Réglementation de l’IA : tour d’horizon mondial des faits nouveaux
Réglementation de l’IA : tour d’horizon mondial des faits nouveaux
L’évolution rapide des technologies d’intelligence artificielle (« IA ») ouvre des perspectives emballantes, mais pose aussi son lot de défis. Dans le monde entier, pouvoirs publics, autorités de réglementation, groupes de défense des consommateurs et éthiciens de l’IA cherchent comment tirer le meilleur de l’IA tout en limitant les risques qu’elle peut présenter.
Même Mira Murati, directrice de la technologie d’OpenAI, l’entreprise créatrice de ChatGPT, réclame publiquement la réglementation de l’IA[1]. On ne s’étonnera donc pas que cette question occupe actuellement une place dominante dans les projets de réglementation aux quatre coins de la planète.
McMillan suit activement l’évolution des questions entourant l’IA. Le présent bulletin fait la synthèse des faits nouveaux récents touchant sa réglementation au Canada et ailleurs dans le monde.
Canada
- La Loi sur l’intelligence artificielle et les données passe à l’examen en comité. La Loi sur l’intelligence artificielle et les données (la « LIAD»), un volet du projet de loi C-27, est à l’étude au Parlement depuis l’été dernier. On reproche à la LIAD d’accorder de vastes pouvoirs au gouvernement (dont la possibilité d’imposer des amendes pouvant atteindre 25 millions de dollars ou 5 % du chiffre d’affaires mondial) tout en omettant les fins détails, que préciseront des règlements à venir. Les législateurs ont néanmoins voté, le 24 avril, pour que le projet de loi passe à l’examen en comité, lui faisant franchir une étape de plus vers son adoption.
Cette avancée fait suite à la publication, par Innovation, Sciences et Développement économique Canada (« ISDE »), d’un document complémentaire à la LIAD[2]. Ce document décrit l’échéancier sur deux ans que se donne ISDE pour élaborer des projets de réglementation, période au cours de laquelle le ministère consultera des parties prenantes et cherchera à aligner la réglementation canadienne sur les normes internationales. Pour en savoir plus sur le document complémentaire d’ISDE, voir le bulletin que nous y avons consacré.
- Le CPVP enquête sur ChatGPT. En avril 2023, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le « CPVP ») a annoncé avoir ouvert une enquête sur OpenAI, à la suite d’une plainte selon laquelle des renseignements personnels ont été recueillis, utilisés et communiqués sans consentement[3]. Selon le communiqué, la technologie d’IA est une priorité pour le Commissariat.
Le CPVP a aussi publié récemment un guide en deux parties sur l’équité algorithmique, signalant ainsi sa maîtrise des aspects techniques des systèmes d’IA[4].
- Le BSIF publie des orientations sur les bonnes pratiques applicables à l’IA. Dans le secteur des services financiers, le Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF») et le Global Risk Institute (le « GRI ») ont publié en avril 2023 un rapport conjoint sur les bonnes pratiques de gestion des risques liés à l’IA[5]. Ce rapport définit les principes E-D-G-E (explicabilité, données, gouvernance et éthique) applicables à l’utilisation responsable de l’IA dans les institutions financières. Le BSIF devrait publier d’autres lignes directrices sur l’utilisation de l’IA, pour consultation publique, au cours de l’année 2023. Pour en savoir plus sur le rapport conjoint, voir le bulletin que nous y avons consacré.
- Le gouvernement fédéral met à jour sa Directive sur la prise de décisions automatisée. Ottawa a mis à jour sa Directive sur la prise de décisions automatisée le 25 avril, après une période de mobilisation des intervenants. Les modifications comprennent l’élargissement de la portée et de nouvelles mesures concernant les explications à fournir après les décisions, une vérification des biais, la gouvernance des données, l’« analyse comparative entre les sexes plus » et un examen par les pairs[6].
États-Unis
La FTC fait des mises en garde. La Federal Trade Commission a publié récemment deux billets de blogue signalant un resserrement de sa surveillance en ce qui concerne l’utilisation de l’IA. Les billets soulignent les risques d’utilisation frauduleuse et de tromperie liés à l’IA et mettent en garde les entreprises du secteur contre la tentation de tomber dans l’exagération, dans leur publicité, quant à ce que peuvent faire leurs produits[7].
- Le U.S. Copyright Office publie un énoncé de politique. Le U.S. Copyright Office a publié des orientations sur l’enregistrement de droit d’auteur pour les œuvres renfermant du contenu généré par IA. On y lit qu’un particulier ne peut demander la protection par droit d’auteur que pour sa propre contribution à une œuvre, et que tout contenu généré par lA qui représente plus qu’une partie minime de l’œuvre doit être exclu de la demande[8].
- Collaboration avec l’Europe pour l’innovation en IA. Au début de 2023, l’Union européenne et les États-Unis ont conclu un arrangement administratif sur l’intelligence artificielle qui se fonde sur les principes énoncés dans la déclaration américaine intitulée Declaration for the Future of the Internet[9]. Les deux ordres de gouvernement échangeront des ressources et collaboreront à la recherche sur l’IA, dans le but non de réduire les risques que peut poser l’IA, mais d’accroître le recours à des technologies émergentes pour résoudre des problèmes mondiaux, dans des domaines aussi variés que les changements climatiques, les catastrophes naturelles, la santé et la médicine, l’optimisation des réseaux électriques et l’agriculture.
- Vers une loi fédérale sur l’IA? En avril 2023, l’administration Biden a annoncé qu’elle sollicitait des commentaires sur d’éventuelles mesures de responsabilisation liées aux technologies d’IA, à la lumière de la croissance renversante que connaît ChatGPT[10]. La National Telecommunications and Information Administration entend publier ultérieurement un rapport qui guidera le travail de l’administration dans ce domaine.
Les États-Unis commencent aussi à envisager la possibilité de prendre des mesures législatives en vue de réglementer ChatGPT. Le sénateur Chuck Schumer fait circuler un cadre de réglementation qu’il propose pour l’IA. Il s’agit du signe le plus manifeste à ce jour que les États-Unis comptent réglementer ce domaine. Si aucun projet de loi n’a encore été présenté, il ne fait aucun doute que l’IA et ChatGPT alimentent bien des débats à Washington.
Faits nouveaux à l’international
- Des spécialistes pressent l’Union européenne d’élargir le champ d’application de la législation sur l’intelligence artificielle. L’Union européenne avait elle aussi vu venir la nécessité de légiférer pour encadrer l’utilisation de l’IA. La législation sur l’intelligence artificielle y a été proposée dès 2021 et est actuellement à l’étude au Parlement européen[11]. Devant la vitesse fulgurante d’adoption de ChatGPT, un groupe d’éminents spécialistes et de signataires institutionnels a récemment publié une lettre ouverte pour réclamer un élargissement de la législation, afin que soient réglementés les systèmes d’IA à usage général (comme ChatGPT et les générateurs d’images)[12].
- Le Royaume-Uni publie un Livre blanc. Le Royaume-Uni a récemment publié un Livre blanc qui vise à orienter l’utilisation de l’IA dans le pays tout en maintenant la confiance du public dans la technologie[13]. Le document s’articule autour de cinq principes, à savoir l’équité, la transparence, la sécurité, la responsabilisation et la contestabilité, et il cherche à garantir que de nouveaux règlements ne restreignent pas indûment l’innovation. Il propose que des organismes de réglementation existants élaborent des approches adaptées au contexte, afin de réglementer les technologies d’IA en fonction de l’usage qui en est fait dans leurs secteurs respectifs. L’objectif : encourager une innovation responsable tout en veillant à ce que l’IA soit développée et utilisée d’une manière qui profite à l’ensemble de la société.
- ChatGPT dans la mire des autorités de protection de la vie privée de l’UE. L’Italie est devenue en mars 2023 le premier pays occidental à interdire l’utilisation de ChatGPT[14]. À la suite de cette décision et d’autres examens d’organismes de réglementation (en Allemagne, en Espagne et en France), le European Data Protection Board a créé un groupe de travail qui se penchera spécialement sur ChatGPT[15].
- Chine. L’autorité chinoise de réglementation du cyberespace a dévoilé un projet de règles visant les services de génération de contenu utilisant l’IA[16]. Selon les règles proposées, le contenu généré devra refléter les valeurs du socialisme et ne pas faire de discrimination fondée sur la race, l’ethnicité ou le genre, entre autres choses.
- Japon. Le Japon fait bande à part pour ce qui est d’encadrer la génération de contenu alimentée par l’IA. Selon le Japan Times, l’État nippon n’envisage pas de réglementer ChatGPT, mais explorerait plutôt la possibilité d’utiliser des logiciels de ce type pour réduire la charge de travail des fonctionnaires[17].
[1] The Creator of ChatGPT Thinks AI Should Be Regulated | Time Magazine.
[2] ISDE publie un document complémentaire au projet de loi sur l’IA : échéancier, lignes directrices et application | McMillan.
[3] Le Commissariat ouvre une enquête sur ChatGPT | Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
[4] Blogue Savoir Techno : Le choc des mondes – les possibilités et les limites de l’équité algorithmique, 1re partie et 2e partie | Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
[5] IA et services financiers : il faut se protéger et gérer les risques, affirment le BSIF et le GRI à l’aube d’un resserrement des lignes directrices | McMillan.
[6] Directive sur la prise de décisions automatisée | Gouvernement du Canada.
[7] Chatbots, deepfakes, and voice clones: AI deception for sale et Keep your AI claims in check | Federal Trade Commission.
[8] Copyright Registration Guidance: Works Containing Material Generated by Artificial Intelligence | U.S. Copyright Office.
[9] The European Union and the Unites States of America strengthen cooperation on research in Artificial Intelligence and computing for the Public Good | Commission européenne.
[10] US begins study of possible rules to regulate AI like ChatGPT | Reuters.
[11] The European Union’s Artificial Intelligence Act, explained Forum économique mondial.
[12] Five considerations to guide the regulation of “General Purpose AI” in the EU’s AI Act | AI Now Institute; EU to regulate ‘general purpose’ AI like ChatGPT | Tech Monitor.
[13] UK unveils world leading approach to innovation in first artificial intelligence white paper to turbocharge growth | Gouvernement du Royaume-Uni.
[14] Italy became the first Western country to ban ChatGPT| CNBC.
[15] EDPB resolves dispute on transfers by Meta and creates task force on Chat GPT | Union européenne, Comité européen de la protection des données.
[16] China releases rules for generative AI like ChatGPT after Alibaba, Baidu launch services | CNBC.
[17] Japan not considering regulations on ChatGPT | The Japan Times.
par Robbie Grant, Adam Chisholm, Mark Opashinov, Robert Piasentin, Lyndsay Wasser et Vaughan Rawes (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023
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