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Nouveau cadre de supervision des paiements de détail à la Banque du Canada

17 novembre 2022 Bulletin Services financiers Lecture de 6 min

Adoptée en juin 2021, la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (la « LAAPD ») a donné naissance à un nouveau régime réglementaire pour les paiements de détail, administré par la Banque du Canada (la « BDC »)[1]. L’arrivée de cette loi marque un moment décisif pour ce type de paiement, jusqu’ici très peu réglementé. Il s’agit d’un territoire inconnu pour la BDC, qui jouera pour la première fois le rôle d’organe de réglementation d’un secteur complet.

Pour ce faire, la BDC s’est récemment dotée d’un cadre de supervision, qui décrit comment elle compte encadrer les fournisseurs de services de paiement (les « FSP »), favoriser le respect de la LAAPD et se tenir au courant des tendances et enjeux du système[2]. Pour savoir qui fait partie des FSP, lire l’article intitulé « Qui est visé par la nouvelle réglementation canadienne des paiements de détail? ».

Dans un récent discours, Ron Morrow, directeur exécutif, Supervision des paiements de détail à la BDC, a noté que le cadre de supervision s’appliquerait aux organismes qui aident « des particuliers et des entreprises à effectuer des paiements de tous les jours » ou qui conservent ou transfèrent « des fonds électroniquement en leur nom »[3]. C’est dire que la définition générale de « FSP » ne sera probablement pas plus restreinte dans les règlements d’application de la LAAPD, qui seront publiés aux fins de consultation sous peu[4]. D’ailleurs, la BDC estime à plus de 2 500 les entités dont elle aura la responsabilité, dont de nombreuses sociétés de technologies financières, et presse celles-ci d’entamer leurs préparatifs[5].

Le présent article offre un aperçu du nouveau cadre de supervision de la BDC, en ce qui touche l’enregistrement, le suivi des risques et l’application.

Enregistrement

Les FSP canadiens et étrangers qui gèrent les activités de paiement de détail de personnes physiques ou morales au Canada devront s’enregistrer auprès de la BDC lorsque les dispositions de la LAAPD à ce sujet entreront en vigueur, vraisemblablement en 2024[6]. La LAAPD prévoit une période de transition pour donner à la BDC le temps de traiter les demandes et permettre aux fournisseurs actuels de poursuivre leurs activités entre-temps[7].

La durée de cette période n’a pas encore été révélée, mais elle commencera dès l’entrée en vigueur de l’article 29 de la LAAPD (sur l’enregistrement des FSP)[8]. Pour faciliter l’enregistrement, la BDC travaille à la création d’un portail Web où les demandeurs et les FSP enregistrés devront soumettre leurs informations d’enregistrement, payer les droits applicables et s’acquitter de leurs obligations de déclaration aux termes de la LAAPD[9].

La BDC transmettra les demandes conformes à la LAAPD au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (le « CANAFE ») et au ministère des Finances du Canada aux fins de l’examen relatif à la sécurité nationale[10] . Les entreprises de services monétaires qui mènent des activités visées par la LAAPD doivent s’enregistrer en tant que FSP auprès de la BDC[11]. À noter cependant que celles qui sont déjà inscrites auprès du CANAFE n’ont pas eu à se soumettre à un examen relatif à la sécurité nationale pour s’enregistrer en tant qu’entreprises de services monétaires et doivent donc subir cet examen lorsqu’elles s’enregistrent en tant que FSP.  Une fois enregistrés, les FSP doivent respecter la LAAPD et payer des cotisations annuelles[12]. La BDC peut refuser ou révoquer un enregistrement pour plusieurs raisons, y compris en fonction de l’information fournie par le CANAFE, à la demande du ministère des Finances du Canada pour des raisons de sécurité nationale ou si le demandeur cesse de mener les activités associées aux paiements de détail[13]. La BDC s’assure que les personnes physiques ou morales non enregistrées qui offrent des services de paiement respectent les critères d’enregistrement et peut leur imposer des sanctions pour les y contraindre[14]. Elle peut aussi surveiller les personnes dont l’enregistrement a été refusé ou révoqué pour veiller à ce qu’elles cessent leurs activités[15].

Suivi des risques

Les FSP doivent se doter d’un cadre d’atténuation des risques opérationnels et d’intervention en cas d’incident. Conformément à ce cadre, ils doivent signaler à la BDC les incidents ayant des répercussions importantes sur l’utilisateur final, d’autres FSP ou certains systèmes de compensation et de règlement. De plus, les FSP qui détiennent des fonds d’utilisateurs finaux doivent prendre des mesures pour protéger ces fonds jusqu’à leur retrait ou leur transfert[16].

Les FSP doivent enfin présenter trois types de rapports pour que la BDC puisse évaluer leur conformité au cadre de supervision. Le premier est un rapport annuel sur l’atténuation des risques opérationnels, l’intervention en cas d’incident et la protection des fonds d’utilisateurs finaux, s’il y a lieu. Le deuxième avise la BDC de tout changement considérable aux activités de paiement de détail de l’entreprise ou des nouvelles activités de cette dernière. Le troisième porte sur les incidents ayant des répercussions importantes sur l’utilisateur final ou d’autres entités[17].

Application

Outre le suivi des risques, la BDC s’est dotée d’un ensemble d’outils pour promouvoir le respect de la LAAPD et gérer les infractions. Par exemple, elle peut conclure une transaction officielle avec un FSP pour corriger une infraction. Elle peut aussi délivrer un avis de défaut en cas de contravention et publier le nom de l’entreprise et la nature de l’infraction sur son site Web.

L’avis de défaut peut s’accompagner d’une sanction administrative pécuniaire (la « SAP ») ou d’une offre de transaction. Si le FSP choisit la transaction, il aura seulement à payer la moitié de la SAP. Toutefois, s’il ne respecte pas les modalités de la transaction, il devra payer le reste, ainsi qu’une sanction supplémentaire, qui sera établie par règlement[18]. La SAP sera publiée et peut s’élever à 10 millions de dollars dans les cas les plus graves[19].

Le gouverneur de la BDC peut aussi prendre un arrêté de conformité contre un FSP s’il croit que ce dernier a commis – ou serait sur le point de commettre – un acte pouvant avoir des répercussions importantes sur les utilisateurs finaux, d’autres FSP ou certains systèmes de compensation et de règlement. Il peut en outre demander à une cour supérieure de rendre une ordonnance obligeant le FSP concerné à cesser l’acte interdit, à se conformer à la LAAPD ou à obéir à un arrêté de conformité[20].

Conclusion

Le nouveau cadre de supervision de la BDC est le fruit de consultations avec nombre d’intervenants, y compris le Comité consultatif sur les paiements de détail, formé par la BDC pour recueillir de l’information sur le paysage des services de paiement de détail au Canada auprès des spécialistes du secteur[21]. Ce comité a récemment vu son mandat prolongé après sa date de fin initiale de septembre 2022, pour pouvoir continuer d’accompagner la BDC dans cette nouvelle étape de la réglementation du secteur.

Les acteurs du milieu canadien des paiements de détail ont tout intérêt à se préparer à ce nouveau régime réglementaire, notamment en vérifiant s’il leur faudra s’enregistrer en tant que FSP quand les dispositions à ce sujet entreront en vigueur. La BDC fait aussi remarquer que sa stratégie et son cadre de supervision pourraient changer avant ou après l’entrée en vigueur de l’obligation d’enregistrement, en fonction des règlements d’application qui seront publiés par le ministère des Finances du Canada, pour clarifier la LAAPD, et des changements dans le milieu[22]. Ces règlements devraient faire l’objet de consultations en 2023[23].

[1] Loi sur les activités associées aux paiements de détail, L.C. 2021, c. 23, art. 177.
[2] Banque du Canada. À propos du cadre de supervision des paiements de détail. En ligne.
[3] Ron Morrow. Se préparer pour la supervision des paiements. En ligne : Sommet Canadian Innovation Exchange (2 novembre 2022).
[4] La BDC n’est pas elle-même chargée de la rédaction des règlements d’application de la LAAPD, mais elle aura sans doute un rôle consultatif important à jouer auprès du ministère des Finances du Canada.
[5] Se préparer pour la supervision des paiements.
[6] Idem.
[7] À propos du cadre de supervision des paiements de détail.
[8] Loi sur les activités associées aux paiements de détail, C. 2021, c. 23, art n 177.
[9] À propos du cadre de supervision des paiements de détail.
[10] Idem.
[11] Banque du Canada. Supervision des paiements de détail. En ligne.
[12] À propos du cadre de supervision des paiements de détail.
[13] Idem.
[14] Idem.
[15] Idem.
[16] Idem. Une description générale des mesures requises pour protéger les fonds de l’utilisateur final sera sans doute publiée avec les règlements, et des descriptions détaillées feront probablement l’objet de lignes directrices de la BDC. La nature exacte des mesures reste la plus grande incertitude entourant la réglementation des paiements de détail au Canada.
[17] Idem.
[18] Idem.
[19] Se préparer pour la supervision des paiements.
[20] À propos du cadre de supervision des paiements de détail.
[21] Banque du Canada. Comité consultatif sur les paiements de détail. En ligne.
[22] À propos du cadre de supervision des paiements de détail.
[23] Se préparer pour la supervision des paiements.

par Shahen Mirakian, Darcy Ammerman, Pat Forgione, Robert Piasentin et Srinidhi Akkur (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022

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