Marchés financiers : revue juridique de l’année 2022
Marchés financiers : revue juridique de l’année 2022
Au début de 2022, l’économie mondiale était somme toute vigoureuse. Son élan a toutefois énormément faibli en cours d’année, sous l’effet de facteurs macroéconomiques tels que le conflit en Ukraine et l’incertitude qu’il a fait planer sur le front géopolitique, les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la persistance d’une forte inflation, la montée des taux directeurs de la Banque du Canada et les séquelles durables de la pandémie. Si cette transformation du paysage économique a freiné la mobilisation de capitaux et l’activité de fusion-acquisition, on a aussi assisté, sur les marchés financiers, à plusieurs annonces et changements importants touchant la réglementation et la conclusion de marchés.
Dans la présente revue annuelle, nous nous proposons de revenir sur les dix changements d’ordre législatif qui auront, selon nous, été les plus marquants de 2022 pour les marchés financiers canadiens. Mentionnons d’emblée l’introduction d’une dispense de prospectus ouverte aux petits émetteurs assujettis et le lancement d’un programme pilote pour les émetteurs établis bien connus au Canada, inspiré d’un cadre analogue aux États-Unis.
L’actualité juridique récente et les modifications proposées dont le présent bulletin fait la synthèse pourraient bien définir le cadre réglementaire des marchés financiers canadiens pendant de nombreuses années.
Introduction de la dispense pour financement de l’émetteur coté
Le 21 novembre 2022, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont modifié le Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus afin d’introduire une nouvelle dispense ouverte aux émetteurs assujettis (la « dispense pour financement de l’émetteur coté »). Cette dispense vise à offrir une méthode plus efficiente de mobilisation de capitaux aux petits émetteurs assujettis; elle permet en effet aux émetteurs admissibles de réunir auprès du public un montant limité de capitaux en s’appuyant sur leurs documents d’information continue et en déposant le document prévu à l’Annexe 45-106A19, Document de financement de l’émetteur coté.
La dispense est ouverte uniquement aux émetteurs assujettis qui remplissent certains critères. Il faut notamment avoir été un émetteur assujetti au cours des 12 mois précédant immédiatement la date du communiqué annonçant le placement, ne pas avoir cessé ses activités et avoir déposé tous les documents d’information requis. Cette dispense a notamment pour avantage de permettre le placement de titres librement négociables.
La dispense pour financement de l’émetteur coté est assortie de diverses exigences et limitations. Par exemple, l’émetteur ne peut offrir que certains types de titres, à savoir les titres de capitaux propres inscrits à la cote ainsi que les unités composées de titres de capitaux propres inscrits à la cote et de bons de souscription convertibles en pareils titres. De plus, à la date de publication du communiqué, le montant total du placement, combiné au montant de tous les autres effectués par l’émetteur sous le régime de la dispense au cours des 12 mois précédant immédiatement cette date ne peut excéder le montant le plus élevé entre i) 5 000 000 $ et ii) 10 % de la capitalisation boursière de l’émetteur, à concurrence de 10 000 000 $. Le placement, combiné à tous les autres effectués par l’émetteur sous le régime de la dispense au cours des 12 mois précédant immédiatement la date de publication du communiqué, ne peut entraîner une augmentation de plus de 50 % du nombre de titres de capitaux propres inscrits à la cote en circulation de l’émetteur, à la date tombant 12 mois avant celle du communiqué. L’émetteur doit aussi clore le placement au plus tard le 45e jour après la date à laquelle il publie et dépose le communiqué.
Pour en savoir plus, consultez le bulletin Dispense pour financement de l’émetteur coté de McMillan.
Nouveau programme pilote pour les émetteurs établis bien connus au Canada
Le 4 janvier 2022 a pris effet un programme pilote des ACVM qui dispense les émetteurs établis bien connus de certaines obligations applicables aux prospectus préalables de base (le « programme pilote »). Ce programme est inspiré d’un régime comparable en place aux États-Unis; il y a néanmoins des différences importantes entre les deux. Par exemple, la dispense des ACVM n’élimine pas l’obligation de faire viser le prospectus préalable de base définitif avant de pouvoir déposer l’offre de placement. Cette exigence se traduit par un degré de certitude moindre qu’aux États-Unis quant aux délais et à l’exécution, les déclarations d’inscription déposées aux termes du régime américain prenant automatiquement effet.
Le programme pilote dispense surtout les émetteurs établis bien connus de l’obligation de déposer et de faire viser la version provisoire d’un prospectus préalable de base, ainsi que de certaines obligations d’information applicables à ce type de prospectus, comme celle d’indiquer le nombre et la valeur totale en dollars des titres pouvant être placés dans le cadre du prospectus préalable de base, de présenter le mode de placement et de décrire les titres faisant l’objet du placement et les porteurs vendeurs. Entre autres critères, l’émetteur établi bien connu doit remplir l’une des conditions suivantes dans les 60 jours précédant la date de dépôt : i) ses titres de capitaux propres inscrits à la cote ont un flottant d’au moins 500 millions de dollars[1]; ii) il a placé au moyen d’un prospectus des titres non convertibles, autres que des titres de capitaux propres, d’une valeur minimale totalisant 1 milliard de dollars dans le cadre de placements réalisés par voie de prospectus en numéraire au cours des trois dernières années.
De plus, il faut être à jour dans ses documents d’information continue, ne pas être en défaut au regard de la législation canadienne sur les valeurs mobilières et avoir été un émetteur assujetti dans au moins un territoire du Canada pendant 12 mois avant la date de dépôt. D’autres critères d’admissibilité s’appliquent aux émetteurs qui exercent des activités minières.
Le programme pilote est vu d’un bon œil, car il accélère l’accès aux marchés publics des émetteurs assujettis qui ont une certaine taille et existent depuis longtemps. Les émetteurs établis bien connus admissibles peuvent profiter plus rapidement des marchés financiers canadiens en passant directement au dépôt du prospectus préalable de base définitif. Par contraste, selon le régime en vigueur, les émetteurs prévoient souvent de quatre à cinq jours ouvrables pour l’examen réglementaire et les commentaires sur le prospectus préalable de base. Le programme pilote contribue aussi à aligner le système canadien des prospectus préalables sur le modèle américain pour les émetteurs établis bien connus.
À ce jour, 22 émetteurs assujettis ont déposé 25 prospectus en tant qu’émetteurs établis bien connus, l’autorité principale étant l’Ontario, les émetteurs assujettis continuent vraisemblablement de se prévaloir du programme jusqu’à ce qu’il prenne fin, le 4 juillet 2023; il est probable que, pendant ce temps, les ACVM étudient les problèmes opérationnels et les autres modifications à apporter pour instaurer un régime permanent.
Pour en savoir plus, consultez le bulletin Nouveau programme pilote pour les émetteurs établis bien connus de McMillan.
La TSX envisage l’adoption de lignes directrices sur l’établissement du prix des appels publics à l’épargne
Le 1er décembre 2022, la Bourse de Toronto (la « TSX ») a publié un projet de modifications (les « modifications proposées ») à apporter à l’article 606 du Guide à l’intention des sociétés de la TSX, qui devrait entrer en vigueur au premier trimestre de 2023.
Si elles sont adoptées, les modifications proposées établiront ce qui constitue un appel public à l’épargne de bonne foi à la lumière de trois grands facteurs. Premièrement, pour être considéré comme « de bonne foi », l’appel doit être largement commercialisé (c’est-à-dire constituer un placement pour lequel le mandataire ou le preneur ferme soit distribue les titres offerts à au moins 50 acheteurs, soit fait connaître l’offre au groupe de vente ou aux pupitres des marchés boursiers de tous les courtiers en valeurs mobilières canadiens). Deuxièmement, en supposant que le prospectus est largement commercialisé et qu’il n’y a pas de participation d’initiés, la TSX acceptera généralement le prix d’offre des placements offerts, quel que soit le montant de la décote. À noter que la TSX propose d’utiliser comme cours de référence le cours de clôture de la dernière séance de bourse complétée des titres inscrits de l’émetteur plutôt que leur cours moyen pondéré en fonction du volume pendant une période de cinq jours. Troisièmement, selon les modifications proposées, si les initiés d’un émetteur participent à un placement par voie de prospectus, la TSX examinera certains facteurs (dont la décote et la participation proportionnelle des initiés) pour établir si ses règles sur les placements privés s’appliqueront à la participation des initiés.
Les modifications proposées visent à apporter clarté, prévisibilité et transparence aux émetteurs et aux preneurs fermes lorsqu’ils structurent le financement par voie de prospectus.
Pour en savoir plus, consultez le bulletin La bourse de Toronto (TSX) envisage l’adoption de lignes directrices sur l’établissement du prix des appels publics à l’épargne de McMillan.
Lignes directrices de l’ARC sur le crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques (avant-projet de loi prévoyant des crédits d’impôt destinés à certains émetteurs du secteur minier)
En août 2022, le gouvernement fédéral a déposé un avant-projet de loi décrivant la mise en place d’un crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques de 30 % (le « CIEMC »), annoncé pour la première fois dans le budget fédéral de la même année. Le 15 décembre 2022, le projet de loi C-32 – Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2022 – a reçu la sanction royale, et les dispositions régissant le CIEMC ont été intégrées à la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (la « Loi de l’impôt sur le revenu »).
Le CIEMC devrait avoir un effet positif sur la capacité des sociétés d’exploration et d’exploitation de ressources minières à mobiliser des capitaux en émettant des actions accréditives. McMillan a traité de l’introduction du CIECM dans son bulletin Budget 2022 : d’importantes modifications au programme d’actions accréditives en vue. Le CIEMC de 30 % se veut une option de rechange au crédit d’impôt pour l’exploration minière de 15 % (le « CIEM »), et non un crédit additionnel.
S’il est vrai que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui régissent l’admissibilité au CIEMC sont structurellement comparables à celles qui encadrent le CIEM, des critères précis s’y ajoutent pour les émetteurs d’actions accréditives souhaitant profiter du CIEMC. Contrairement au CIEM, le CIEMC serait réservé aux investissements visant des sociétés minières qui recherchent des minéraux « critiques » déterminés, entrant souvent dans la fabrication de panneaux solaires, de batteries, d’aimants permanents et d’autres pièces de véhicules électriques[2]. De plus, les dispositions relatives au CIEMC obligent les émetteurs à obtenir un certificat d’un ingénieur ou d’un géoscientifique qualifié. Le formulaire prescrit (T100A-CERT Certificat d’un ingénieur ou d’un géoscientifique qualifié) oblige l’ingénieur ou le géoscientifique à indiquer les minéraux ciblés et à expliquer ce qui laisse croire que les gisements explorés contiennent principalement des minéraux critiques (plus de 50 %). Le CIEMC offre un avantage financier non négligeable aux petits émetteurs miniers à l’étape de l’exploration de minéraux critiques et une possibilité d’investissement attrayante pour les bailleurs de fonds.
Cryptomonnaies : les ACVM durcissent le ton
Les cryptomonnaies sont restées un sujet brûlant d’actualité tout au long de 2022, même si elles suscitaient peut-être moins d’enthousiasme qu’au cours des années précédentes, du fait de la baisse des cours et d’effondrements spectaculaires comme la faillite très médiatisée de FTX Trading Ltd. en novembre 2022. Ces tendances sous-tendent la volonté des organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières de renforcer la surveillance du secteur. La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario s’est montrée particulièrement résolue à cet égard, notamment en durcissant les mesures d’application prises contre les plateformes d’échange de cryptoactifs non inscrites. Sa détermination s’est aussi reflétée dans des commentaires de ses représentants, dont ceux de son chef de la direction, qui a déclaré en octobre 2022 que la réglementation des cryptomonnaies était absolument indispensable pour développer la confiance du public et favoriser leur adoption.
Après avoir annoncé en 2021 que l’inscription serait obligatoire pour les plateformes de crypoactifs, les ACVM ont établi que ces plateformes devraient dorénavant souscrire un engagement préalable à l’inscription. Elles ont indiqué que leurs membres pouvaient prendre des mesures dans le cas où une plateforme de négociation de cryptoactifs n’était pas disposée à souscrire un engagement ou n’en respectait pas les conditions[3]. Les engagements sont publiés par l’autorité principale de chaque plateforme et obligent cette dernière à respecter des conditions identiques à celles qui régiront son inscription. Ils obligent notamment les plateformes à recueillir les renseignements sur la connaissance du client et à évaluer la convenance, à détenir les actifs des clients auprès d’un dépositaire compétent et à publier une déclaration sur les risques pour les investisseurs.
Scission de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario en deux entités
En avril 2022, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») a fait l’objet d’une restructuration importante qui a entraîné la séparation de ses fonctions d’arbitrage et de réglementation. Dans le cadre de cet exercice, le Tribunal des marchés financiers (le « Tribunal ») a été créé pour exercer les pouvoirs d’arbitrage de la Commission, et les instances en cours lui ont été transférées. Ce changement reflète les recommandations contenues dans le rapport final du Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers, qui notait que la séparation de l’arbitrage du rôle de réglementation de la CVMO constituait une bonne pratique de gouvernance[4].
La séparation des fonctions de la CVMO a donné lieu à la nomination d’arbitres chargés de superviser les instances administratives introduites devant le Tribunal. Le rôle d’arbitre remplace le rôle antérieur de commissaire. L’arbitre en chef et les autres arbitres ne remplissent aucune autre fonction au sein de la CVMO. La séparation des fonctions devrait favoriser la prise de décisions justes et impartiales pour les parties comparaissant devant le Tribunal.
Modèle d’accès tenant lieu de transmission pour les émetteurs assujettis autres que les fonds d’investissement
L’emploi des technologies de communication se généralise dans le domaine du financement des entreprises, et les marchés financiers canadiens n’échappent pas à la tendance. En avril 2022, les ACVM ont publié des projets de modification visant l’adoption d’un modèle d’accès tenant lieu de transmission (le « modèle proposé ») pour les prospectus en général, les états financiers annuels, les rapports financiers intermédiaires et les rapports de gestion correspondants des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement. Le modèle proposé permettait essentiellement aux émetteurs assujettis de satisfaire à leurs obligations de transmission en vertu des lois sur les valeurs mobilières en fournissant un accès électronique aux documents pertinents et en annonçant la disponibilité des documents par communiqué. L’objectif visé est de réduire le fardeau réglementaire des émetteurs tout en fournissant un mode de communication de l’information aux investisseurs qui soit accessible, économique et rapide.
Les lois sur les sociétés continueront de s’appliquer même si les projets de modification sont adoptés, dont celles qui fixent des obligations de transmission qui ne seraient pas nécessairement remplies aux termes du modèle proposé. Des préoccupations ont été exprimées quant à la protection des investisseurs et au risque que l’adoption du modèle proposé n’entraîne une diminution de l’interaction avec les investisseurs. L’adoption du modèle d’accès tenant lieu de transmission refléterait néanmoins l’intégration croissante des technologies, et elle alignerait les pratiques du Canada avec celles d’autres pays.
Gouvernance d’entreprise : tendances et nouveautés sur le plan réglementaire
Modification des exigences de vote majoritaire prévues dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« LCSA »)
Le 31 août 2022, des modifications à la LCSA et au Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001) (le « RSARF ») sont entrées en vigueur. Elles portent, entre autres, sur le mode d’élection des administrateurs des sociétés ayant fait appel au public et des sociétés constituées sous le régime de la LCSA. Là où l’ancienne version de la loi permettait de voter « pour » ou de s’abstenir de voter, les émetteurs assujettis constitués en vertu de la LCSA doivent dorénavant, aux assemblées des actionnaires tenues après le 31 août 2022, laisser les actionnaires voter « pour » ou « contre » un candidat lors d’une élection non contestée; seuls les candidats ayant une majorité de votes « pour » sont élus. À moins que la société doive respecter un nombre prescrit d’administrateurs indépendants ou d’administrateurs ayant le statut de résident, la LCSA dispose qu’un candidat n’ayant pas récolté une majorité de votes « pour » ne peut être nommé administrateur avant l’assemblée générale annuelle subséquente.
Ce changement est important : un seul vote « pour » suffisait avant à devenir administrateur en cas d’élection non contestée. En conséquence des modifications apportées à la LCSA et au RSARF, les sociétés constituées en vertu de la LCSA et inscrites à la cote de la TSX n’ont plus l’obligation d’avoir une politique prévoyant qu’en cas d’élection non contestée, les administrateurs récoltant plus d’absentions que de votes « pour » remettent leur démission au conseil d’administration, car en pareil cas, les administrateurs ne seront plus élus.
Le 31 janvier 2023, les ACVM ont publié à l’intention des émetteurs assujettis constitués en vertu de la LCSA une dispense de l’obligation relative au formulaire de procuration dans le cadre d’une élection d’administrateurs non contestée. Selon le paragraphe 9.4(6) du Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue (le « Règlement 51-102 »), le formulaire de procuration doit donner aux actionnaires d’une société ouverte la possibilité de voter « pour » un candidat à une élection d’administrateurs ou de s’abstenir de voter. Les ACVM ont fait remarquer qu’aux termes des décisions générales les dispensant de l’obligation prévue au paragraphe 9.4(6) du Règlement 51-102, les sociétés constituées sous le régime de la LCSA pourraient se conformer aux exigences applicables de la LCSA et des règlements connexes.
Les changements apportés à la LCSA touchaient aussi les délais imposés aux actionnaires souhaitant soumettre une proposition à une société constituée en vertu de cette loi. Le délai est désormais de 90 à 150 jours avant la date anniversaire de la dernière assemblée générale des actionnaires (plutôt que 90 jours avant la date anniversaire de l’avis relatif à la dernière assemblée).
Modification de la loi de l’Alberta intitulée Business Corporations Act
Le 31 mai 2022, des modifications à la loi de l’Alberta intitulée Business Corporations Act (l’« ABCA ») sont entrées en vigueur. Elles représentent les démarches importantes que fait la province pour moderniser cette loi, améliorer l’efficacité des entreprises et réduire le fardeau réglementaire.
La modification de l’ACBA prévoit, entre autres, un élargissement du pouvoir discrétionnaire des tribunaux concernant les plans d’arrangement. Le plan d’arrangement est une procédure supervisée et approuvée par un tribunal par laquelle une société par actions peut réaliser une fusion, une acquisition, une réorganisation ou une restructuration de sa dette. On admettait généralement que les dispositions de la LCSA relatives aux plans d’arrangement étaient plus avantageuses et flexibles que celles de l’ABCA, surtout pour les opérations de restructuration de la dette. Avant sa modification, l’ABCA exigeait que les plans d’arrangement soient approuvés par une majorité d’au moins deux tiers des actionnaires et, s’il s’agissait de la dette, par une majorité de créanciers représentant au moins deux tiers des créances. Aujourd’hui, elle confère aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d’établir le seuil d’approbation des porteurs de titres applicable aux plans d’arrangement; il n’est plus obligatoire de convoquer une assemblée des actionnaires dans toutes les circonstances, et il n’y a plus de seuil de créanciers fixe à respecter pour les restructurations de la dette. Le tribunal est désormais habilité à rendre [traduction] « l’ordonnance provisoire ou définitive qui lui semble appropriée », y compris ordonner une suspension des procédures.
Diversité des genres au sein des conseils d’administration : des signes encourageants
Les ACVM ont rapporté de nouvelles avancées quant à la présence des femmes dans les conseils d’administration (CA). Elles poursuivent l’examen du modèle « se conformer ou s’expliquer » mis en place pour les émetteurs non émergents dans le but de soutenir la représentation des femmes au sein des CA et des équipes de direction. Dans leur dernier rapport, on lisait que 24 % des postes d’administrateur étaient occupés par des femmes, contre 22 % en 2021. C’est plus du double par rapport à 2015 (11 %). Pour en savoir plus sur ce rapport, cliquez ici.
Les sociétés de conseil mandataires Institutional Shareholder Services Inc. (« ISS ») et Glass Lewis & Co. (« Glass Lewis ») ont mis à jour leurs lignes directrices sur le vote par procuration pour la saison des procurations 2023[5]. Pour les émetteurs inscrits à la TSX, Glass Lewis recommande généralement de voter contre la présidence du comité des nominations si le CA ne compte pas au moins 30 % de personnes de genre non masculin, ou de voter contre le comité si le CA n’en compte aucune. Pour les sociétés de l’Indice composé S&P/TSX, ISS préconise un vote contre la présidence du comité des nominations si les femmes représentent moins de 30 % du CA. À noter que sa politique canadienne sur la diversité ne se limite plus au genre et comprend désormais des critères de diversité raciale ou ethnique. À compter de 2024, ISS s’attendra à ce qu’au moins une personne issue de la diversité raciale ou ethnique siège au CA de chaque société de l’Indice composé S&P/TSX.
Nouveautés dans le domaine de l’ESG
Information liée aux changements climatiques : exigences projetées
Le 18 octobre 2021, les ACVM ont publié pour consultation le projet de règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques et son instruction générale (collectivement le « projet réglementaire »). Le projet réglementaire vise à faire obligation aux émetteurs assujettis de communiquer l’information liée aux changements climatiques dans leurs notices annuelles et leurs rapports de gestion. Il rendrait obligatoire la communication d’information sur la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, les mesures et les cibles sur le plan climatique.
Depuis la fin de la période de commentaires, le 16 février 2022, le paysage de l’information sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) a considérablement évolué. En mars 2022, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a introduit des règles sur l’information liée aux changements climatiques, et l’International Sustainability Standards Board (un organisme de normalisation mis sur pied par l’IFRS Foundation) a proposé deux normes internationales sur l’information relative aux questions ESG. Le 12 octobre 2022, les ACVM ont dit « suiv[re] de près les travaux menés à l’international pour en déterminer l’incidence sur le projet réglementaire […] et éclairer davantage leur réflexion ». Elles ont souligné l’importance qu’a le « consensus international » dans le processus décisionnel et laissé entendre que le projet réglementaire serait revu à la lumière des normes internationales.
Écoblanchiment : les organismes de réglementation sévissent
L’intérêt suscité par les questions ESG a contribué à une croissance importante du marché des produits et services se donnant une image favorable à cette mouvance, ce qui fait augmenter le risque d’« écoblanchiment ». Face à ce risque grandissant, les organismes de réglementation des valeurs mobilières surveillent de près les pratiques de marketing et de conformité en matière de communication liée aux questions ESG.
D’où la publication, le 19 janvier 2022, de l’Avis 81-334 du personnel des ACVM – Information des fonds d’investissement au sujet des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (l’« avis 81-334 »). Au moment de rédiger l’avis en question, les ACVM ont analysé les documents d’information continue de 32 fonds liés aux ESG. Ayant constaté des incohérences dans les descriptions des stratégies d’investissement, elles ont décidé d’énoncer des lignes directrices sur la manière dont les règlements actuels concernant l’information s’appliquent aux fonds en question. Par exemple, les ACVM invitent les fonds qui ont des objectifs de placement liés aux facteurs ESG à rendre compte des éléments de leurs activités se rapportant à ces enjeux, y compris leur position ou leurs progrès vers l’atteinte des objectifs en question. Enfin, elles encouragent les fonds de placement ESG qui ont recours au vote par procuration comme stratégie à afficher sur leur site Web désigné tous leurs dossiers annuels en la matière.
Plus récemment, les ACVM ont publié leur rapport biennal sur le programme d’examen de l’information continue, qui évalue le respect des obligations d’information continue faites aux émetteurs assujettis. Dans l’Avis 51-364 du personnel des ACVM, Activités du programme d’examen de l’information continue pour les exercices terminés les 31 mars 2022 et 31 mars 2021 (l’« avis 51-364 »), entre autres, les ACVM invitent les émetteurs à garder leurs documents d’information exempts de langage exagérément promotionnel sur les facteurs ESG, et à éviter les incohérences entre les renseignements fournis de manière volontaire (p. ex., médias sociaux) et le contenu des documents d’information prescrits (p. ex., rapports de gestion). Pour en savoir plus, consultez le bulletin sur les avis 81-334 et 51-364 de McMillan.
Rio Tinto et actionnaires minoritaires
En décembre 2022, soit neuf mois après sa proposition publique initiale, Rio Tinto International Holdings Limited (« Rio Tinto ») a acquis la tranche de 49 % des actions de Turquoise Hill Resources Ltd. (« Turquoise Hill ») dont elle n’était pas propriétaire. L’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») (l’organisme québécois de réglementation des valeurs mobilières) s’est intéressée à la transaction lorsque Rio Tinto annoncé, en novembre 2022, avoir conclu des ententes spécialisées avec deux actionnaires dissidents, Pentwater Capital Management LP et SailingStone Capital Partners LLC (collectivement, les « actionnaires mentionnés »). Ceux-ci ont convenu de ne pas voter sur l’acquisition, à condition de pouvoir exercer leur droit de dissidence. Assujettie à Norme multilatérale 61-101 – Mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières (la « NM 61-101 »), la transaction exigeait l’approbation des porteurs minoritaires. Or, les ententes spécialisées auraient permis d’exclure du vote les 32 617 578 actions (environ 16 %) dont les actionnaires mentionnés étaient les propriétaires véritables. Il fait donc peu de doute que l’acquisition aurait eu l’aval du reste des actionnaires minoritaires.
En vertu des ententes avec Rio Tinto, les actionnaires mentionnés auraient touché, 80 % du montant de 43 $ par action prévu dans l’offre à la clôture, puis auraient reçu le reste après la décision arbitrale définitive sur la procédure de dissidence, en sus de toute somme accordée dans le cadre de ladite procédure. Face aux préoccupations de l’AMF relativement à l’intérêt public, Rio Tinto a résilié les ententes avec les actionnaires mentionnés et s’est engagée à faire la même offre à tous les actionnaires minoritaires de Turquoise Hill, à la différence que le droit de dissidence s’exercerait par la voie des tribunaux, et non par celle de l’arbitrage. Notons cependant que, compte tenu des coûts et des délais, les actionnaires font rarement valoir leur droit de dissidence auprès des tribunaux canadiens. C’est donc dire que cette voie n’intéressera vraisemblablement que les grands actionnaires.
Au pays, la réglementation des valeurs mobilières témoigne depuis longtemps d’un souci de protéger les droits des actionnaires minoritaires, soit l’objet de la NM 61-101. Si elle vise principalement à empêcher un traitement différencié, la NM 61-101 indique cependant que les avantages pour les actionnaires peuvent justifier une dérogation au principe du traitement équitable. À cet égard, les autorités canadiennes compétentes ont précisé que le fait d’offrir un traitement préférentiel à un porteur de titres en échange de son appui à une transaction n’était normalement pas justifiable et pouvait donc les amener à intervenir. Elles auraient pu conclure à un traitement inéquitable au regard des modalités plus flexibles et aux paiements potentiels plus élevés que les ententes spécialisées réservaient aux actionnaires mentionnés.
[1] Au sud de la frontière, le flottant minimal des émetteurs établis bien connus est établi à 750 millions de dollars américains.
[2] Les « minéraux critiques » sont : le nickel, le lithium, le cobalt, le graphite, le cuivre, les éléments de terres rares, le vanadium, le tellurium, le gallium, le scandium, le titane, le magnésium, le zinc, les éléments du groupe du platine et l’uranium.
[3] Les autorités en valeurs mobilières du Canada s’attendent à ce que les plateformes de négociation de cryptoactifs souscrivent un engagement en attente de leur inscription – Autorités canadiennes en valeurs mobilières (autorites-valeurs-mobilieres.ca)
[4] Rapport final du Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers, janvier 2021 (ontario.ca).
[5] Les lignes directrices sur le vote par procuration de Glass Lewis s’appliquent aux assemblées d’actionnaires de sociétés ouvertes tenues le 1erjanvier 2023 ou plus tard, et celles d’ISS, aux assemblées tenues à partir du 1er février 2023.
par Cynthia Sargeant, Ishita Kashyap, Ouvedi Rama Naiken, Patricia Chehadé, William Burke, Anju Xing, Cody Foggin, Khaleed Mawji (stagiaire en droit) et Shaniel Lewis (stagiaire en droit).
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023[
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