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Ottawa mènera une consultation publique sur le bien-fondé d’un registre des agents étrangers

9 janvier 2023 Bulletin sur le gouvernement et les affaires publiques Lecture de 6 min

Début décembre 2022, le ministre de la Sécurité publique du Canada, Marco Mendicino, a annoncé que le gouvernement fédéral lancerait sous peu une consultation publique sur la possible création d’un « registre des agents étrangers »[1], mesure qui viserait à accroître la transparence des rapports avec l’État[2]. Un tel registre contraindrait vraisemblablement des personnes et des entités travaillant au nom d’États étrangers à déclarer toute activité visant à influencer les politiques de l’État canadien, les représentants de ce dernier et le milieu politique canadien.

La raison d’être du registre envisagé peut sembler s’apparenter à celle de la Loi sur le lobbying. Après tout, cette loi fédérale encadre les communications avec des titulaires de charge publique (et les appels au grand public) ayant pour but d’influencer certaines décisions concernant les lois, la réglementation ou les politiques fédérales ou encore l’octroi de subventions ou d’autres avantages financiers par l’État canadien[3], ce qui comprend les activités de lobbying au nom d’États étrangers. La Loi sur le lobbying s’applique toutefois uniquement aux activités de lobbying rémunérées, et des États étrangers peuvent chercher à influencer des responsables canadiens et leurs décisions en dehors du cadre de cette loi et sans que leurs agents ne déclarent leurs liens avec eux. Un registre des agents étrangers s’appliquerait aux personnes et aux entités qui tentent de promouvoir des intérêts purement étrangers, que leurs activités entrent ou non dans le champ d’application de la législation actuelle sur le lobbying.

Le Canada ne serait pas le premier pays à se doter d’un registre des agents étrangers. Ce ne sera pas non plus la première fois qu’on débattra de ce sujet à Ottawa. Le sénateur Leo Housakos a présenté l’an dernier un projet de loi proposant la création d’un registre des agents d’influence étrangers; le texte de loi est actuellement en deuxième lecture[4]. Pareils registres existent déjà aux États-Unis, en Australie et en Israël, et le Royaume-Uni étudie actuellement son propre projet de loi sur la question. Nous proposons ci-après un survol de ces registres existants et proposés.

Registres existants 

États-Unis

Les États-Unis se sont dotés d’un registre des agents étrangers en 1938, en vertu de la Foreign Agents Registration Act (FARA). Selon le Département de la Justice des États-Unis, ce registre a pour objectif d’aider à déceler toute influence étrangère exercée auxÉtats-Unis et est conçu pour répondre aux menaces contre la sécurité nationale et favoriser la transparence avec le public[5]. La FARA oblige tout agent d’un commettant étranger (en anglais, agent of a foreign principal) à s’inscrire au registre et à faire une déclaration à l’État américain s’il :

  • [traduction] participe à des activités politiques au nom d’un commettant étranger;
  • agit comme conseiller en relations publiques, agent, employé des services d’information ou conseiller politique d’un commettant étranger;
  • sollicite, collecte ou verse des contributions, des prêts ou quoi que ce soit d’autre de valeur pour un commettant étranger ou dans l’intérêt d’un commettant étranger;
  • représente les intérêts d’un commettant étranger auprès d’un organisme ou d’un représentant du gouvernement des États-Unis[6].

La FARA définit « commettant étranger » (foreign principal) comme suit :

  • [traduction] un gouvernement ou un parti politique étranger; toute personne non citoyenne des États-Unis;
  • toute entité créée en vertu des lois d’un pays étranger et dont le principal établissement est situé à l’étranger;
  • une faction étrangère ou un groupe d’insurgés étranger dont les États-Unis n’ont pas encore reconnu la légitimité[7].

Certaines personnes sont cependant dispensées de l’obligation d’inscription, notamment le personnel diplomatique, les personnes menant une activité commerciale légitime qui ne sert pas purement des intérêts étrangers, les personnes menant des activités de financement pour des causes humanitaires, les personnes menant diverses activités se rapportant à la défense des États-Unis et les personnes déjà inscrites en vertu de la Lobbying Disclosure Act[8].

Australie

L’Australie s’est donné un cadre réglementaire comparable en 2018, sous le régime de la Foreign Influence Transparency Scheme Act 2018 (FITSA). La FITSA a aussi été créée dans une optique de transparence avec le public quant à la nature et à l’étendue de l’influence étrangère. La loi rend obligatoire l’inscription des personnes et des entités menant les activités suivantes au nom d’un commettant étranger :

  • [traduction] du lobbying auprès du Parlement;
  • du lobbying politique général;
  • des activités de communication;
  • des activités comportant le versement de sommes d’argent ou d’autres choses de valeur[9].

La FITSA définit « commettant étranger » (foreign principal) comme suit :

  • [traduction] un gouvernement étranger;
  • une organisation politique étrangère;
  • une entité liée à un gouvernement étranger;
  • une personne liée à un gouvernement étranger[10].

Aux termes de la loi, le secrétaire du Procureur général peut aussi publier un avis de transparence désignant une personne ou une entité comme un commettant étranger. Les désignations ainsi faites peuvent aider à déterminer si les rapports avec une entité étrangère ou la représentation de celle-ci nécessitent une inscription.

La FITSA prévoit également des dispenses d’inscription, notamment pour les personnes travaillant dans les domaines de l’aide humanitaire, des conseils juridiques et des activités diplomatiques et consulaires, les fonctionnaires étrangers ainsi que les employés d’une entité gouvernementale étrangère menant une activité professionnelle ou commerciale. Sont également dispensés d’inscription les députés australiens[11].

Israël

La Knesset israélienne a créé son propre registre des agents étrangers en 2016, en s’écartant toutefois considérablement, à certains égards, des modèles retenus ailleurs dans le monde. Le registre israélien, adopté en vertu de la loi relative à l’obligation de déclaration des financements étrangers, oblige les entités sans but lucratif qui obtiennent du financement d’entités politiques étrangères à produire une déclaration trimestrielle. Les déclarations doivent identifier les donateurs et indiquer les montants reçus, l’objectif des dons et toute condition dont ils sont assortis. Le modèle israélien a aussi comme caractéristique de ne pas exiger de déclarations pour les particuliers[12].

Par ailleurs, toute entité sans but lucratif israélienne dont le financement, pour le plus récent exercice, provenait en majeure partie d’une entité politique étrangère est tenue de déclarer ce fait :

  • dans toute communication publique, ce qui comprend notamment les publicités télévisées et les publications sur Internet et sur des babillards;
  • dans toute demande écrite à un fournisseur de service public ou à un représentant élu sur des questions se rapportant à leurs fonctions officielles;
  • dans tout rapport qu’elle publie[13].

La loi définit une entité politique étrangère comme suit :

  • [traduction] une association, une organisation ou un groupe de pays étrangers;
  • un organe, un organisme ou un représentant d’un pays étranger ou une association de pays étrangers;
  • une autorité locale ou régionale ou une autorité dirigeante d’un pays étranger;
  • une association, une organisation ou un groupe d’entités étrangères;
  • l’Autorité palestinienne;
  • une société constituée sous le régime de droit d’une des entités susmentionnées et contrôlée à plus de 50 % par l’entité étrangère en question;
  • toute société étrangère dont le rapport financier du plus récent exercice indique qu’elle était financée principalement par une entité d’une des catégories susmentionnées[14].

Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, le législateur étudie actuellement un projet de loi qui créerait un régime d’inscription comportant deux volets. Le premier volet rendrait obligatoire la déclaration des activités d’influence politique menées à la demande d’un pouvoir étranger ou d’une entité étrangère. Toute personne ou entité menant de telles activités serait tenue d’en déclarer la nature et de déclarer quand a été conclu l’arrangement lui demandant de les mener. Le régime exigerait que la déclaration soit faite dans les 10 jours suivant la demande ou, à tout le moins, avant que l’activité n’ait lieu. Seraient dispensées des obligations de déclaration les parties qui exercent des fonctions officielles, comme les employés des services extérieurs, les membres des médias et toute personne ou entité ayant déjà conclu un arrangement avec l’État[15].

Le second volet du régime autoriserait le Secrétaire de l’Intérieur à désigner toute entité comme un pouvoir étranger ou une entité contrôlée par un pouvoir étranger, pour protéger les intérêts nationaux. Les personnes travaillant avec de telles entités ou pour elles seraient également tenues de déclarer les activités menées[16].

Le projet de loi est actuellement à l’étude à la Chambre des lords[17].

Conclusion

L’instauration d’un registre des agents étrangers au Canada aurait des répercussions importantes. D’abord, le public serait mieux renseigné sur les personnes et les entités qui essaient d’influencer les activités politiques au pays. Un registre suppléerait par ailleurs à la Loi sur le lobbying, qui ne s’applique pas aux activités non rémunérées. Enfin, l’incidence d’un registre des agents étrangers dépendrait de la formulation de la loi l’encadrant, et le projet de loi à l’étude sur la question est encore peu avancé.

Nous suivrons ce dossier et ferons le point sur son évolution en temps utile. Entre-temps, McMillan reste à la disposition des entreprises pour les aider à interpréter les lois se rapportant au lobbying et au contexte politique. Pour en savoir plus à ce propos, veuillez communiquer avec Timothy Cullen ou Jeremiah Kopp.

<a id=”1″></a>[1] Jim Bronskill, Liberals to consult public on merits of a foreign agent registry, Mendicino says, 2 décembre 2022, en ligne : National Newswatch [Bronskill]
<a id=”2″></a>[2] Id.
<a id=”3″></a>[3] Loi sur le lobbying, L.R.C. 1985, ch. 44, art. 5
<a id=”4″></a>[4] S-237 : Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel, 24 février 2022, en ligne : Legisinfo
<a id=”5″></a>[5] FARA Foreign Agents Registration Act, en ligne : The United States Department of Justice
<a id=”6″></a>[6] FARA Frequently Asked Questions, en ligne : The United States Department of Justice
<a id=”7″></a>[7] Id.
<a id=”8″></a>[8] Id.
<a id=”9″></a>[9] Foreign Influence Transparency Scheme, en ligne : Australian Government Attorney-General’s Department
<a id=”10″></a>[10] Id.
<a id=”11″></a>[11] Foreign Influence Transparency Scheme: Exemptions from registration, en ligne : Australian Government Attorney-General’s Department
<a id=”12″></a>[12] Ruth Levush, Israel: Disclosure Requirements for Organization Funded by Foreign Political Entities, 19 juillet 2016, en ligne : Library of Congress
<a id=”13″></a>[13] Id.
<a id=”14″></a>[14] Id.
<a id=”15″></a>[15] Foreign Influence Registration Scheme to make clandestine political activity illegal, 18 octobre 2022, en ligne : Government of the United Kingdom Home Office
<a id=”16″></a>[16] Id.
<a id=”17″></a>[17] UK Parliament: Parliamentary Bills, mis à jour le 1er décembre 2022, en ligne : UK Parliament

par Timothy Cullen, Jeremiah Kopp et Justin Novick-Faille (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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