


L’IA et les marchés des capitaux canadiens : indications des ACVM pour les émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement
L’IA et les marchés des capitaux canadiens : indications des ACVM pour les émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement
Le 5 décembre 2024, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié l’Avis 11-348 du personnel des ACVM et de consultation concernant l’Applicabilité du droit canadien des valeurs mobilières à l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle dans les marchés des capitaux (l’« Avis des ACVM ») afin de fournir aux participants aux marchés des indications sur l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle (« IA ») dans les marchés des capitaux canadiens.
Les indications de l’Avis des ACVM reposent sur le principe selon lequel les investisseurs doivent avoir accès à l’information importante au moment de prendre des décisions d’investissement; cette information doit être exacte et communiquée en temps opportun. L’Avis des ACVM souligne l’importance de la transparence, de la reddition de comptes et de l’atténuation des risques lors de l’utilisation de l’IA dans les marchés des capitaux. Il met en lumière l’état actuel de l’IA et son application aux exigences du droit des valeurs mobilières et comprend des indications pour les acteurs du marché suivants :
- les émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement;
- les personnes inscrites;
- les marchés boursiers et leurs participants;
- les chambres de compensation et les fournisseurs de services d’appariement;
- les référentiels centraux et la déclaration de données sur les dérivés;
- les agences de notation désignées;
- les administrateurs d’indice de référence désignés.
Le présent bulletin porte surtout sur les indications à l’intention des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement (« Émetteurs »).
Exigences pour les émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement
L’Avis des ACVM donne des indications aux Émetteurs sur les exigences du droit des valeurs mobilières prévues par le Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue (« Règlement 51-102 »). Les indications s’appliquent à l’annexe 51-102A1, Rapport de gestion, et à l’annexe 51-102A2, Notice annuelle. De plus, elles devraient s’appliquer à certains dépôts de prospectus.
L’Avis des ACVM souligne qu’il n’existe pas de modèle universel pour déterminer les obligations d’information concernant les systèmes d’IA. L’information doit être adaptée à la situation de l’Émetteur. L’Avis des ACVM met l’accent sur les quatre considérations suivantes pour les Émetteurs : 1) Information sur l’utilisation actuelle des systèmes d’IA; 2) Facteurs de risque liés à l’IA; 3) Déclarations promotionnelles concernant le recours à l’IA; et (4) IA et information prospective.
(1) Information sur l’utilisation actuelle des systèmes d’IA
Les ACVM recommandent aux Émetteurs de fournir de l’information lorsqu’ils utilisent l’IA dans la réalisation de leurs activités et que cette utilisation est importante. L’information doit être adaptée pour informer les investisseurs et les investisseurs potentiels de l’effet et du risque de l’IA sur les opérations et les finances de l’Émetteur. Voici quelques exemples de l’information qu’un Émetteur pourrait incorporer dans ses documents d’information :
- la définition que l’Émetteur donne à l’IA;
- l’utilisation de l’IA par l’Émetteur;
- les effets que l’utilisation ou le développement de systèmes d’IA, selon le cas, aura sur les activités et la situation financière de l’Émetteur dans l’immédiat ou dans l’avenir;
- les contrats importants se rapportant à l’utilisation de l’IA par l’Émetteur;
- l’incidence de l’adoption des systèmes d’IA sur la position concurrentielle de l’Émetteur dans le marché;
- si le système d’IA utilisé par l’Émetteur est fourni par un tiers.
En outre, les ACVM notent qu’il peut être prudent pour un Émetteur de fournir de l’information sur les sources et les fournisseurs dont proviennent toutes les données utilisées pour développer les systèmes d’IA qu’il utilise.
(2) Facteurs de risque liés à l’IA
Les ACVM encouragent les Émetteurs à fournir des facteurs de risque propres à l’entité et à éviter d’utiliser des formules toutes faites lorsqu’ils préparent de l’information sur les facteurs de risque. Voici quelques exemples de facteurs de risque liés à l’IA à prendre en considération :
- Les risques opérationnels liés au développement et à l’utilisation de l’IA, comme les répercussions des perturbations, des conséquences imprévues, de la mésinformation, des erreurs, des biais et des problèmes techniques que présente l’IA;
- les risques liés aux tiers fournisseurs associés à la dépendance envers les systèmes d’IA offerts par des tiers fournisseurs;
- les risques éthiques se rattachant à l’utilisation de l’IA qui pourrait avoir des effets sur la réputation, la responsabilité ou les coûts de l’Émetteur;
- les risques réglementaires liés au cadre réglementaire et juridique en mutation qui se rapporte aux systèmes d’IA;
- les risques liés à la concurrence relativement aux produits, aux services et aux normes sectorielles touchant l’IA;
- les risques de cybersécurité associés au développement et à l’utilisation de l’IA.
En outre, les ACVM recommandent aux Émetteurs de prendre en compte et de communiquer la source et la nature des risques liés à l’IA, les conséquences éventuelles de ces risques, le caractère adéquat des mesures préventives des risques liés à l’IA et les incidents importants antérieurs où l’IA a soulevé des problèmes qui ont un rapport avec l’Émetteur.
(3) Déclarations promotionnelles concernant le recours à l’IA
Les ACVM attendent des Émetteurs qu’ils évitent de fournir une information exagérément promotionnelle sur l’utilisation et le développement des systèmes d’IA. L’information relative à l’IA devrait respecter les interdictions du droit des valeurs mobilières à l’égard des déclarations fausses ou trompeuses et devrait fournir une information équilibrée et juste en incluant de l’information favorable et défavorable. Par exemple, si un Émetteur indique qu’il utilise l’IA dans le cadre de ses activités, les ACVM s’attendent à ce qu’il fournisse des détails adéquats pour étayer toutes ses affirmations en ce qui concerne l’utilisation de l’IA. Les ACVM préviennent également que l’examen des déclarations promotionnelles relatives à l’IA pourrait ne pas se limiter aux documents d’information continue de l’Émetteur et s’étendre à ses activités sur les médias sociaux.
(4) IA et information prospective
L’Avis des ACVM prévoit que les Émetteurs devraient déterminer si l’information sur l’utilisation future des systèmes d’IA constitue de l’information prospective. Conformément aux lois sur les valeurs mobilières applicables[1], l’Avis des ACVM indique que l’information prospective relative à l’IA doit contenir les renseignements suivants :
- une mention indiquant clairement que l’information est prospective;
- une mise en garde indiquant que les résultats réels peuvent différer de l’information prospective;
- les hypothèses ou les facteurs importants utilisés dans l’établissement de l’information prospective;
- les facteurs de risque importants qui pourraient entraîner un écart important entre cette information et les résultats réels.
Les ACVM rappellent aux Émetteurs que les déclarations relatives à l’utilisation future des systèmes d’IA ne doivent être communiquées que si les Émetteurs ont un fondement valable pour l’information prospective.
Indications dans d’autres territoires
Les ACVM ne sont pas les premiers agents responsables à fournir des indications en matière d’IA et les agents responsables du monde entier ont été confrontés aux risques que présentent les systèmes d’IA pour les émetteurs et les investisseurs. La section qui suit présente les diverses approches préconisées par les différents territoires pour faire face à l’adoption croissante des systèmes d’IA.
États-Unis
La Securities and Exchange Commission des États-Unis (la « SEC ») a publié un ensemble d’indications sur l’utilisation des systèmes d’IA en 2024. Les indications ont été publiées en format vidéo par le président de la SEC et portaient sur des sujets tels que les conflits d’intérêts dans le domaine de l’IA[2], le risque systémique dans le domaine de l’IA[3], l’IA-blanchiment[4] ainsi que la fraude et la tromperie dans le domaine de l’IA[5]. De plus, en juin 2024, la SEC a accusé une PDG et fondatrice d’avoir utilisé l’IA pour frauder des investisseurs en faisant des déclarations fausses et trompeuses[6].
En outre, la Division of Examinations de la SEC (la « Division ») a publié ses priorités en matière d’examen pour l’exercice 2025[7] et prévoit d’examiner l’exactitude des déclarations des personnes inscrites concernant l’utilisation et les capacités de l’IA. La Division prévoit également d’évaluer la mise en œuvre de politiques et de procédures adéquates pour scruter l’utilisation de l’IA en mettant l’accent sur la prévention et la détection de la fraude, les activités postmarché, la lutte contre le blanchiment d’argent et les fonctions de négociation.
Royaume-Uni
La Financial Conduct Authority (la « FCA ») du Royaume-Uni (« R.-U. ») a publié une mise à jour sur l’IA en avril 2024 afin de promouvoir l’utilisation sécuritaire et responsable de l’IA dans les marchés financiers du R.-U.[8]. Cette mise à jour indique que les risques associés à l’IA ne sont pas nécessairement uniques à l’IA en soi et peuvent être atténués par les cadres législatifs et les régimes réglementaires existants de la FCA. La FCA affirme que, bien que le régime réglementaire actuel couvre l’utilisation de technologies comme l’IA, elle continuera de surveiller la situation actuelle et pourrait envisager des adaptations réglementaires futures au besoin[9].
De plus, le London Stock Exchange Group a élaboré des principes d’IA responsable, en s’inspirant des cadres existants pour guider son approche à l’égard de l’adoption de l’IA[10]. Aucune directive particulière concernant l’utilisation de l’IA n’a été fournie par une autre bourse importante au Canada, aux États-Unis ou en Australie.
Australie
L’Australian Securities and Investments Commission (« ASIC ») a fourni des indications sur la réglementation de l’IA dans le secteur financier dans le rapport « REP 798 Beware the gap: Governance arrangements in the face of AI innovation » (« REP 798 »)[11]. Le REP 798 indique que le régime réglementaire de l’ASIC pour les services financiers est technologiquement neutre. Toutefois, l’ASIC affirme qu’elle appuie l’introduction de mesures réglementaires visant à imposer des moyens de protection pour l’utilisation de l’IA dans les milieux à risque élevé, ce que le gouvernement australien a proposé de faire.
Perspectives
Compte tenu des approches du Canada et d’autres territoires, les agents responsables et les émetteurs doivent être constamment à l’affût de l’évolution des utilisations et des risques des systèmes d’IA. Bien que l’Avis des ACVM donne des renseignements sur la manière dont les autorités en valeurs mobilières canadiennes peuvent aborder l’IA, il donne principalement des indications et ne définit pas d’exigences définitives pour les entreprises et les investisseurs. Les Émetteurs doivent être proactifs et suivre l’évolution du cadre réglementaire, puisque l’IA est là pour de bon.
Renseignements
Si vous avez des questions au sujet de l’Avis des ACVM et ses effets sur votre entreprise, veuillez communiquer avec un membre du groupe Marchés des capitaux et valeurs mobilières de McMillan.
[1] Règlement 51-102, article 4A.3, et Instruction générale relative au Règlement 51-102, articles 4A.3, 4A.5 et 4A.6.
[2] Gary Gensler, « Conflicts of Interest in Artificial Intelligence | Office Hours with Gary Gensler» (en anglais) (13 août 2024).
[3] Gary Gensler, « Office Hours with Gary Gensler: Systemic Risk in Artificial Intelligence» (en anglais) (19 septembre 2024).
[4] Gary Gensler, « Office Hours with Gary Gensler: AI Washing» (en anglais) (4 septembre 2024).
[5] Gary Gensler, « Office Hours With Gary Gensler: Fraud and Deception in Artificial Intelligence» (en anglais) (10 octobre 2024).
[6] Securities Exchange Commission, « SEC Charges Founder of AI Hiring Startup Joonko with Fraud» (en anglais) (11 juin 2024).
[7] Securities Exchange Commission, « Fiscal Year 2025 Examination Priorities – Division of Examinations» (en anglais) (21 octobre 2024), à la page 13.
[8] inancial Conduct Authority, « AI Update» (en anglais) (22 avril 2024).
[9] Financial Conduct Authority, supra note 8 au sens prévu à la page 21.
[10] Jenny Cosco et Sabrina Feng, « Towards a unified roadmap for responsible AI policy» (en anglais) (11 juin 2024).
[11] Australian Securities and Investments Commission, « REP 798 Beware the gap: Governance arrangements in the face of AI innovation» (en anglais) (29 octobre 2024).
Par Andjela Sabet, Julia Currie, Rhythm Jethi (stagiaire en droit) et Anica Villamayor (stagiaire en droit)
Avertissement
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2025
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