suit un plan d’intervention adéquat, qui respecte au jour le jour les directives des autorités de santé publique concernées.

Questions liées à la protection de la vie privée

Il est important de souligner que si un employé est mis en quarantaine parce qu’il a des symptômes de COVID-19, les employeurs pourraient devoir répondre à des demandes d’information concernant la personne. Les employés sont en droit de s’attendre à ce que leurs renseignements personnels, y compris leur état de santé, demeurent confidentiels et ne soient pas divulgués à l’ensemble de leur milieu de travail. Par contre, les employeurs sont tenus, de par la loi, de s’assurer que leur milieu de travail est sécuritaire. La question de savoir s’il y a lieu de divulguer les noms des employés qui ont des symptômes de COVID-19 ou qui ont été mis en isolement ou en quarantaine n’est pas facile à répondre, et nécessitera un examen des intérêts en jeu.

Nous invitons les employeurs à faire preuve de prudence et à obtenir des conseils juridiques lorsque les circonstances le justifient.

CONFORMITÉ CONTRACTUELLE ET RÉGLEMENTAIRE

Simulation de crise

L’exploitation d’une entreprise se fait dans un contexte compliqué qui est fondé sur des relations contractuelles et des obligations réglementaires. Les entreprises canadiennes connaissent déjà des retards dans la réception de marchandises en provenance de fournisseurs étrangers ainsi que des interruptions de service par des fournisseurs de services essentiels non-résidents en raison de l’éclosion de la COVID-19. Bon nombre des perturbations résultent des mesures de confinement et de freinage de la propagation qui ont été prises par le gouvernement et les entreprises. Il s’ensuit que ces entreprises pourraient maintenant être directement touchées par le virus. Par conséquent, les entreprises, dans le cadre de la préparation de leurs plans d’intervention en cas d’urgence, devraient effectuer des simulations de crise et des modélisations des activités en fonction de différentes hypothèses liées à une éclosion éventuelle de COVID-19 au Canada et à d’autres répercussions en aval de cette urgence sanitaire mondiale. Les équipes d’intervention chargées de surveiller l’état de l’éclosion devraient examiner les résultats de ces simulations et de ces modélisations et recommander des paramètres à jour, lorsque l’évolution de l’éclosion de COVID-19 le justifie. Les simulations de crise et les modélisations ne devraient pas porter uniquement sur la capacité de fonctionnement de l’entreprise suivant les hypothèses, mais également sur la capacité des parties aux contrats à exécuter leurs obligations selon divers scénarios.

Analyse des résultats des simulations de crise

Les scénarios qui sont mis à l’épreuve et modélisés devraient être examinés en fonction des obligations contractuelles et réglementaires de l’entreprise. Plus particulièrement, il y a lieu de tenir compte des risques liés à la conformité contractuelle, dont les suivants :

1.  Répercussions sur les clauses d’exécution figurant dans les contrats. Examiner les contrats, licences et permis importants et déterminer les circonstances où le risque lié à l’exécution ou à la conformité pourrait devenir une véritable préoccupation. Quelles sont les mesures proactives qui peuvent être prises d’avance pour atténuer les risques?

2.  Répercussions sur les clauses financières figurant dans les conventions de crédit ou de prêt. Évaluer l’incidence du rendement de l’exploitation, de l’état des marchés, des interruptions de la chaîne d’approvisionnement ou des arrêts de travail liés à la COVID-19 sur les ententes de financement ou les contrats dérivés. Est-ce que certains scénarios réalistes pourraient entraîner l’application des clauses liées à un changement défavorable important ou à un effet défavorable important dans les conventions de crédit ou de prêt? Le cas échéant, quels sont les droits et obligations rattachés à ces clauses?

3.  Risques liés aux liquidités. Quelle serait l’incidence d’une fermeture éventuelle des marchés, d’un resserrement du capital et des exigences en matière de clauses restrictives dans les conventions de prêt sur la disponibilité des liquidités? Est-ce que d’autres perturbations du marché potentielles présentent des risques liés aux liquidités qui pourraient éventuellement avoir une incidence défavorable sur les flux de trésorerie de l’entreprise?

4.  Est-ce qu’il y a un risque pour les opérations de financement et de fusion et acquisition imminentes? Quelles sont les mesures qui peuvent être prises pour protéger ces opérations potentielles ou, sinon, pour se sortir de celles-ci en courant le moins de risques possibles?

Stratégies d’atténuation

Après avoir repéré les risques liés à la conformité en analysant les résultats des simulations de crise, les entreprises devraient prendre des mesures afin de réduire le risque de défaut aux termes de leurs engagements contractuels et préparer leurs plans d’urgence ou mettre à jour leurs plan d’urgence existants. Ces stratégies d’atténuation pourraient comprendre ce qui suit :

  • Examiner les plans d’urgence existants afin de déterminer si ceux-ci comportent des lacunes, notamment s’ils ne tiennent pas compte des risques engendrés par la COVID-19.
  • Examiner la logistique de la chaîne d’approvisionnement. Est-ce qu’il y a des possibilités de redondance qui permettraient de réduire les contrecoups de ralentissements dans le secteur manufacturier ou des restrictions sur les voyages et les expéditions de marchandises dans les régions touchées par l’éclosion? Est-ce que l’entreprise est en mesure d’entreposer des stocks supplémentaires en prévision de pénuries d’entrants clés? Est-ce que la société est en pourparlers avec ses fournisseurs afin d’obtenir en priorité la capacité de production disponible?
  • Lorsque le travail ne peut se faire à distance, notamment dans les secteurs de la fabrication et des services, adopter des mesures visant la protection des employés.
  • Régler les risques potentiels en ayant des conversations proactives, réfléchies et stratégiques avec les fournisseurs clés, les clients, les organismes de réglementation et, s’il y a lieu, les prêteurs. Ces mesures peuvent comprendre l’obtention de renonciations ou de mesures d’accommodements spéciales.
  • Évaluer s’il est possible d’obtenir plus de liquidités à court terme ou par étapes afin d’atténuer les problèmes de flux de trésorerie potentiels.
  • Élaborer des plans de communication ou examiner les plans de communication existants concernant les plans d’urgence pour les employés, les clients, les fournisseurs et les prêteurs.

En examinant et en mettant à jour les plans d’urgence de l’entreprise par suite de la propagation de la COVID-19, les membres de la direction permettront à l’entreprise de réagir de façon responsable et proactive à la situation en constante évolution au Canada.

Cas de défaut ou manquement aux engagements contractuels

Même en ayant le meilleur plan d’urgence qui soit, les entreprises pourraient quand même être en défaut à l’égard de leurs obligations contractuelles ou être confrontées au défaut d’une contrepartie en vertu d’un ou de plusieurs contrats importants en raison de l’incidence de la COVID-19. Dans de telles circonstances, ce risque de manquement ou de défaut devra faire l’objet d’une intervention réfléchie et stratégique. Les entreprises devraient demander à leurs avocats d’examiner leurs contrats importants afin d’établir leurs conditions d’application ainsi que les conséquences d’un manquement ou d’un défaut aux termes de ceux-ci. Plus particulièrement, elles devraient envisager la possibilité d’y inclure les dispositions suivantes :

1.  Dispositions en matière de renonciation. Un grand nombre d’entreprises accordent beaucoup d’importance aux relations qu’elles ont établies avec leurs fournisseurs et clients de longue date. En cas de manquement contractuel éventuel, les parties pourraient être prêtes à accorder des délais ou à renoncer à certaines obligations contractuelles de manière informelle. Les entreprises devraient, autant que possible, penser à consigner par écrit toute renonciation (donnée ou obtenue). En général, lorsqu’il est prévu dans un contrat qu’une renonciation doit être faite par écrit, les tribunaux canadiens mettront cette exigence à exécution.

2.  Dispositions en matière de force majeure. Les dispositions en matière de force majeure sont monnaie courante dans les contrats commerciaux et visent à régler les événements qui sont « inattendus et humainement imprévisibles et incontrôlables ». Si l’application de ces clauses est déclenchée, la contrepartie jouit alors d’une forme de protection contre le fait d’être déclarée en défaut aux termes du contrat pendant une certaine période. Malgré le fait que ces clauses se retrouvent fréquemment dans les contrats, elles varient considérablement et il est important d’examiner de façon proactive le libellé de ces clauses, en tenant compte de ce qui suit :

    1. Portée des événements déclencheurs : Le libellé des clauses de force majeure sera d’une importance capitale au moment d’établir si les conséquences de la COVID-19 peuvent justifier des retards dans l’exécution d’un contrat (par l’une ou l’autre des parties). Une clause de force majeure sera d’une certaine aide dans les circonstances engendrées par la COVID-19 si elle prévoit que les parties contractantes seront protégées en cas d’épidémies, de pandémies, d’urgences sanitaires mondiales, d’ordonnances émanant des autorités gouvernementales et de restrictions sur les voyages ou le commerce liées à ce qui précède. Cela dit, il se pourrait que le libellé d’autres clauses de force majeure offre également la protection nécessaire. Les entreprises devraient obtenir des conseils juridiques auprès de personnes qualifiées afin d’établir les conditions d’applications des dispositions de force majeure en cas de manquement ou de manquement imminent à des obligations contractuelles, compte tenu de leur situation particulière.
    2. Incidences des événements déclencheurs : Une partie ne doit pas nécessairement démontrer que les événements déclencheurs rendent l’exécution du contrat impossible; toutefois, elle devra habituellement démontrer que les événements ont créé, sur le plan commercial, un problème réel et important. La partie qui souhaite invoquer la clause de force majeure est également tenue de minimiser l’incidence des événements déclencheurs s’il est raisonnable de le faire, dans les circonstances.
    3. Avis et durée : Un grand nombre de clauses de force majeure prévoient l’obligation de donner avis sans délai de l’événement déclencheur. Si l’événement se poursuit au-delà d’une période déterminée, la contrepartie pourrait avoir le droit de remettre un avis de son intention de résilier le contrat.

En l’absence d’une clause de force majeure dans un contrat, une partie qui tente de retarder l’exécution d’un contrat ou de justifier la non-exécution de celui-ci pourrait devoir invoquer la doctrine de l’inexécutabilité ou de l’impossibilité commerciale. Cette doctrine permet à une partie d’annuler le contrat dans son intégralité plutôt que de suspendre temporairement l’exécution d’une obligation. Les critères devant être remplis pour qu’une demande fondée sur l’inexécutabilité puisse être accueillie sont très exigeants; en effet, la partie doit démontrer qu’un événement qui est survenu après la formation du contrat rend l’exécution de celui-ci radicalement différente par rapport à ce que les parties avaient prévu au moment où le contrat a été créé. Si ces critères très rigoureux sont remplis, le contrat prendra fin.

3.  Règlement des différends. L’interprétation des clauses en matière de force majeure et de renonciation sera tributaire du choix des lois applicables que les parties ont fait. Les principes juridiques dont il est question ci-dessus qui s’appliquent dans les provinces de common law au Canada pourraient ne pas s’appliquer si les parties ont choisi un autre droit pour régir leurs contrats. Par exemple, les parties à des ententes d’approvisionnement internationales choisissent souvent les règles d’arbitrage international pour résoudre leurs différends. De plus, le choix du droit des contrats applicable ne devrait pas être confondu avec l’élection de for, servant plutôt au règlement des différends extracontractuels.

MARCHÉS FINANCIERS

Obligations d’information continue

En plus des questions liées à la planification en cas d’urgence, les sociétés ouvertes au Canada (les « émetteurs assujettis ») doivent également porter une attention particulière à l’obligation qui leur est imposée par les organismes de réglementation de communiquer de l’information concernant l’incidence de la COVID-19 sur leur entreprise. De façon générale, les obligations d’information continue qui incombent aux émetteurs assujettis au Canada entrent dans les deux catégories générales suivantes :

1.  les obligations d’information périodique ou régulière telles que les dépôts des états financiers intermédiaires ou annuels, les rapports de gestion connexes et les notices annuelles;

2.  les obligations d’information occasionnelle ou à la survenance d’un événement tels que les communiqués et les déclarations de changement important concernant un « changement important » (dont il est question ci-après) en vertu des lois canadiennes sur les valeurs mobilières.

Les émetteurs assujettis doivent évaluer attentivement l’incidence de la COVID-19 sur leur entreprise et, possiblement, prendre des mesures à cet égard et s’assurer que toutes les communications appropriées sont faites en temps opportun.

1.  Information périodique

Les émetteurs assujettis sont tenus, entre autres, de discuter des tendances et des risques qui ont une incidence actuellement, ou qui pourraient dorénavant en avoir une, sur leurs activités, et, si possible, des aspects financiers que comportent ces risques, dans leur information périodique. Un émetteur assujetti pourrait ainsi être tenu de communiquer de l’information sur les effets directs et indirect de la COVID-19 sur son entreprise, ses activités et ses perspectives d’avenir.

Par conséquent, les émetteurs assujettis devraient prendre en considération les tendances et les risques suivants liés aux effets actuels et imprévisibles de la COVID-19 et, s’il y a lieu, traiter de ceux-ci dans leurs documents d’information périodique :

  • le risque lié aux chaînes d’approvisionnement importantes;
  • le risque lié aux contreparties, notamment les clients, les fournisseurs, les distributeurs, les créanciers et les partenaires d’affaires;
  • le risque important lié aux revenus réalisés dans les régions ou les pays touchés;
  • le risque lié aux interruptions des activités commerciales en raison des restrictions sur les voyages et des baisses dans les dépenses de consommation;
  • le risque lié aux plans d’urgence qui doivent être mis en place pour les installations importantes se trouvant dans une région qui est ou qui sera touchée par l’éclosion de COVID-19;
  • le risque lié aux opérations, y compris la possibilité de procéder à des vérifications diligentes et d’obtenir des consentements et des approbations;
  • le risque lié à l’incertitude concernant la durée des effets de la COVID-19.

Le 4 mars 2020, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a rendu une ordonnance[1] aux termes de laquelle elle accorde aux émetteurs touchés par la COVID-19 un délai pour le dépôt de certains documents d’information en vertu des lois sur les valeurs mobilières fédérales américaines, sous réserve de certaines conditions. Au moment de la publication du présent bulletin, aucune dispense comparable n’a été accordée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM »). Par conséquent, les émetteurs assujettis devraient être proactifs et s’assurer que leurs processus de communication de l’information financière, d’audit et d’examen sont aussi rigoureux que possible, compte tenu de la COVID-19, pour qu’ils puissent être en mesure de respecter les délais de dépôt applicables. Le défaut de déposer des états financiers annuels, des rapports financiers intermédiaires, les rapports de gestion connexes ou des notices annuelles entraînera généralement le prononcé d’une interdiction des opérations contre l’émetteur assujetti et la notation de celui-ci comme étant en défaut aux termes des lois sur les valeurs mobilières canadiennes applicables. Les membres de la direction d’un émetteur assujetti qui prévoient avoir de la difficulté à respecter les dates limites pour le dépôt de leurs documents devraient consulter leurs conseillers juridiques dès que possible afin d’explorer les autres options possibles.

2.  Information occasionnelle

Les émetteurs assujettis sont tenus, aux termes des lois sur les valeurs mobilières canadiennes applicables, de publier sans délai un communiqué exposant la nature et la substance de tout « changement important » dans leurs affaires. Un « changement important » désigne un changement dans l’activité, l’exploitation ou le capital de l’émetteur assujetti, dont il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il ait un effet significatif sur le cours ou la valeur de l’un ou l’autre des titres de l’émetteur assujetti.

Les obligations d’information occasionnelle prévues par les lois sur les valeurs mobilières canadiennes applicables n’obligent pas les émetteurs assujettis à divulguer continuellement des « faits importants ». Un « fait important » désigne un fait qui a un effet significatif sur le cours ou la valeur de l’un ou l’autre des titres de l’émetteur assujetti ou dont il est raisonnable de s’attendre qu’il aura cet effet.

La Cour suprême du Canada s’est penchée sur le lien entre le « fait important » et le « changement important » par rapport à des faits nouveaux externes. Les émetteurs assujettis ne sont pas tenus d’interpréter continuellement les changements politiques, économiques et sociaux, à moins que le changement extérieur n’entraîne un changement dans leurs activités commerciales, leur exploitation ou leur capital, par exemple si le changement extérieur constitue un changement important pour l’émetteur assujetti. La question de savoir si un changement extérieur constitue un changement important doit être établie par les membres de la direction de l’émetteur. L’existence de la COVID-19 ne peut, en soit, constituer un changement important dans les affaires de l’émetteur.

Toutefois, il se pourrait, dans certains cas, que les membres de la direction considèrent que la COVID-19 a une incidence hors de proportion sur les affaires de l’entreprise. Il n’y a pas de critères permettant d’établir clairement ce qui constitue un changement important.

Au moment de la publication du présent bulletin, plusieurs émetteurs assujettis, en particulier ceux qui exercent des activités importantes dans le secteur manufacturier dans les régions touchées par la COVID-19, ou qui exportent vers de telles régions, avaient déposé des déclarations de changement important exposant les effets de la COVID-19 sur leurs affaires.

En plus des obligations d’information occasionnelle qui lui sont imposées par les lois sur les valeurs mobilières canadiennes applicables, un émetteur assujetti pourrait être assujetti à d’autres obligations d’information occasionnelle si ses titres sont inscrits aux fins de négociation à la cote d’une bourse de valeurs. Les bourses de valeurs canadiennes obligent généralement les émetteurs inscrits à divulguer toute « information importante ». L’« information importante comprend autant les « changements importants » que les « faits importants ». Les membres de la direction d’émetteurs inscrits devraient évaluer, même s’il a été établi que l’incidence de la COVID-19 ne constituait pas un changement important dans les affaires de l’émetteur, si et quand la COVID-19 pourrait constituer de l’information importante de l’émetteur inscrit.

Obligations d’information dans le contexte d’une opération

Les émetteurs assujettis qui entreprennent des opérations sur les marchés des capitaux publics et de gré à gré devraient également tenir compte de l’incidence de la COVID-19 dans leurs documents d’information applicables. Les lois sur les valeurs mobilières canadiennes applicables prévoient l’imposition de sanctions civiles en cas de « présentation d’information fausse ou trompeuse » dans les prospectus, les notes d’information et les notices d’offre. Une « présentation d’information fausse ou trompeuse » consiste en une déclaration fausse ou trompeuse de faits ou en l’omission de déclarer un fait important qui doit être déclaré ou dont la mention est nécessaire pour éviter qu’une déclaration ne soit trompeuse à la lumière des circonstances dans lesquelles elle a été faite.

Il se pourrait que la divulgation des effets éventuels de la COVID-19 soit requise afin de garantir que, dans le contexte d’une opération, le document d’information applicable ne contient aucune présentation d’information fausse ou trompeuse.

GESTION DE CRISE

Expertise en restructuration

Les perturbations des marchés et des activités causées par la COVID-19 et les mesures connexes prises par les gouvernements, les entreprises et les principaux intéressés pourraient ajouter un niveau de stress imprévu sur une entreprise. Si une entreprise doit affronter ce genre de situation ou prévoit qu’elle pourrait se trouver bientôt dans une telle situation, elle devrait obtenir les conseils de spécialistes. Il pourrait s’agir notamment de conseillers en restructuration qui aideront la société à trouver d’autres formes de capitaux ou des moyens créatifs qui lui permettront de s’assurer que les créanciers, les contreparties, les gouvernements et autres parties intéressées continueront de travailler avec elle pendant cette période difficile. Nos avocats en restructuration des entreprises possèdent l’expertise nécessaire pour composer avec les situations exceptionnelles et pour aider les sociétés à trouver des façons de demeurer résilientes dans les moments difficiles.

McMillan Vantage : protéger la réputation de l’entreprise; obtenir l’aide du gouvernement

En plus d’atténuer les risques que l’éclosion de COVID-19 présente pour la santé et la sécurité de leur effectif et leurs obligations contractuelles et réglementaires, les entreprises canadiennes doivent également tenir compte de leur réputation et de la perception du public à l’égard de leur réaction dans des situations de crise potentielles.

Imaginez le scénario suivant :

Deux employés reçoivent un diagnostic de COVID-19 positif; comment réagissez-vous quand les journalistes vous appellent et vous demandent ce que votre société fait pour empêcher la propagation?

McMillan Vantage, la seule entreprise d’experts-conseils spécialisée dans les relations avec les médias et les affaires gouvernementales œuvrant au sein d’un cabinet d’avocats d’envergure nationale, vous offre des ressources centralisées afin d’aider votre entreprise en période de crise. Les professionnels des relations publiques de Vantage peuvent vous aider à élaborer votre plan de communications en cas de crise, à faire affaire avec les médias et à assurer la communication efficace avec vos parties intéressées les plus importantes, c’est-à-dire vos employés. Notre équipe spécialisée dans les relations gouvernementales peut vous aider à respecter les plus récentes mesures prises par le gouvernement et à repérer les cas où les politiques et les programmes peuvent aider. McMillan Vantage comprend notamment d’anciens ministres, chefs de cabinet, sous ministres et journalistes qui aident régulièrement les entreprises à gérer leurs communications en période de crise ainsi que leurs relations avec le gouvernement.

Conclusion

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. est la seule équipe d’intervention dont vous ayez besoin pour gérer les questions juridiques et les communications liées à la COVID-19. N’hésitez pas à communiquer avec nous dès aujourd’hui si votre entreprise a besoin d’aide pour gérer les retombées négatives ainsi que les risques commerciaux potentiels découlant de l’éclosion de COVID-19.

par Waël Rostom, Tim Murphy, Dave McKechnie, Robert Wisner, Jeff Gebert, Laura Giesbrecht

[1] SEC Provides Conditional Regulatory Relief and Assistance for Companies Affected by the Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) (en anglais seulement)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2020

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