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Zone de turbulences pour FlightHub – Une gracieuseté du Bureau de la concurrence

November 2019 Marketing and Advertising Bulletin Lecture de 9 min

Le 28 octobre 2019, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a annoncé qu’un « consentement temporaire »[1] avait été enregistré auprès du Tribunal de la concurrence afin de protéger les consommateurs contre ce qu’elle considère comme étant des indications fausses ou trompeuses entraînant la facturation de frais cachés pour les vols offerts par Groupe FlightHub Inc. (« FlightHub »). FlightHub est une entreprise de voyages en ligne qui offre aux consommateurs un accès à des grossistes, à des compagnies aériennes et à des fournisseurs hôteliers au Canada. En utilisant l’interface en ligne de FlightHub, les consommateurs peuvent faire une recherche parmi un large éventail d’offres de vols, d’hôtels et de croisières émanant d’un grand nombre de fournisseurs différents, comparer les prix, puis réserver leur voyage directement sur le site.

Dans son communiqué, le Bureau mentionne que son enquête sur FlightHub se poursuit, y compris l’examen des « indications de FlightHub relativement aux services liés aux vols, comme la sélection de sièges et l’annulation de vols », qui ont supposément entraîné la facturation de frais cachés et qui auraient permis à FlightHub de générer des millions de dollars de revenus. De plus, le Bureau enquête sur des allégations selon lesquelles le prix des billets d’avion augmenterait parfois après que les consommateurs ont sélectionné leurs vols. Bien que le Bureau mentionne dans son communiqué avoir examiné « des milliers de plaintes des consommateurs » concernant les pratiques commerciales de FlightHub, il encourage quand même les consommateurs qui estiment avoir été induits en erreur lors de l’achat de billets d’avion en ligne à formuler une plainte au Bureau.

Ce fait nouveau est important pour plusieurs raisons, notamment le fait que le Bureau utilise le « consentement temporaire » comme redressement provisoire et qu’il exerce des mandats de perquisition pour avoir accès aux documents de FlightHub. Il met également en évidence les efforts que le Bureau doit continuellement fournir à l’ère du numérique. Chacun de ces éléments est exposé plus en détail ci-après.

Le consentement temporaire

À la connaissance des auteurs du présent bulletin, le Bureau de la concurrence n’a jamais conclu un « consentement temporaire » de cette nature auparavant[2]. Ce consentement étant un « consentement temporaire », il lie FlightHub jusqu’à la conclusion de l’enquête du commissaire de la concurrence sur les pratiques de FlightHub qui donnera lieu (i) à un consentement final, (ii) à une décision du Tribunal, ou (iii) à un délai supplémentaire convenu par FlightHub et le commissaire. Dans le « consentement temporaire », FlightHub s’engage à s’abstenir d’exercer certains pratiques que le commissaire considère comme étant trompeuses pour les consommateurs qui réservent des billets d’avion et qui font des achats connexes au moyen de son site Web. FlightHub prend notamment les engagements suivants:

  1. elle ne donnera pas d’indication qui crée une impression générale fausse ou trompeuse sur un point important en ce qui concerne la sélection des sièges pour les vols, y compris une indication fausse ou trompeuse qui crée l’impression que les consommateurs peuvent choisir un siège précis, indiquer leur préférence à l’égard d’un siège sans payer de frais supplémentaires ou que FlightHub leur garantit qu’ils auront leur siège ou leur préférence de siège sur un vol (alors que ce ne sera pas le cas);
  2. elle ne donnera pas d’indication qui crée une impression générale fausse ou trompeuse sur un point important en ce qui concerne le droit d’annulation ou de changement de réservation des consommateurs, y compris une indication fausse ou trompeuse qui crée l’impression que les consommateurs peuvent annuler ou changer leur réservation à l’égard des vols sans avoir à payer des frais supplémentaires ou une indication fausse ou trompeuse qui crée l’impression que le droit d’annulation et/ou de changement de réservation offert par FlightHub accorde aux consommateurs une prolongation de leur droit d’annulation et/ou de changement de réservation ou plus de marge de manœuvre à cet égard (alors que ce ne sera pas le cas).

Le débat est ouvert, selon nous, quant à savoir si le « consentement temporaire », tel qu’il a été rédigé, constitue vraiment un consentement valide, étant donné qu’il ne renferme pas de déclaration définitive selon laquelle le commissaire a conclu que la défenderesse avait bel et bien eu le comportement inapproprié qui est allégué[3]. Toutefois, étant donné qu’il est peu probable qu’une personne touchée soit susceptible de contester la validité d’un consentement temporaire, cela peut expliquer pourquoi le Bureau et FlightHub ont choisi ce mécanisme.

Les clauses liminaires du consentement temporaire nous indiquent que le commissaire constate que le comportement trompeur allégué de FlightHub cause un dommage grave et que ce dommage sera vraisemblablement causé en l’absence d’une ordonnance temporaire rendue en vertu du paragraphe 74.11(1) de la Loi ou à moins que le consentement temporaire dans lequel FlightHub accepte de mettre fin au comportement inapproprié ne soit enregistré. Autrement dit, n’eût été le consentement temporaire, le commissaire aurait demandé une ordonnance temporaire en vertu de la Loi; par conséquent, le consentement vise à remplacer l’ordonnance temporaire.

Cette mesure prise par le Bureau est conforme aux déclarations récentes du commissaire et de cadres supérieurs du Bureau dans lesquelles ils ont indiqué clairement que le Bureau prévoyait intensifier ses efforts en matière d’application et recourir davantage aux injonctions. Plus particulièrement, en mai 2019, le commissaire a déclaré que « l’application active de la loi sera à l’avant-scène », que le Bureau « [se] servir[a] de tous les outils dont [il] dispos[e] afin de régler ce [qu’il] consid[ère] être des conduites problématiques. Cela signifie notamment accorder une plus grande considération au recours à certains outils dans le cadre de [son] travail, comme les demandes d’injonction », et que le Bureau « utiliser[a] ces outils plus fréquemment, là où les ressources le permettront, afin de mettre fin aux comportements en question en attendant une audience en bonne et due forme »[4]. De même, Josephine Palumbo, sous-commissaire au Bureau responsable de la direction des pratiques commerciales trompeuses, mentionne dans le cadre d’une présentation qu’elle a faite en octobre 2019 que [TRADUCTION] « [v]ous pouvez vous attendre à plus de demandes d’injonction, à des mesures d’application plus rigoureuses, et à ce que les causes soient portées devant les tribunaux afin de protéger les consommateurs canadiens et de favoriser la concurrence de l’économie numérique »[5]. Bien que le « consentement temporaire » ne porte pas le nom d’« injonction », il semble avoir des effets semblables en pratique et son utilisation s’inscrit dans le sens des déclarations récentes du commissaire.

Le fait que le Bureau et la partie visée par l’enquête aient recours au consentement temporaire au lieu de l’injonction comporte plusieurs avantages. D’abord, cela donne le ton, et marque la volonté du Bureau et de la partie visée par l’enquête de travailler ensemble pour trouver une solution que les deux parties jugent acceptable d’un commun accord. Dans le cas présent, en ce qui concerne le concept de la coopération mutuelle, FlightHub a émis un communiqué [en anglais seulement] dans lequel elle mentionne qu’elle travaille en collaboration avec le Bureau et qu’elle [TRADUCTION] « est fière de tracer le chemin qui traverse le secteur du voyage en ligne au Canada ». À l’instar de FlightHub, le Bureau mentionne dans son communiqué que « FlightHub collabore à l’enquête du Bureau ». Ensuite, le recours au consentement temporaire permet aux parties d’exprimer les modalités précises sur lesquelles elles s’entendent au lieu de prendre le risque que le Tribunal les modifie. Une requête en injonction (même sur consentement) donnerait au Tribunal de la concurrence la possibilité de modifier l’ordonnance d’injonction s’il le juge approprié, ou de refuser de rendre l’ordonnance que les parties ont proposée. Les consentements, par ailleurs, sont simplement enregistrés auprès du Tribunal, et le Tribunal ne peut leur apporter aucune modification.

À l’avenir, les parties devraient tenir compte du fait que le Bureau semble avoir l’intention de recourir aux injonctions ou à des redressements provisoires semblables.

Utilisation d’un mandat de perquisition

Dans son communiqué, le Bureau mentionne que « [p]lus tôt cette année, le Bureau a exécuté des mandats de perquisition au siège social de [FlightHub] et a saisi des documents pertinents ». Sauf dans les cas où il fait carrément des allégations de fraude ou d’escroquerie, le Bureau n’a pas l’habitude d’utiliser le mandat de perquisition comme technique d’enquête dans les causes de publicité de trompeuse. Dans ce type de causes, le Bureau s’adresse habituellement aux parties et a recours aux demandes de renseignements ou aux ordonnances exigeant une déposition orale ou une déclaration écrite prévues à l’article 11 de la Loi comme principal moyen pour obtenir des renseignements et des documents pertinents auprès des parties qui sont visées par son enquête. On ne sait pas exactement pourquoi le Bureau a eu recours à des mandats de perquisition dans ce cas-ci, ni si cela marque une augmentation des mandats de perquisition à l’avenir. On ne sait pas encore non plus quel type de renseignements le Bureau voulait saisir de FlightHub dans le cadre du mandat de perquisition. Quoi qu’il en soit, les entreprises devraient tenir compte du fait que le Bureau est prêt à utiliser toutes ses techniques d’enquête lorsqu’il le juge approprié, et que les parties qui ont supposément eu un comportement trompeur courent le risque que le Bureau se présente à leurs portes sans avertissement pour saisir des documents et des dossiers pertinents.

L’engagement du Bureau en matière de protection des consommateurs dans l’économie numérique

Cette enquête fait partie d’une série d’enquêtes effectuées par le Bureau récemment dans l’espace numérique, et elle représente une indication claire de la priorité que le Bureau compte accorder aux dossiers d’application dans l’économie numérique[6]. Le communiqué du Bureau comprend une citation du commissaire dans laquelle celui-ci mentionne qu’il « s’est engagé à ce que le Bureau utilise tous les outils à sa disposition pour mettre un frein aux pratiques commerciales trompeuses dans le marché en ligne ». Le communiqué du Bureau renferme également un hyperlien vers un discours que le commissaire a prononcé récemment qui s’intitule « Aucune rivière trop vaste ni montagne trop haute : l’application de la loi et la promotion de la concurrence à l’ère numérique ». Dans ce discours, le commissaire a insisté sur le fait que le Bureau continuera « d’accorder la priorité aux enquêtes sur les indications trompeuses données en ligne » et qu’il se « concentrer[a] sur l’amélioration de la confiance dans l’économie numérique ». L’enquête du Bureau sur FlightHub semble démontrer que le Bureau accordera une importance particulière aux dossiers portant sur les produits en ligne et les produits numériques.

Conclusion

L’enquête du Bureau sur FlightHub se poursuit. Il sera intéressant de suivre cette affaire et de voir comment elle sera réglée. Dans l’intervalle, les entreprises et les consommateurs devraient noter que le Bureau s’acquitte activement de son mandat qui consiste à protéger les consommateurs dans l’espace numérique et qu’il est prêt à utiliser des techniques d’enquêtes novatrices et à recourir à des redressements inédits pour atteindre ses objectifs.

par James Musgrove, Dan Edmondstone et Joshua Chad

[1] Le commissaire de la concurrence et FlightHub Group Inc. / Groupe Flighthub Inc., anciennement 7513283 Canada Inc., Consentement temporaire (2019-10-28).
[2] Le commissaire a conclu des ordonnances de consentement « provisoires » et des consentements « provisoires » dans le cadre de fusionnements proposés qui obligeaient les parties aux fusionnements proposés à détenir leurs actifs ou leurs informations de façon séparée afin qu’il soit possible éventuellement de procéder au dessaisissement des entreprises, ou à s’abstenir de faire certains investissements pendant que l’examen du fusionnement par le Bureau était en cours.
[3] Dans sa décision qu’il a rendue en septembre 2014 dans l’affaire Kobo Inc. c. Le commissaire de la concurrence, que nous avons présentée dans un bulletin antérieur, le Tribunal de la concurrence a conclu que sa compétence se limitait à l’examen de trois éléments lorsqu’une partie contestait la validité d’un consentement. Dans le cadre de l’affaire FlightHub, l’élément le plus important parmi ces trois éléments est le fait que le consentement doit comporter un accord explicite entre le commissaire et la ou les défenderesses selon lequel chacun de ces éléments a bien été respecté, ou une déclaration du commissaire selon laquelle celui-ci conclut que chacun de ces éléments a bien été respecté, ainsi qu’une déclaration de la ou des défenderesses indiquant qu’elles ne contestent pas cette conclusion du commissaire. Dans les clauses liminaires du consentement temporaire de FlightHub, chacune des conclusions du commissaire est précédée des mots « et attendu que le commissaire constate » plutôt que « le commissaire a conclu que… ». En fait, les clauses liminaires du consentement temporaire prévoient expressément que l’enquête du commissaire est en cours. Les termes utilisés dans le consentement, à savoir « et attendu que le commissaire constate », semblent tirés du paragraphe 74.11(1) de la Loi sur la concurrence (la « Loi »). Or, cette disposition porte précisément sur les ordonnances temporaires. Le consentement temporaire prévoit que le commissaire aurait demandé une ordonnance temporaire en vertu du paragraphe 74.11(1) de la Loi. Le tribunal rendra une telle ordonnance à l’égard d’une personne si, d’après lui, cette personne a un comportement susceptible d’examen et s’il « constate » que, en l’absence de l’ordonnance, un dommage grave sera vraisemblablement causé et que, après l’évaluation comparative des inconvénients, il est préférable de rendre l’ordonnance. Il n’est pas certain si la conclusion du commissaire selon laquelle il respecte les critères pour l’obtention d’une ordonnance temporaire est suffisante et respecte les critères du consentement énoncés dans la décision rendue dans l’affaire Kobo, FlightHub n’ayant pas contesté cette affirmation afin de pouvoir conclure le consentement temporaire.
[4] Commissaire Matthew Boswell, « Aucune rivière trop vaste ni montagne trop haute : l’application de la loi et la promotion de la concurrence à l’ère numérique » (Notes de l’allocution prononcée lors de la Conférence du printemps 2019 sur le droit de la concurrence de l’Association du Barreau canadien, à Toronto, le 7 mai 2019).
[5] Josephine Palumbo, « Update from the Competition Bureau » (Présentation audio en anglais seulement) (Présentation portant sur le droit de la publicité et de la commercialisation en 2019 offerte dans le cadre d’une conférence organisée par l’Association du Barreau de l’Ontario, à Toronto, le 3 octobre 2019).
[6] Bureau de la concurrence, « Plan annuel 2019-2020 : Sauvegarder l’avenir de la concurrence »(le 25 juillet 2019).

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

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