


Les entreprises minières du Canada se demandent si leur pays demeurera un ressort territorial concurrentiel pour celles qui ont des actifs d’envergure mondiale
Les entreprises minières du Canada se demandent si leur pays demeurera un ressort territorial concurrentiel pour celles qui ont des actifs d’envergure mondiale
Depuis deux ans, le gouvernement fédéral rejette les placements minoritaires provenant de l’Asie dans les entreprises minières canadiennes, et à cause de cela, la communauté minière du pays est sur la sellette. Récemment, cette tendance a été confirmée par la décision de Solaris Resources Inc., qui a renoncé à son investissement minoritaire prospectif de 130 millions $ par Zijin Mining Group, car elle était incapable d’obtenir l’approbation exigée par la Loi sur Investissement Canada (la « LIC »). Les entreprises minières canadiennes recherchent des structures d’investissement de rechange afin d’obtenir les investissements en capital dont elles ont désespérément besoin pour construire de nouvelles mines, pour affiner leurs capacités de produire les matériaux destinés à l’alimentation des véhicules électriques et pour réduire la dépendance mondiale aux combustibles fossiles. Or, les entreprises chinoises offrent des investissements potentiels de rechange qui servent à faire avancer les projets d’exploration et à construire des mines, notamment en Amérique du Sud et en Afrique, où le financement des grandes entreprises minières, des investisseurs et des gouvernements « occidentaux » n’est pas toujours disponible. Le refus apparent du gouvernement fédéral de permettre un investissement minoritaire au sein de Solaris semble fermer la porte à tout investissement de ce genre, même lorsqu’aucun des actifs d’exploitation ne se trouve au Canada. Lorsque confrontées à un tel environnement réglementaire, les entreprises minières canadiennes incorporées poursuivant des projets non canadiens à l’échelle mondiale n’ont d’autre choix que de se demander s’il est faisable de maintenir leur titre d’entreprise canadienne, compte tenu des possibilités de financement à long terme pour leurs projets.
Dans le présent bulletin, nous examinerons comment les entreprises minières canadiennes et les entreprises d’exploration peuvent poursuivre leurs stratégies de développement des mines et des raffineries afin d’obtenir des investissements directs étrangers sans être visées par un examen prolongé ou un rejet aux termes de la LIC.
Contexte de la LIC
La LIC est une loi fédérale d’application générale qui permet au gouvernement fédéral de bloquer ou d’approuver conditionnellement les investissements de non Canadiens au sein d’entreprises canadiennes. Historiquement, la LIC ne s’appliquait qu’aux prises de contrôle de très grandes entreprises canadiennes. Toutefois, avec l’adoption d’un régime de sécurité nationale en 2009, le pouvoir du gouvernement canadien d’examiner, de bloquer ou de corriger les investissements est devenu beaucoup plus étendu.
Après l’adoption d’une série de modifications à la LIC plus tôt cette année, le pouvoir du gouvernement canadien sur les
investissements étrangers a augmenté. Outre son pouvoir d’imposer des mesures d’atténuation provisoires pendant qu’un examen est en cours, le gouvernement pourra bientôt exiger que les investisseurs qui font des investissements dans certains types d’entreprises déposent des documents avant la clôture et attendent l’expiration d’une période d’examen avant que de tels investissements puissent être réalisés. Nous prévoyons que la liste des secteurs comprendra l’exploitation minière des « minéraux critiques ».
Outre les investissements dans le secteur de la technologie, le secteur minier canadien a connu une augmentation importante du volume et de l’incidence des examens effectués en vertu de la LIC. En novembre 2022, le gouvernement a annoncé qu’il avait émis des décrets ordonnant des désinvestissements à la suite de trois placements minoritaires de peu d’envergure au sein de producteurs canadiens de lithium. Deux d’entre eux ne poursuivaient aucun projet minier au Canada. D’autres investissements dans des entreprises de cuivre (page en anglais seulement) et de graphite en phase de préconstruction ont été abandonnés, à la suite de longues périodes d’examen aux termes de la LIC.
Les examens relatifs à la sécurité nationale sont eux aussi plus longs et leurs résultats, encore plus incertains. Les entreprises minières doivent donc s’attendre à ce qu’un examen mette entre sept et neuf mois à être parachevé, ce qui excède la période maximale de 200 jours stipulée par la LIC. Souvent, des prolongations « volontaires » sont demandées, car les différentes agences gouvernementales doivent établir une coordination, et les effectifs ne suffisent pas compte tenu de la charge de travail.
La relocalisation à titre de stratégie de rechange
Les entreprises minières dont les concessions sont situées et dont les activités se poursuivent hors des frontières canadiennes peuvent adopter une stratégie de relocalisation qui, si elle est mise en œuvre correctement, empêche que la LIC s’applique. La LIC prévoit que le gouvernement canadien a le droit d’émettre une ordonnance touchant la sécurité nationale dans les cas où l’entreprise canadienne possède une entité qui : 1) possède un établissement au Canada, 2) emploie au Canada au moins un individu travaillant à son compte ou contre rémunération dans le cadre de son exploitation, et 3) dispose d’actifs au Canada pour son exploitation. Par conséquent, les entreprises minières canadiennes peuvent éviter que la LIC s’applique à elles en s’assurant qu’aucune de leurs entités n’a d’établissements, d’employés ou d’actifs au Canada.
Les entreprises canadiennes envisageant d’adopter cette stratégie devront évaluer s’il est possible de se relocaliser dans un autre ressort territorial, tant d’un point de vue de l’exploitation que d’un point de vue de la fiscalité. D’ordinaire, la relocalisation entraîne des modifications fondamentales à la structure d’une entreprise. Elle doit souvent être soumise au vote des actionnaires. Pour ces raisons, elle ne peut se produire instantanément. Les droits et obligations des entreprises diffèrent d’un ressort territorial à l’autre. À cause de cela, tant les dirigeants que les actionnaires doivent bien comprendre de tels changements. Il est en outre essentiel de tenir compte de l’endroit où l’entreprise sera relocalisée, puisque le nouveau ressort territorial pourrait lui aussi imposer des restrictions sur les investissements étrangers qui pourraient avoir une incidence sur toute stratégie de recherche d’investissements provenant de la Chine ou d’ailleurs.
Les sociétés ouvertes ont en outre des obligations de divulgation supplémentaires. À cause de cela, elles devront fournir des documents aux actionnaires dans le cadre du vote des actionnaires mentionné ci-dessus. Leurs obligations seront dictées non seulement par les lois sur les valeurs mobilières applicables, mais aussi par les exigences de la bourse à laquelle leurs actions sont inscrites. Cela pourrait prolonger le temps nécessaire à toute relocalisation, car un examen par la bourse pertinente pourrait être requis et les exigences relatives à l’envoi par la poste aux actionnaires devront être respectées.
Toutefois, la stratégie peut être efficace dans les cas où les actifs de l’entreprise minière sont situés à l’étranger et où l’équipe de direction y est établie, ou si elle effectue déjà l’exploitation de l’entreprise par l’intermédiaire d’une société de services professionnels. En outre, pour être inscrit à la cote des bourses du Canada, dont le TSX et la Bourse de croissance TSX, il n’est pas obligatoire d’être domicilié au Canada ou de posséder un établissement au Canada. Il est important de noter que les entreprises inscrites à la cote de bourses au Canada qui sont domiciliées à l’extérieur du Canada et qui distribuent des titres à partir de l’extérieur du Canada continueront d’être assujetties aux exigences en matière de valeurs mobilières au Canada, mais pourraient également être assujetties à des exigences dans leur ressort territorial d’origine. Par conséquent, les lois applicables aux valeurs mobilières dans chacun des ressorts territoriaux devront être examinées en profondeur.
Conclusion
Nous prévoyons que les entreprises minières canadiennes envisageront, en plus grand nombre, d’adopter une stratégie de relocalisation si elles cherchent à obtenir des investissements étrangers, accordant ainsi la priorité à l’accès aux capitaux plutôt qu’à simplement conserver leur résidence canadienne. Cela, comme toute stratégie d’investissement, n’est pas sans risque. Les entreprises devraient donc consulter des experts en matière de LIC et des avocats-conseils en valeurs mobilières pour discuter des avantages et des risques d’une telle approche.
Si vous avez des questions au sujet du présent bulletin ou si vous souhaitez discuter de l’application de la LIC à une transaction ou à une entreprise, n’hésitez pas à communiquer avec nous ou avec votre personne-ressource habituelle chez McMillan S.E.N.C.R.L.
par Joshua Krane, Michael H. Taylor et Sasa Jarvis
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.
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