Revue de l’année 2020 pour les technologies financières (fintech) : développements réglementaires canadiens
Revue de l’année 2020 pour les technologies financières (fintech) : développements réglementaires canadiens
Les technologies financières (fintech) ont rapidement gagné l’attention des consommateurs, des entreprises et des autorités de réglementation au cours des dernières années. La valeur de l’innovation suscitée par le technologies financières est devenue de plus en plus évidente en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, laquelle a forcé de nombreuses personnes et entreprises à accélérer l’adoption des technologies, notamment dans l’espace des technologies financières. Selon une étude de Paiements Canada publiée en mai 2020, 62 % des Canadiens ont déclaré utiliser moins d’argent comptant depuis le début de la pandémie, et 53 % des Canadiens ont déclaré utiliser de plus en plus de modes de paiement sans contact, ce qui démontre à quel point le comportement des consommateurs a changé[1]. Toutefois, nonobstant l’attention accrue suscitée par la pandémie de COVID‑19 à l’égard du rôle potentiel des technologies financières et des possibilités qu’elles offrent, le rythme de l’évolution de la réglementation dans ce secteur a ralenti en 2020 en raison du fait que les priorités du gouvernement sont passées de la promotion de l’innovation par les technologies financières à la gestion de la pandémie. Cet article est un résumé succinct de certains des développements les plus importants sur le plan de la réglementation en 2020 qui peuvent avoir une incidence sur les acteurs du secteur des technologies financières.
Système bancaire ouvert/finances axées sur les clients
L’un des principes premiers sous-tendant un système bancaire ouvert est l’échange libre de données des consommateurs, de processus et d’autres renseignements entre les fournisseurs de services financiers. Les consommateurs auraient la possibilité de choisir des services d’un système bancaire ouvert en autorisant leurs fournisseurs de services financiers à partager leurs données de consommateur avec des tierces parties par des canaux numériques. Le gouvernement fédéral avait annoncé auparavant son intention d’amorcer le processus d’examen des avantages du système bancaire ouvert en août 2017[2], et en septembre 2018, le ministre des Finances mettait officiellement sur pied un comité consultatif sur un système bancaire ouvert (le « Comité »)[3].
Le 31 janvier 2020, le Comité a publié un rapport intitulé Les finances axées sur les clients : le futur des services financiers, qui offre un aperçu de ses conclusions et recommandations découlant de la première phase des consultations menées avec les parties prenantes en 2019. Point important, le Comité s’écarte du terme de « système bancaire ouvert » employé auparavant pour lui préférer le terme plus descriptif et inclusif de « finances axées sur les clients » (« FAC »).
Dans son rapport, le Comité indique que la mise en œuvre d’un cadre structuré de FAC comportant des règles et des règlements pourrait mieux protéger les participants, car il permettrait de mieux aborder et gérer les risques, en particulier ceux liés à la protection de la vie privée et à la cybersécurité. Le Comité a notamment mis de l’avant un système d’accréditation qui exigerait des participants qu’ils respectent certaines normes de gestion des risques. De plus, le Comité a proposé que le cadre des FAC établisse un processus de consentement clair et simple pour l’expression d’un consentement concret des consommateurs, donné par choix, par lequel ces derniers demandent expressément à leur banque de communiquer de l’information à d’autres participants. Le Comité a finalement recommandé que le gouvernement fédéral prenne d’autres mesures pour aller de l’avant avec le déploiement des FAC ainsi qu’un échéancier d’un à deux ans pour ce déploiement.
Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a alors pris le devant de la scène au Canada, ce qui a bien évidemment retardé l’échéancier proposé par le Comité. Toutefois, en novembre 2020, le Comité avait annoncé qu’il poursuivrait sa deuxième phase de consultation avec les intervenants, laquelle devait être tenue virtuellement en novembre et décembre 2020. Cette phase était centrée sur la question de savoir comment les organismes de réglementation et le secteur financier pouvaient améliorer la protection des données et atténuer les risques liés à la protection de la vie privée, et elle signalait un regain d’intérêt pour les FAC au Canada.
En plus des initiatives du gouvernement fédéral sur le plan de la réglementation, le secteur privé a aussi fait des progrès en 2020 en prévision de la mise en œuvre des FAC. Par exemple :
- La Banque de Montréal (« BMO») en partenariat avec Intuit, une société de conception de logiciels financiers, a conçu un nouveau portail sécurisé de données qui permet aux clients de communiquer leurs données financières de BMO à l’aide du logiciel de comptabilité d’Intuit, QuickBooks Online[4].
- TD Canada Trust (« TD») a conclu une convention d’accès aux données avec Intuit, qui permettra éventuellement aux clients de demander à la TD de transférer leurs données financières à divers services d’Intuit, y compris des applications de gestion financière personnelle[5].
- RevoluGROUP Canada, un concepteur de logiciels du secteur des technologies financières, a obtenu une licence du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (« FINTRAC») en décembre 2020[6]. RevoluGROUP a exercé ses activités en Europe, où le système bancaire ouvert est autorisé, et vise maintenant à lancer son application bancaire, RevoluPAY au Canada.
Pour de plus amples renseignements sur l’évolution du système bancaire ouvert et des FAC au Canada, notamment leurs risques et avantages, veuillez vous reporter à nos bulletins de février 2019, juillet 2019, et février 2020.
Plan de modernisation de Paiements Canada
Le 8 décembre 2016, Paiements Canada annonçait un plan de modernisation des systèmes de paiement du Canada sur plusieurs années. Ce plan visait notamment le déploiement d’un système de paiements en temps réel (« système de PTR ») et un nouveau système de compensation et de règlement de base (« Lynx ») qui viendrait remplacer le Système de transfert de paiements de grande valeur actuel.
Le plan de modernisation des paiements a été poursuivi en 2020, et le 15 juin 2020, Paiements Canada a annoncé la publication de la norme sur les messages ISO 20022 pour Lynx, permettant aux institutions financières de mettre à jour leurs applications actuelles et de concevoir de nouveaux services. La norme ISO 20022 est une norme internationale sur les messages financiers qui permet la compensation et le règlement de paiements riches en données entre les institutions financières à l’échelle mondiale en instaurant un ensemble de messages communs. Les entreprises canadiennes pourront tirer parti de cette nouvelle norme sur les messages, qui permet une compensation et un règlement des paiements plus efficaces.
En septembre et en octobre 2020, Paiements Canada a sollicité des commentaires sur ses propositions de politiques dans son document de consultation intitulé Documents de consultation sur le système de PTR. Le système de PTR devrait être un système de paiement national qui permet les paiements en temps réel et permet aux institutions financières d’offrir de nouvelles manières pour les consommateurs et les entreprises d’effectuer des paiements irrévocables en temps réel. En plus d’être rapides et définitifs, les solutions de paiement seront riches en données grâce à l’utilisation de la norme sur les messages ISO 20022.
Le 15 décembre 2020, Paiements Canada a fait paraître Le point sur la feuille de route pour la mise en œuvre de la modernisation de 2020, confirmant le lancement prévu de Lynx en 2021 et du système de PTR en 2022. Paiements Canada a aussi indiqué que les Canadiens préféraient de plus en plus les paiements numériques par rapport aux paiements en argent comptant et avaient adopté les paiements sans contact (par carte et mobile), par dispositifs portables, à même des applications et en ligne. Les améliorations apportées au système de paiement du Canada viseront à faciliter cette transition vers le numérique.
La prévalence émergente des paiements numériques au Canada a conduit la Banque du Canada à envisager l’idée d’une monnaie numérique de banque centrale (« MNBC »). Le 25 février 2020, la Banque du Canada a publié un document intitulé Plans de prévoyance concernant une monnaie numérique de banque centrale, qui jette les bases d’un cadre pour la mise à disposition du public d’une MNBC semblable à de l’argent, au cas où on lui demanderait de le faire. Cependant, la Banque du Canada indiquait clairement qu’elle se préparait seulement à se doter des moyens nécessaires pour pouvoir émettre une MNBC, mais qu’elle n’envisageait pas d’en émettre une pour l’instant.
L’adoption et la promotion de nouvelles technologies afin de se préparer à l’avenir est un thème récurrent pour la Banque du Canada. Ainsi, elle a annoncé le 30 juin 2020, qu’elle collaborera avec la Banque des Règlements Internationaux (BRI) à la création d’un centre d’innovation, dont l’objectif sera d’inciter les banques centrales à innover dans le domaine des technologies financières.
Monnaie virtuelle
Enregistrement auprès du CANAFE et conformité aux exigences
En juin 2019, le ministère des Finances a publié des modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « LRPCFAT ») et à ses règlements connexes visant les entreprises qui font le commerce de la monnaie virtuelle. À compter du 1er juin 2020, les « entreprises qui font le commerce de la monnaie virtuelle » sont tenues de s’enregistrer auprès du CANAFE à titre d’entreprises de services monétaires (« ESM ») et de se conformer aux obligations visant les ESM prévues à la LRPCFAT et à ses règlements connexes.
Les modifications définissent la « monnaie virtuelle » de la façon suivante :
- la représentation numérique de valeur pouvant être utilisée comme mode de paiement ou à titre de placement, qui n’est pas une monnaie fiduciaire et qui peut être facilement échangée contre des fonds ou contre une autre monnaie virtuelle qui peut être facilement échangée contre des fonds;
- la clé privée d’un système de chiffrement permettant à une personne ou entité d’avoir accès à une telle représentation numérique de valeur.
Les entreprises qui offrent des services tels que les échanges de monnaie virtuelle, le courtage de monnaie virtuelle et des services de guichet automatique bancaire pour monnaie virtuelle rentreraient dans la catégorie visée au paragraphe a) ci-dessus, et les entreprises qui détiennent pour le compte de leurs clients des clés privées (comme des fournisseurs de porte-monnaie) ou des jetons rentreraient dans la catégorie visée au paragraphe b) ci-dessus. Les entreprises étrangères qui font le commerce de la monnaie virtuelle sont aussi tenues de s’enregistrer auprès du CANAFE en tant qu’ESM étrangères si elles veulent continuer à offrir leurs services à des clients canadiens.
Les entreprises qui sont tenues de s’enregistrer auprès du CANAFE doivent aussi élaborer un programme de conformité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, lequel doit comprendre la nomination d’un responsable de la conformité, l’élaboration de politiques et de procédures écrites concernant l’identification des clients, la tenue des dossiers et le signalement d’activités ou d’opérations douteuses, la réalisation d’évaluations du risque, la mise en place d’un programme de formation continue ainsi que la réalisation d’examens périodiques concernant l’efficacité du programme de conformité.
De plus, le CANAFE se voit accorder le pouvoir législatif de délivrer et de publier des pénalités monétaires administratives pour toute non-conformité.
Le 2 décembre 2020, le CANAFE a publié des indicateurs de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Ces indicateurs s’appliquent à toutes les entités déclarantes qui sont assujetties à la LRPCFAT et aux règlements connexes. En particulier, le CANAFE a établi de nombreux indicateurs ou signaux d’alarme particuliers liés à la monnaie virtuelle et a souligné l’importance que les entreprises doivent accorder au fait d’identifier de manière appropriée leurs clients afin d’examiner et d’évaluer leur comportement.
Réglementation des valeurs mobilières
Les entreprises qui font le commerce de la monnaie virtuelle peuvent aussi intéresser le droit des valeurs mobilières. Le 16 janvier 2020, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié l’Avis 21-327 du personnel des ACVM – Indications sur l’application de la législation en valeurs mobilières aux entités facilitant la négociation de cryptoactifs. Dans cet avis, les ACVM ont indiqué que la législation en valeurs mobilières pouvait s’appliquer aux échanges qui facilitent l’achat et la vente de cryptoactifs.
En 2020, une plate-forme importante d’échanges de cryptoactifs a convenu qu’elle était assujettie à la législation en valeurs mobilières de l’Ontario dans un règlement conclu avec la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. Par conséquent, il est important pour les entreprises qui font le commerce de la monnaie virtuelle d’obtenir des conseils sur les exigences de la réglementation en valeurs mobilières en plus de s’enregistrer auprès du CANAFE et de se conformer à la LRPCFAT et à ses règlements connexes.
Conclusion
Même si le rythme des développements de la réglementation en 2020 n’a pas été aussi soutenu que prévu en raison de la pandémie de COVID-19, le Canada a néanmoins continué sa transition vers un milieu financier de plus en plus numérique. Cette transition a mis en lumière la valeur que les technologies financières apportent à l’économie canadienne. Le système bancaire ouvert, les FAC, la monnaie virtuelle et les solutions de paiement en temps réel riches en données offrent aux consommateurs et aux entreprises la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour gérer efficacement leurs finances et effectuer des opérations diversifiées. Toutefois, les initiatives liées aux technologies financières au Canada sont généralement tributaires des initiatives prises par le gouvernement fédéral envers la protection des Canadiens et le maintien d’une stabilité financière. À cet égard, le gouvernement fédéral considère que l’innovation en matière de technologies financières fait partie intégrante des cadres de réglementation complets visant l’atténuation des risques. Cette approche, alliée au développement continu des technologies financières et à la nécessité émergente de numérisation de l’économie canadienne au fil de la pandémie de COVID-19, suscitera d’autres développements sur le plan de la réglementation en 2021.
[1] Paiements Canada, La pandémie de COVID-19 change les habitudes des consommateurs canadiens (13 mai 2020)
[2] Ministère des Finances du Canada, Mesures stratégiques possibles pour soutenir une économie forte et en croissance (11 août 2017).
[3] Ministère des Finances du Canada, Le ministre Morneau met sur pied le Comité consultatif sur un système bancaire ouvert (26 septembre 2018).
[4] Banque de Montréal, BMO achève le portail d’interface de programmation pour les petites entreprises clientes dans le cadre de la transition vers un système bancaire ouvert (11 août 2020).
[5] Groupe Banque TD, La TD conclut une entente avec Intuit sur l’accès aux données en Amérique du Nord (2 septembre 2020).
[6] RevoluGROUP Canada Inc., RevoluGROUP Canada Inc. Granted Canadian FINTRAC License, GlobeNewswire (7 décembre 2020).
par Pat Forgione, Anthony Pallotta et Courteney Rickert (étudiante en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2021
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