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Réforme du lobbying, une impression de déjà vu? La Commissaire au lobbying du Canada recommande une fois encore de resserrer les obligations incombant aux lobbyistes

19 mars 2021 Bulletin sur le droit du lobbying Lecture de 5 min

Le mois dernier, la Commissaire au lobbying du Canada (la « Commissaire ») a publié un rapport intitulé « Améliorer la Loi sur le lobbying –  Recommandations préliminaires ». Les parties prenantes qui suivent de près la réforme du droit fédéral du lobbying seront pardonnées d’avoir une impression de déjà vu; le rapport paraît presque 10 ans après le dernier examen de la Loi sur le lobbying (la « Loi ») par le Comité permanent de l’accès à l’information de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes, à l’occasion duquel la Commissaire avait aussi préparé un rapport contenant des recommandations de réforme[1]. Le rapport de la Commissaire de décembre 2011 contenait neuf recommandations. Dix ans plus tard, son rapport de février 2021 contient 11 recommandations préliminaires, dont six sont les mêmes ou à peu de chose près les mêmes que celles qu’elle avait formulées auparavant. Fondées sur les valeurs de transparence, d’équité, de clarté et d’efficacité, les 11 recommandations préliminaires soumises par la Commissaire peuvent être rangées en trois catégories, à savoir :

1. Harmonisation des obligations incombant aux lobbyistes salariés et aux lobbyistes-conseils

La Loi sur le lobbying est fondée sur le principe que l’activité de lobbying des titulaires d’une charge publique est une activité légitime aussi longtemps que le système est transparent, et range les lobbyistes en deux catégories, les lobbyistes en organisation/entreprise (« en entreprise ») et les lobbyistes-conseils. Les lobbyistes qui travaillent au sein d’organisations ou d’entreprises sont appelés les lobbyistes salariés, et ils exercent leurs activités pour le compte de leur organisation ou entreprise. Les lobbyistes-conseils sont des personnes physiques ou des entreprises externes à une organisation et sont payés pour exercer des activités de lobbying pour le compte de cette organisation. La Loi, pour le moment, impose différentes exigences à ces deux groupes différents.

La Commissaire veut changer cela. Dans la recommandation 1, elle propose d’exiger des lobbyistes salariés qu’ils enregistrent leurs activités de lobbying par défaut (ou, en d’autres termes, de suivre la norme appliquée aux lobbyistes-conseils). Actuellement, les entreprises et organisations ne sont tenues d’enregistrer leurs activités de lobbying que lorsque celles-ci constituent une « partie importante des fonctions d’un employé », un seuil que la Commissaire trouve « difficile à appliquer et à faire respecter ».

Dans sa recommandation 2, la Commissaire veut ramener de deux mois à 15 jours le délai dont disposent les lobbyistes salariés pour enregistrer leurs activités (et de hausser de 10 jours à 15 jours le délai dont disposent les lobbyistes-conseils pour leur enregistrement). Si ces recommandations étaient mises en œuvre, toute interaction avec le gouvernement par une société ou une organisation déclencherait une obligation d’enregistrement et de déclaration devant être acquittée dans des délais serrés.

La Commissaire recommande aussi qu’aux fins de l’enregistrement, les membres des conseils d’administration qui sont payés et exercent des activités de lobbying soient considérés comme des employés de l’entreprise ou de l’organisation, plutôt que comme des lobbyistes-conseils comme c’est le cas actuellement (recommandation 4). Parmi les autres recommandations, citons l’harmonisation des exigences de divulgation et l’application de l’exigence d’interdiction quinquennale d’exercer des activités de lobbying après la cessation des fonctions aux lobbyistes salariés employés par des entreprises et à ceux employés par des organisations (recommandations 3 et 7).

2. Extension des exigences de déclaration pour les rapports de communication mensuels

Les lobbyistes sont actuellement tenus de produire des rapports de communication mensuels sommaires lorsqu’une « communication orale » avec un « titulaire d’une charge publique désignée » est « organisée à l’avance » et « engagée » par un lobbyiste. Selon la Commissaire, ces critères découlent d’une « absence d’information [qui] nuit davantage à la transparence du régime de lobbying. » En tant que telle, la recommandation 5 propose que des rapports de communication mensuels soient exigés pour toutes les communications orales avec les titulaires d’une charge publique désignée et énumèrent tous les participants à la communication, et que ces rapports énumèrent tous les participants à la communication. La Commissaire recommande de plus que les déclarants soient tenus de divulguer les informations contextuelles prescrites – comme l’information liée aux voyages parrainés, aux événements, aux cadeaux et aux contributions politiques dans leurs rapports de communication mensuels (recommandation 6). En exigeant cette information supplémentaire, la Commissaire veut améliorer la transparence du système.

3. Réforme des mécanismes de conformité et de mise en exécution

La dernière catégorie de recommandations a trait à la conformité et à la mise en exécution. À cet égard, la Commissaire reconnaît la rigidité et les lacunes du système actuel. Pour pallier à ce manque de souplesse de la Loi, elle propose d’introduire de nouvelles formes de sanctions, comme des formations, des sanctions administratives pécuniaires et des interdictions temporaires, lesquelles feraient contrepoids aux options existantes que sont les amendes, les peines de prison et l’interdiction de lobbying pouvant aller jusqu’à deux ans (recommandation 8). S’attaquant aux limites du système actuel, la Commissaire propose de rendre des ordonnances exécutoires en permettant que les ordonnances produites par la Commissaire au lobbying deviennent des ordonnances de la Cour fédérale (recommandation 9) et que les renvois relatifs à des infractions alléguées à la Loi sur le lobbying (ou à d’autres législations fédérales ou provinciales) soient adressés à toute autorité compétente (recommandation 10). Enfin, dans sa recommandation 11, la Commissaire propose que la Loi soit modifiée pour qu’une immunité contre les poursuites civiles ou pénales soit accordée à la Commissaire au lobbying et à son personnel.

Points saillants

  • Les modifications recommandées par la Commissaire sont considérables. Elles reviendraient à imposer des obligations plus strictes à tous les lobbyistes, en particulier aux lobbyistes salariés, tout en conférant à la Commissaire une plus large gamme d’outils aux fins de conformité et de mise en exécution.
  • En dépit des changements proposés, ces recommandations préliminaires ne vont pas aussi loin que les lois sur le lobbying dans certaines provinces ou municipalités. Par exemple, des modifications à la loi sur le lobbying de la Colombie-Britannique au printemps 2020 ont imposé aux lobbyistes salariés des règles plus sévères et s’appliquent à une plus grande fraction du secteur public, dont les sociétés d’État et des entités désignées prescrites. Bon nombre des lois sur le lobbying provinciales s’appliquent aux sociétés d’État et autres entités publiques prescrites.
  • Pour les sociétés qui font affaire avec le secteur public, les recommandations préliminaires de la Commissaire laissent intacte la définition de lobbying, ce qui veut dire que les communications avec des titulaires d’une charge publique fédérale au sujet de l’attribution d’un contrat ne constituent pas du lobbying lorsqu’elles sont effectuées par des lobbyistes salariés. Ainsi les activités commerciales de vente et de marketing (mise en marché et commercialisation) qui pourraient rentrer dans la définition de lobbying dans certains ressorts, ne déclencheront pas des obligations d’enregistrement ou de déclaration si elles sont effectuées par des lobbyistes salariés (ce qui comprend les membres les équipes de vente, les gestionnaires de compte, etc.) à l’échelle fédérale.
  • Le Comité permanent de l’accès à l’information de la protection des renseignements personnels et de l’éthique va donc examiner les 11 recommandations. Certes, les entreprises et les organisations qui interagissent avec le gouvernement seraient bien avisées de se tenir au courant de l’évolution de la situation. Cependant, on doit faire observer que le dernier examen de la Loi sur le lobbying par le Comité permanent de l’accès à l’information de la protection des renseignements personnels et de l’éthique en 2012 a débouché sur un rapport contenant 11 recommandations, lesquelles n’ont donné lieu à aucune modification législative, même si le gouvernement les appuyait. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, plus de la moitié des recommandations préliminaires actuelles avaient déjà été faites par la Commissaire en 2011. En bref, les recommandations préliminaires de la Commissaire ne sont pas près d’être entérinées dans une loi.

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l., ainsi que son service d’affaires publiques, McMillan Vantage – Affaires publiques, est là pour aider les entreprises à s’y retrouver dans l’écheveau complexe de la conformité en matière de lobbying et/ou les relations gouvernementales. Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Timothy Cullen ou Tessa Seager.

par Timothy Cullen, Tessa Seager (McMillan Vantage) et Jeremiah Kopp (stagiaire)

[1] Mise en œuvre de la Loi sur le lobbying – Observations et recommandations fondées sur l’expérience des cinq dernières années

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021

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