Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail : Nouvelles obligations pour les employeurs par l’entremise du Projet de loi 42 maintenant en vigueur
Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail : Nouvelles obligations pour les employeurs par l’entremise du Projet de loi 42 maintenant en vigueur
Introduction
Le projet de loi 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail (le « projet de loi »), vise plusieurs objectifs, dont notamment la lutte contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel ainsi que la protection des travailleurs dans leur environnement de travail.
Les modifications adoptées renforcent le cadre législatif du droit du travail et de l’emploi au Québec en modifiant notamment la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la « LSST »), la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « LATMP »).
Bien que certaines dispositions soient entrées en vigueur le 27 mars 2024, d’autres sont entrées en vigueur le 27 septembre 2024.
Dans ce bulletin, nous dressons la liste des nouvelles obligations auxquelles les employeurs devront dorénavant se conformer ainsi que les délais impartis pour s’y conformer.
A) Modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail
La définition de « violence à caractère sexuel » est introduite à la LSST. Elle comprend « toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirées, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre. »[1].
De plus, le législateur accorde maintenant un pouvoir réglementaire à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST ») pour déterminer des mesures pour prévenir ou mettre fin à une situation de violence à caractère sexuel[2].
Cette modification est entrée en vigueur le 27 mars 2024.
B) Modifications à la Loi sur les normes du travail
Les employeurs sont de plus concernés par ces changements importants à la LNT :
i. Obligations en lien avec les politiques de prévention et de traitement du harcèlement psychologique
Les obligations de l’employeur sont précisées en matière de prévention du harcèlement psychologique. Elles s’étendent à celui provenant de toute personne (y compris les clients et les fournisseurs, par exemple) en milieu de travail. Bien que l’obligation de mettre en place une politique de prévention et de traitement du harcèlement psychologique était déjà bien connue, celle-ci fait dorénavant partie du programme de prévention ou du plan d’action conformément à la LSST. Le contenu minimal d’une telle politique est également précisé[3]. Elle doit contenir les éléments suivants :
- Les méthodes et techniques utilisées pour identifier, contrôler et éliminer les risques de harcèlement psychologique;
- Les programmes d’information et de formation spécifiques en matière de prévention du harcèlement psychologique qui sont offerts aux personnes salariées ainsi qu’aux personnes désignées par l’employeur pour la prise en charge d’une plainte ou d’un signalement;
- Les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales au travail;
- Les modalités applicables pour faire une plainte ou un signalement à l’employeur ou pour lui fournir un renseignement ou un document, la personne désignée pour en prendre charge ainsi que l’information sur le suivi qui doit être donné par l’employeur;
- Les mesures visant à protéger les personnes concernées par une situation de harcèlement psychologique et celles qui ont collaboré au traitement d’une plainte ou d’un signalement portant sur une telle situation;
- Le processus de prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, incluant le processus applicable lors de la tenue d’une enquête par l’employeur;
- Les mesures visant à assurer la confidentialité d’une plainte, d’un signalement, d’un renseignement ou d’un document reçu ainsi que le délai de conservation des documents faits ou obtenus dans le cadre de la prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, lequel doit être d’au moins deux (2) ans.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 27 septembre 2024. Les employeurs devront s’assurer de mettre à jour leurs politiques de prévention et de traitement du harcèlement psychologique.
ii. Autres changements importants à retenir pour les employeurs
Certains autres changements apportés par le projet de loi doivent également être pris en compte par les employeurs, dont notamment :
- Malgré toute clause d’amnistie à toute entente relative aux mesures disciplinaires, l’employeur pourra désormais tenir compte des mesures disciplinaires précédemment imposées eu égard à la violence physique et psychologique (y compris le harcèlement sexuel). Ce changement permet à l’employeur d’avoir recours à la gradation des sanctions en cas de récidive[4].
- Constitue désormais une pratique interdite le fait pour un employeur d’exercer des représailles ou d’imposer une sanction pour le motif qu’une personne salariée lui fait un signalement concernant une conduite de harcèlement psychologique envers une autre personne[5]. Alléguant de telles représailles, l’employé pourra désormais déposer une plainte à la CNESST.
- Le Tribunal administratif du travail pourra ordonner à l’employeur de verser des dommages et intérêts punitifs à une victime de harcèlement psychologique, et ce même si elle est une victime d’une lésion professionnelle en lien avec ce harcèlement[6].
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 27 mars 2024.
C. Modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles
Deux (2) présomptions légales sont ajoutées pour faciliter la preuve de la reconnaissance d’une lésion professionnelle en raison de violence à caractère sexuel. L’employeur aura le fardeau de les renverser :
- Une blessure ou une maladie d’un travailleur est présumée être survenue par le fait ou à l’occasion de son travail lorsqu’elle résulte de la violence à caractère sexuel subie par ce dernier et commise par son employeur, l’un des dirigeants de ce dernier dans le cas d’une personne morale ou l’un des travailleurs dont les services sont utilisés par cet employeur.
- Une maladie d’un travailleur qui survient dans les trois (3) mois après que ce dernier ait subi de la violence à caractère sexuel sur les lieux du travail est dorénavant présumée être une lésion professionnelle[7].
Le délai est également allongé de six (6) mois à deux (2) ans pour produire une réclamation à la CNESST découlant d’une telle lésion. À noter, le coût des prestations pour une telle lésion sera imputé aux employeurs de toutes les unités s’il s’agit de violence à caractère sexuel.
De plus, les règles relatives au droit d’accès au dossier médical d’un travailleur et tel que constitué par la CNESST sont précisées. L’employeur ne pourra avoir accès qu’aux informations du dossier médical du travailleur qui sont nécessaires à sa contestation. Effectivement, le professionnel de la santé ne pourra dès lors que fournir le nécessaire en transmettant à l’employeur un résumé du dossier. En cas de contravention constituant un accès illégal au dossier médical par l’employeur ou encore, si le professionnel de la santé contrevient aux nouvelles dispositions, des amendes pourront être imposées variant de 1 000 $ à 5 000 $ si l’infraction est commise par une personne physique et 2 000 $ et 10 000 $ dans les autres cas[8].
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 27 septembre 2024.
D. Implications des changements adoptés pour les employeurs
Il y a lieu de souligner une nuance qu’apporte le législateur à la définition proposée de violence à caractère sexuel, dont l’ajout de « la violence relative à la diversité sexuelle et de genre ». On dénote un certain rapprochement entre le cadre normatif plus général retrouvé à la Charte des droits et libertés de la personne eu égard à « l’identité ou l’expression de genre » et le cadre normatif du droit du travail et de l’emploi. Restera toutefois à déterminer comment les tribunaux traiteront de ces enjeux en temps et lieu puisque ces concepts sont certes contemporains au droit du travail et de l’emploi québécois.
De plus, le projet de loi fait suite aux changements relativement récents en matière de violence conjugale adoptés à l’automne 2021. Or, par l’adoption du projet de loi, le législateur, suite à la pandémie de la COVID-19, resserre le cadre législatif en ce qui a trait aux formes variées de violences qui peuvent exister dans le milieu de travail. Il incombe alors aux employeurs de connaitre l’étendue de leurs obligations afin d’éviter des situations indésirées qui peuvent souvent mener à des recours coûteux.
En ce qui concerne l’accès aux données médicales dans le cadre d’une lésion professionnelle, les modifications législatives entraîneront des conséquences par rapport à la gestion des dossiers pour les employeurs.
Soulignons également que le nombre de plaintes pour harcèlement psychologique (y compris le harcèlement sexuel) est en croissance au Québec. Force est donc de constater que les employeurs devront demeurer vigilants et à l’afflux de ces nouvelles obligations comme leur rôle dans l’élaboration de milieux de travail sains et libre de harcèlement psychologique prend de l’ampleur.
Finalement, en vertu des modifications apportées par le projet de loi, les politiques de prévention et de traitement du harcèlement psychologique devront dans certains cas être révisées. N’hésitez pas à contacter un membre de notre équipe pour vous aider dans cette démarche.
[1] Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, 1re sess., 43e légis. (Qc), art. 33.
Par Miguel Therrien, Ryan Schwartz, Quynh Chi Nguyen (étudiante en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document fournit un aperçu de la question, qui ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
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