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Soyez prêts : le Canada promet une révision majeure de la réglementation en matière de travail forcé

18 décembre 2024 Bulletin sur le commerce international Lecture de 6 min

Le 16 décembre 2024, le gouvernement du Canada a publié l’Énoncé économique de l’automne de 2024 (« l’Énoncé »). Tout en réitérant les objectifs et les engagements antérieurs en matière de protection des droits de la personne dans les chaînes d’approvisionnement, l’Énoncé décrit les prochaines étapes de la législation sur la diligence raisonnable pour les chaînes d’approvisionnement et les mesures qui renforceront l’interdiction d’importer des biens issus du travail forcé en vigueur au Canada[1].

Le Canada maintient actuellement une interdiction d’importer des biens issus du travail forcé et du travail des enfants, et exige de certaines entités qu’elles rendent compte chaque année de leurs efforts pour lutter contre le travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement[2]. Cette nouvelle législation irait beaucoup plus loin en exigeant des entreprises qu’elles prennent activement des mesures pour lutter contre le travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement et pas seulement qu’elles rendent compte des mesures qu’elles ont prises.

1. Un cadre législatif de diligence raisonnable pour les chaînes d’approvisionnement

La loi qui établira un cadre de diligence raisonnable pour les chaînes d’approvisionnement (la « Loi ») exigerait des entités ayant des activités au Canada qu’elles examinent leurs chaînes d’approvisionnement pour détecter les risques d’atteinte aux droits fondamentaux de la personne et des travailleurs, et exigerait des entreprises qu’elles prennent des mesures décisives pour éliminer ces risques[3]. Le gouvernement a également proposé la création d’un nouvel organisme de surveillance complémentaire au régime qui assurera la conformité à cette Loi.

Cet engagement s’appuierait sur le régime actuel d’obligation de faire rapport prévu par la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, et obligerait certaines entités à mettre en œuvre des mesures de diligence raisonnable, plutôt que de se contenter de faire rapport sur les mesures existantes.

Il est probable que la Loi finira par englober et remplacer le cadre législatif actuel des chaînes d’approvisionnement du Canada. Le Canada pourrait suivre l’exemple de ses partenaires internationaux en imposant un seuil pour déterminer quelles entités seront assujetties à la Loi. Dans l’Union européenne, par exemple, les entreprises constituées dans un État membre, employant plus de 1 000 personnes et ayant réalisé un chiffre d’affaires mondial net supérieur à 450 000 000 euros au cours du dernier exercice, sont tenues de se conformer aux mesures de diligence raisonnable prévues par la Directive[4]. D’autres pays imposent des exigences similaires pour limiter l’applicabilité de la législation à des entreprises spécifiques[5].

Enfin, compte tenu de l’état actuel des changements au sein des services gouvernementaux chargés de ces projets, nous nous attendons à ce qu’il y ait une période de transition liée à la mise en œuvre de la nouvelle législation. En outre, l’intégration des enseignements tirés de la mise en œuvre de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement permettrait de répondre à certaines des incertitudes inhérentes à l’adoption de la Loi.

Régimes internationaux de diligence raisonnable pour les chaînes d’approvisionnement

Bien qu’aucun texte définitif n’ait été proposé, il est probable que la Loi s’inspirera des régimes existants ailleurs dans le monde. Par exemple, l’Union européenne, la France et l’Allemagne ont toutes mis en place des régimes complets de diligence raisonnable qui obligent les entités à surveiller étroitement leurs chaînes d’approvisionnement.

La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité oblige certaines entités à identifier, prévenir, atténuer le travail forcé dans leurs activités et dans leurs chaînes d’approvisionnement, et à en faire rapport, dans le cadre de leurs obligations plus larges de diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d’environnement[6]. La Loi relative au devoir de vigilance en France et la loi allemande sur le devoir de diligence des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement obligent certaines entreprises à établir un plan de vigilance interne prévoyant des mesures de vigilance relatives, entre autres, aux violations des droits de la personne et des libertés fondamentales par l’entreprise et ses sous-traitants ou fournisseurs, y compris par le biais de mécanismes de cartographie de la chaîne d’approvisionnement et de processus de suivi avec les sous-traitants et les fournisseurs[7].

Si le Canada suit cet exemple, il exigera probablement des entités qui font des affaires au Canada avec des chaînes d’approvisionnement mondiales qu’elles établissent une cartographie plus stricte de la chaîne d’approvisionnement et des communications avec leurs partenaires fournisseurs et vendeurs.

2. Renforcement de l’interdiction d’importer des biens issus du travail forcé au Canada

L’Énoncé propose en outre un budget de 25,1 millions de dollars réparti sur deux ans, à partir de 2025-2026, pour mettre en œuvre des modifications législatives visant à renforcer l’interdiction d’importer des biens issus du travail forcé[8]. Les fonds seraient confiés à Affaires mondiales Canada et à l’Agence des services frontaliers du Canada.

Selon l’Énoncé, le gouvernement a l’intention de modifier l’interdiction existante afin d’imposer aux importateurs l’obligation de démontrer que leurs chaînes d’approvisionnement sont exemptes de travail forcé et de travail des enfants. Cela pourrait ressembler à l’inversion du fardeau de la preuve en vigueur aux États-Unis dans le cadre de la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours (Uyghur Forced Labour Prevention Act).

Prochaines étapes

Les mesures proposées intégreront les normes ESG et les normes de durabilité dans le régime canadien de diligence raisonnable en matière de chaîne d’approvisionnement. Certains détails restent à être clarifiés, par exemple les seuils qui joueront un rôle important pour déterminer qui doit se conformer aux exigences existantes; les entités peuvent néanmoins déjà prendre certaines mesures pour se préparer à l’adoption de la Loi. L’équipe McMillan vous informera dès que de nouvelles informations seront disponibles.

De nombreuses entités au Canada sont probablement déjà exposées aux régimes de diligence raisonnable en matière de droits de la personne à l’échelle mondiale en tant que sous-traitants et fournisseurs d’entreprises soumises à ces régimes. Les mesures proposées par le gouvernement aligneront probablement le Canada sur les normes internationales et sur les mesures adoptées par ses partenaires internationaux, et pourraient permettre d’éviter des restrictions commerciales dans des pays où ont déjà été mises en place des obligations en matière de droits de la personne et de diligence raisonnable.

Néanmoins, les entités doivent maintenant envisager des mécanismes internes de traçage de la chaîne d’approvisionnement et s’assurer qu’elles ont une bonne visibilité de leurs fournisseurs et vendeurs. En pratique, la législation proposée exigera des entités qu’elles investissent dans des systèmes, des formations et de l’expertise afin de répondre pleinement aux préoccupations liées à la chaîne d’approvisionnement et d’atténuer le risque qu’elles engagent leur responsabilité légale en cas de non-conformité. Les entités devraient envisager de manière proactive la mise en œuvre d’une cartographie de la chaîne d’approvisionnement, l’élaboration d’une politique interne, des campagnes de formation et de sensibilisation, des mesures visant à stimuler l’engagement des parties prenantes et des mécanismes de contrôle de la chaîne d’approvisionnement. Enfin, les entités doivent maintenant se préparer à déposer leur rapport annuel obligatoire sur le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, qui doit être remis dans la plupart des cas avant le 31 mai 2025.

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. offre aux entités canadiennes et internationales des conseils sur leurs obligations en vertu du régime canadien des chaînes d’approvisionnement et sur la mise en œuvre de mesures de diligence raisonnable en matière d’ESG et de droits de la personne. Notre équipe reste disponible pour vous aider à faire face à ces changements en matière de conformité.

[1] Ministère des Finances du Canada, Énoncé économique de l’automne de 2024, en ligne.
[2] L’équipe de McMillan a écrit abondamment sur l’évolution législative en la matière. Pour plus de renseignements, consultez : Nouvelles exigences d’information pour les entreprises : le projet de loi sur l’esclavage moderne est adopté, McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.; Les entreprises canadiennes doivent se préparer à une nouvelle obligation de faire rapport sur les chaînes d’approvisionnement et le travail forcé; La lutte contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement sous l’angle des douanes canadiennes.
[3] Voir : Ministère des Finances du Canada, Protéger les emplois et l’économie, en ligne.
[4] Union européenne, Directive 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, alinéa 2(1)(a).
[5] Voir par exemple en France la Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, art. L. 225-102-4.-I., et la loi allemande sur le devoir de diligence des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement du 16 juillet 2023 (Loi LkSG), par. 1(1).
[6] Union européenne, Directive 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
[7] Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, article 1; Loi LkSG, 16 juillet 2023.
[8] Voir le bulletin précédent de McMillan : Le Canada propose des exigences plus strictes en matière de chaîne d’approvisionnement pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants, publié le 30 octobre 2024.

par Sharon Singh, Radha Curpen, William Pellerin, Tayler Farrell et Brigid Martin

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2024

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