Les chroniques relatives aux dispenses inédites
Les chroniques relatives aux dispenses inédites
ON NE PEUT PAS TOUJOURS OBTENIR CE QUE L’ON VEUT… MAIS ON PEUT PARFOIS OBTENIR CE DONT ON A BESOIN – UNE DÉCISION DE LA CVMO ÉLIMINE LA CONFUSION QUI RÈGNE CONCERNANT LA RÉAFFECTATION EN GARANTIE
Dans cette édition des « Chroniques relatives aux dispenses inédites », nous examinons et analysons une décision récente importante[1] (la « Décision ») qui permet aux OPC publics et aux OPC alternatifs d’excéder les seuils de garantie applicables au dépôt, à titre de sûreté, d’actifs du portefeuille auprès d’un agent prêteur qui n’est pas le dépositaire ou le sous-dépositaire de l’OPC dans le contexte de ventes à découvert. Toutefois, la Décision est beaucoup plus importante à cause des déclarations que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») y fait concernant la capacité d’un fonds de permettre la réaffectation en garantie d’actifs du portefeuille. Cette Décision, qui constitue un précédent, élimine la grande confusion qui régnait dans le secteur canadien des fonds d’investissement depuis 2015 concernant la capacité des gestionnaires d’OPC et d’OPC alternatifs de permettre la réaffectation en garantie d’actifs du portefeuille dans le cadre de ventes à découvert, d’opérations sur dérivés et d’emprunts de fonds.
Contexte
Restrictions applicables aux garanties dans le cadre de ventes à découvert
En vertu du Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement (le « Règlement 81-102 »), les OPC alternatifs peuvent déposer des actifs du portefeuille dont la valeur ne dépasse pas 25 % de la valeur liquidative du fonds au moment du dépôt (le « Seuil de garantie pour les ventes à découvert ») auprès d’un agent prêteur qui n’est pas un dépositaire ou un sous-dépositaire du fonds (habituellement, un courtier principal) à titre de sûreté dans le cadre de ventes à découvert. Le Seuil de garantie pour les ventes à découvert applicable aux OPC ordinaires est de 10 %.
Réaffectation en garantie d’actifs du portefeuille
En raison, principalement, de certaines déclarations faites par le personnel de la CVMO dans un Investment Funds Practitioner (le « Practitioner »)[2], les opinions ont divergé et une grande confusion a régné dans le secteur canadien des fonds d’investissement au cours des dernières années quant à savoir si des gestionnaires de fonds pouvaient autoriser des prêteurs ou des agents prêteurs à réaffecter en garantie des actifs du portefeuille qui leur ont été remis à titre de sûreté. Le niveau de confusion a atteint un paroxysme à la suite de l’adoption des modifications relatives aux OPC alternatifs apportées au Règlement 81-102 en janvier dernier, qui permettent aux OPC alternatifs d’emprunter des fonds aux fins d’investissement et de participer dans une plus grande mesure à des ventes à découvert et d’utiliser davantage les instruments dérivés que les OPC ordinaires. Bien que les déclarations du personnel de la CVMO dans le Practitioner portaient uniquement sur la possibilité de permettre la réaffectation en garantie dans le contexte des opérations sur dérivés visés (de gré à gré), elles ont souvent été interprétées par les participants au marché comme s’appliquant également dans le contexte des emprunts de fonds et des ventes à découvert en vertu du Règlement 81-102.
La dispense demandée
Dans sa demande (la « Demande »), le déposant (le « Déposant ») souhaitait obtenir une dispense de l’application du Seuil de garantie pour les ventes à découvert prévu aux alinéas 6.8.1a) et b) du Règlement 81-102 (la « Dispense relative au Seuil de garantie pour les ventes à découvert »). Au soutien de sa demande, le Déposant soulevait le fait que, compte tenu des modèles opérationnels des courtiers principaux, qui sont fondés sur l’hypothèse que le courtier principal peut conserver le produit d’une vente à découvert à titre de sûreté pour garantir les obligations du fonds (peu importe si ce produit est détenu en espèces ou utilisé par le fonds pour souscrire des titres supplémentaires), le Seuil de garantie pour les ventes à découvert obligeait, dans les faits, les fonds (plus particulièrement, les OPC alternatifs qui sont autorisés à vendre à découvert des titres dont la valeur marchande ne dépasse pas 50 % de la valeur liquidative du fonds) à conclure des ententes avec un grand nombre de courtiers principaux pour vendre à découvert des titres jusqu’aux seuils prévus dans le Règlement 81‑102. Or, ces ententes créent à la fois des inefficiences opérationnelles et augmentent les coûts opérationnels des fonds.
Dans sa Demande, le Déposant souhaitait également obtenir une dispense (la « Dispense relative à la réaffectation en garantie ») de l’application des exigences prévues au paragraphe 6.8(4) du Règlement 81-102 concernant le dépôt d’actifs du portefeuille par un fonds auprès de son prêteur à titre de sûreté pour les opérations sur les dérivés visés compensés, les dérivés de gré à gré et les emprunts de fonds, de sorte qu’un OPC alternatif soit autorisé à permettre au prêteur de réaffecter en garantie les actifs du portefeuille qui lui ont été confiés à titre de sûreté (notamment en les prêtant, en les nantissant, en les transférant et/ou en les vendant). Le Déposant a soulevé le fait que l’exigence prévue au paragraphe 6.8(4) du Règlement 81-102, qui oblige la personne ou la société qui détient les actifs du portefeuille à veiller à faire les inscriptions voulues dans ses registres pour montrer que les actifs du portefeuille qui ont été déposés en garantie sont la propriété véritable du fonds, a pour effet, en pratique, d’interdire à un fonds de permettre la réaffectation en garantie de ces actifs.
Au soutien de sa demande de Dispense relative à la réaffectation en garantie, le Déposant a soulevé le fait que les modèles opérationnels et de fixation des prix utilisés par les prêteurs (y compris les courtiers principaux) étaient fondés sur le fait qu’ils puissent réaffecter en garantie les actifs du portefeuille qui ont été déposés auprès d’eux à titre de sûreté. Si les OPC alternatifs ne pouvaient permettre aux prêteurs de réaffecter en garantie les actifs du portefeuille, cela aurait pour effet, selon le Déposant, d’augmenter les coûts d’emprunt, les frais et les ratios de négociation, ainsi que de créer des obstacles à l’égard des services que ces prêteurs fournissent. Le Déposant a également soulevé comme argument le fait que le traitement des actifs du portefeuille qui ont été déposés en garantie en faveur de prêteurs/courtiers principaux était le même que celui qui est prévu par la législation applicable en matière d’insolvabilité, que le prêteur/courtier principal ait réaffecté en garantie ou non les actifs du portefeuille.
La Décision
La CVMO a approuvé la demande du Déposant à l’égard de la demande de Dispense relative au Seuil de garantie pour les ventes à découvert visant à permettre aux OPC ordinaires gérés par le Déposant de dépasser le Seuil de garantie pour les ventes à découvert, qui est de 10 %, et aux OPC alternatifs de dépasser le Seuil de garantie pour les ventes à découvert, qui est de 25 %, avec un agent prêteur ou un courtier principal. Ainsi, un même agent prêteur, qui n’est pas le dépositaire ou le sous-dépositaire du fonds, peut détenir :
- jusqu’à concurrence de 25 %, plus la valeur marchande globale du produit de ventes à découvert de titres en cours, dans le cas d’un OPC alternatif;
- jusqu’à concurrence de 10 %, plus la valeur marchande globale du produit de ventes à découvert de titres en cours
à titre de sûreté pour les ventes à découvert, pourvu que le fonds respecte les autres exigences prévues au paragraphe 6.8.1 du Règlement 81-102 concernant l’obligation, dans le cadre de ventes à découvert, de recourir aux services de courtiers admissibles au Canada et à l’extérieur du Canada.
La Dispense relative au Seuil de garantie pour les ventes à découvert sera avantageuse pour les OPC alternatifs ou les OPC ordinaires qui souhaitent avoir recours au moins de contreparties possibles pour les ventes à découvert. Les Fonds qui obtiendront ce type de dispense seront également en mesure de simplifier leurs ententes de dépôt. Par exemple, grâce à cette dispense, un fonds pourra désigner soit un dépositaire classique soit un courtier principal admissible à titre de dépositaire en vertu du paragraphe 6.2 du Règlement 81-102, puis conclure une entente de courtage principale distincte sans avoir à désigner ce courtier principal comme sous-dépositaire du fonds. Enfin, ce type de dispense peut entraîner une réduction du nombre d’ententes tripartites, lesquelles sont habituellement plus onéreuses et plus compliquées à mettre en application et à gérer, étant donné qu’elles servent autant aux OPC ordinaires qu’aux OPC alternatifs.
Les déclarations de la CVMO contenues dans le document concernant la demande de Dispense relative à la réaffectation en garantie sont sans doute plus importantes que la Dispense relative au Seuil de garantie pour les ventes à découvert qui est accordée dans la Décision. Plus particulièrement, la CVMO fait remarquer dans la Décision que, à la suite de discussions avec le personnel de la CVMO, le Déposant a révoqué sa demande de Dispense relative à la réaffectation en garantie en se fondant sur les déclarations du personnel de la CVMO selon lesquelles a) malgré les déclarations qui ont été faites antérieurement dans le Practitioner, aucune disposition de l’article 6.8 du Règlement 81-102, y compris les paragraphes 6.8(3), 6.8(3.1) et 6.8(4), n’a pour effet d’empêcher un OPC ordinaire ou un OPC alternatif (selon le cas) de permettre que les actifs du portefeuille qu’il a déposés en vertu de l’un des alinéas du paragraphe 6.8 puissent être réaffectés en garantie et b) l’utilisation du terme « propriété véritable » au paragraphe 6.8(4) du Règlement 81-102 vise à signaler que le fonds a le droit d’exiger que lui soient retournés des actifs du portefeuille de la même émission que celle des actifs qu’il a déposés, notamment de la même catégorie ou série, selon le cas, et ayant la même valeur marchande globale courante, au moment du retour, que les actifs déposés.
La révocation de la demande de Dispense relative à la réaffectation en garantie et les déclarations attribuées au personnel de la CVMO dans la Décision ont permis, dans les faits, d’éliminer tout doute subsistant quant à savoir s’il est possible pour le gestionnaire d’un OPC alternatif ou d’un OPC ordinaire de permettre la réaffectation en garantie d’actifs du portefeuille. En fait, simplement en révoquant les déclarations du personnel de la CVMO contenues dans le Practitioner concernant la réaffectation en garantie dans le contexte d’opérations sur dérivés de gré à gré, la CVMO indique clairement que le Règlement 81-102 ne prévoit aucune disposition qui interdit expressément aux OPC alternatifs et aux OPC ordinaires de permettre la réaffectation en garantie dans le cadre d’opérations sur dérivés (y compris dans le cadre d’opérations sur dérivés de gré à gré), d’emprunts de fonds et de ventes à découvert.
Nous recommandons que, pour décider s’il doit ou non permettre la réaffectation en garantie dans le cadre d’un type d’opération en particulier, le gestionnaire de fonds d’investissement tienne compte de plusieurs facteurs en vertu de son obligation d’agir dans l’intérêt du fonds d’investissement, dont les facteurs suivants (sans limitation) : (i) les objectifs de placement du fonds concerné; (ii) la solvabilité du prêteur/de l’agent prêteur/de la contrepartie; (iii) le montant des économies relatives sur le plan des coûts pour le fonds du fait de permettre la réaffectation en garantie par rapport au fait de ne pas permettre une telle réaffectation en garantie, compte tenu du risque de perte éventuelle des actifs du portefeuille découlant du défaut du prêteur/de l’agent prêteur/de la contrepartie de retourner au fonds les actifs qui ont été réaffectés en garantie (et si ce risque est plus élevé que le risque général que le prêteur/l’agent prêteur/la contrepartie retourne des actifs déposés qui ne peuvent être réaffectés en garantie); (iv) toute mesure de protection contractuelle pouvant être intégrée dans les ententes avec le prêteur/l’agent prêteur/la contrepartie visant la protection de tout actif du portefeuille ayant été réaffecté en garantie; (v) toute mesure de protection prévue par la loi ou un organisme d’autoréglementation ou pouvant permettre de protéger ou d’aider à récupérer des actifs du portefeuille qui ont été réaffectés en garantie; et (vi) toutes autres incidences pertinentes. Il se pourrait que le personnel de la CVMO publie à l’avenir d’autres lignes directrices concernant la réaffectation en garantie à l’intention des gestionnaires de fonds d’investissement.
Veuillez communiquer avec un des membres du groupe Fonds d’investissement et Gestion d’actifs de McMillan si vous avez des questions concernant la Décision ou l’information ci-dessus.
par Michael Burns, Shahen Mirakian et Joseph Osborne (stagiaire)
[1] Re Fidelity Investments Canada ULC and Fidelity North American Directional Long Short Fund, 16 août 2019.
[2] Voir l’Investment Funds Practitioner (avril 2015), 38 CVMOB 2952 de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario à la rubrique « Rehypothecation of Collateral for OTC Derivatives » et l’Investment Funds Practitioner (mars 2018), 41 CVMOB 2275 de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario à la rubrique « Update on Rehypothecation of Collateral for OTC Derivatives ».
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2019
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