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Préapprobation des financements privés d’action collective – La Cour supérieure du Québec émet de sérieuses réserves

Le 30 juillet 2024 Bulletin Litige et règlement des différends Lecture de 3 min

Dans l’affaire récente E.L. c. Procureur général du Québec, la Cour supérieure du Québec refuse de préapprouver une entente de financement privé présentée par le demandeur d’une action collective[1]. La Cour rappelle que les honoraires des avocats en demande, et, conséquemment la raisonnabilité de l’entente proposée, ne peuvent s’évaluer qu’à la lumière des résultats obtenus suivant un jugement final ou un règlement hors cour. Une préapprobation ne peut donc être accordée.

Contexte

Dans le cadre d’une action collective non encore autorisée, la demanderesse et ses avocats demandent à ce que la Cour préapprouve l’entente de financement privé (Litigation Funding Agreement (LFA)) conclu avec la mise en cause Omni Bridgeway (Fund 5) Canada Investments Ltd. La défenderesse s’oppose.

Au Québec, aucune règle n’exige qu’une telle entente soit approuvée par les tribunaux à un moment précis. Néanmoins, suivant l’article 593 du Code de procédure civile, l’indemnité pour le paiement des honoraires du représentant doit être soumise à la surveillance des tribunaux, ce qui inclut tout LFA qui établirait d’avance le montant ou le mode de calcul des honoraires :

593. Le tribunal peut accorder une indemnité au représentant pour le paiement de ses débours de même qu’un montant pour le paiement des frais de justice et des honoraires de son avocat, le tout payable à même le montant du recouvrement collectif ou avant le paiement des réclamations individuelles.

Il s’assure, en tenant compte de l’intérêt des membres du groupe, que les honoraires de l’avocat du représentant sont raisonnables; autrement, il peut les fixer au montant qu’il indique.

Il entend, avant de se prononcer sur les frais de justice et les honoraires, le Fonds d’aide aux actions collectives que celui-ci ait ou non attribué une aide au représentant. Le tribunal prend en compte le fait que le Fonds ait garanti le paiement de tout ou partie des frais de justice ou des honoraires.

La préapprobation de financement privé

La Cour supérieure du Québec permet le dépôt du LFA mais rejette sa préapprobation.

Pour parvenir à sa décision, la Cour supérieure évalue le caractère raisonnable du LFA et discute du concept de préapprobation des financements privés d’action collective. Elle juge que le droit appliqué par les jugements québécois précédents ne lui permet pas d’approuver ce LFA. Même si elle le pouvait, elle juge cette préautorisation inopportune.

La convention d’honoraires en litige permettait aux avocats du demandeur d’obtenir, en cas de succès, leurs honoraires multipliés par des « facteurs multiplicatifs » ce qui vise à compenser pour les risques entrepris. Ce faisant, ce type de conventions leur permet de percevoir davantage que leur taux horaire applicable, à condition que ces honoraires restent raisonnables.

Afin d’évaluer la raisonnabilité de ces honoraires, le tribunal analyse divers facteurs incluant le résultat obtenu. Ce faisant, une telle analyse s’avère impossible en l’absence de règlement ou de jugement au fond.

La Cour note qu’une préapprobation forcerait le tribunal à approuver le LFA sans posséder tous les renseignements nécessaires à l’examen du caractère raisonnable des honoraires ni de déterminer l’impact du LFA sur ces honoraires. Elle invite cependant le demandeur à déposer une demande de préapprobation plus restreinte, qui serait limitée notamment aux frais de justice et d’expertise connus ou prévisibles.

Le Québec fait bande à part

Par cette décision, le Québec fait bande à part de ses homonymes canadiens. Par exemple, en Ontario, l’article 33.1 de la Loi de 1992 sur les recours collectifs[2] confère expressément aux tribunaux ontariens le pouvoir de préapprouver des ententes de financement privé d’actions collectives, à condition que les honoraires soient raisonnables[3].

À retenir

  • La Cour supérieure du Québec refuse de préapprouver une entente de financement privé d’action collective;
  • Ce serait uniquement à la fin du litige, lorsque le tribunal possède tous les renseignements nécessaires à l’évaluation de la raisonnabilité de l’entente, que celle-ci pourrait être approuvée;
  • Au contraire, les tribunaux du reste du Canada permettent une telle préapprobation;
  •  Malgré cela, il demeure possible de faire préapprouver au Québec un financement restreint aux coûts encourus ou prévisibles.

[1] E.L. c. Procureur général du Québec, 2024 QCCS 1386 [E.L.] (en français seulement).
[2] Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, c. 6 connue sous le titre anglais de Class Proceedings Act [CPA].
[3] E.L., par. 9.

Par Joséane Chrétien

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis. Il est préférable d’obtenir un avis juridique spécifique.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

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