Russie : le Canada durcit les sanctions économiques, resserre le contrôle des exportations et appuie l’exclusion de SWIFT
Russie : le Canada durcit les sanctions économiques, resserre le contrôle des exportations et appuie l’exclusion de SWIFT
Le 24 février dernier, le Canada a imposé des sanctions additionnelles à la Russie en réaction à ses actions militaires en Ukraine par la prise du Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie[1] (le « Règlement sur les MES visant la Russie ») et du Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine[2] (le « Règlement sur les MES visant l’Ukraine »), entrés en vigueur le jour de leur publication. Le Canada y prend ses mesures les plus sévères depuis les sanctions économiques imposées à la Russie après son annexion de la Crimée en 2014. Les nouvelles sanctions visent les opérations avec le secteur financier russe. Elles interdisent la réalisation d’opérations avec une longue liste de personnes et d’entités ayant un certain statut politique et financier en Russie et gèlent leurs actifs relevant de la compétence du Canada. Le Règlement sur les MES visant l’Ukraine impose également des sanctions globales aux régions de la République populaire de Donetsk (« RPD ») et de la République populaire de Louhansk (« RPL »), vu la reconnaissance par la Russie de leur indépendance par rapport à l’Ukraine.
Par ailleurs, le Canada a annoncé le 25 février des sanctions visant directement le président de la Fédération de Russie, son chef de cabinet et son ministre des Affaires étrangères. Il a aussi confirmé qu’il appuierait le retrait de la Russie du système bancaire SWIFT[3].
Ces mesures auront des effets importants, tant en sol canadien qu’à l’étranger, sur les citoyens et les entreprises du Canada qui ont des activités en Russie.
Restrictions sur les opérations avec le secteur financier russe
En coordination avec nombre d’autres membres de la communauté internationale, notamment les États-Unis et l’Union européenne, le Canada restreint les opérations réalisées avec la majorité des acteurs du secteur financier russe, dont ses plus grandes banques, VTB et Sberbank, ainsi qu’Alfa-Bank, Eximbank of Russia et le Russian Direct Investment Fund. Toute opération « portant sur un bien, où qu’il se trouve, détenu par [ces institutions] ou en [leur] nom » est interdite. Il est également interdit aux citoyens et aux entreprises du Canada de fournir des biens ou des services financiers aux personnes figurant à la nouvelle version de l’annexe 1.
De nouvelles interdictions s’appliquent aussi aux opérations effectuées par des Canadiens relativement à la dette souveraine russe. L’annexe 3.1 du Règlement sur les MES visant la Russie, nouvellement créée, désigne trois entités financières majeures du gouvernement : la Central Bank of the Russian Federation, le National Wealth Fund of the Russian Federation et le Ministry of Finance of the Russian Federation.
Il est maintenant interdit d’effectuer une opération sur « un nouvel emprunt, même indirectement, incluant une obligation, un prêt, une débenture, un octroi de crédit, une garantie d’emprunt, une lettre de crédit, une traite ou une acceptation bancaire, un billet à escompte, un bon du Trésor, un effet de commerce ou un autre instrument semblable » ou de fournir le financement nécessaire à un tel emprunt[4].
Ces mesures vont plus loin que les restrictions précédemment imposées aux personnes et entités des annexes 2 et 3 interdisant toute opération sur un nouvel emprunt d’une durée de plus de 30 ou 90 jours. Ce genre d’emprunt à court terme est maintenant interdit pour les entités de la nouvelle annexe 3.1.
Le premier ministre du Canada a par la suite annoncé que le pays appuierait l’exclusion de la Russie du système bancaire SWIFT, ce qui coupe essentiellement les liens entre les banques russes et le système financier international. On ne sait pas encore tout à fait quand et comment ces mesures seront appliquées, mais les citoyens et les entreprises du Canada devraient commencer à s’y préparer.
Sanctions contre la RPD et la RPL
Des sanctions globales visant les régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk, respectivement la RPD et la RPL[5], ont été imposées en réaction à la décision de Moscou de reconnaître leur indépendance[6]. Ces régions ne sont plus sous le contrôle du gouvernement ukrainien depuis l’intervention militaire russe de 2014. L’Ukraine considère ces régions comme des « territoires ukrainiens temporairement occupés », alors que la Russie les a officiellement qualifiées d’États indépendants le 21 février 2022.
Ces sanctions restreignent grandement les opérations que les Canadiens peuvent réaliser avec la RPD et la RPL. Il est plus particulièrement interdit :
- d’effectuer un investissement qui comporte une opération relative à un bien se trouvant dans ces régions;
- de fournir ou d’acquérir des services financiers ou connexes à l’égard de biens se trouvant dans ces régions;
- d’importer, d’acheter ou d’acquérir des marchandises de ces régions ou d’une personne qui s’y trouve; d’exporter des marchandises destinées à ces régions;
- de fournir à ces régions ou à une personne qui s’y trouve toute aide technique, notamment de la formation, de l’entraînement ou des services de consultants;
- de soutenir le tourisme dans ces régions.
Les citoyens et les entreprises du Canada qui ont des activités en Russie ou qui réalisent des opérations avec des parties en Russie doivent lire attentivement la liste élargie de personnes désignées, puisque de nombreuses entités exportatrices de pétrole et de gaz (comme Gazprom et Transneft) et des acteurs importants d’autres secteurs (transport, aviation, services publics, défense, télécommunications, etc.) y sont nommés. Ces mesures visent à affaiblir les principaux secteurs économiques qui rapportent de l’argent au gouvernement russe.
Vingt-sept institutions ont été ajoutées à la liste d’entités russes désignées, dont des institutions financières de premier plan, des sociétés de transport comme Russian Railways, Sovcomflot (une importante société de transport maritime), United Aircraft Corporation et le groupe Wagner.
Ajout de personnes désignées
De nouvelles personnes et entités russes sont également nommées dans le Règlement sur les MES visant la Russie. Des sanctions ont été imposées à tous les membres de la Douma d’État qui ont voté en faveur de la reconnaissance de l’indépendance de la RPD et de la RPL[7]. Sont aussi visés quatre Ukrainiens considérés comme des agents de désinformation pro-Russie aux termes du Règlement sur les MES visant l’Ukraine[8], de même que 31 personnes qui ont un statut politique ou financier d’importance en Russie, leurs proches collaborateurs et les membres de leur famille[9].
Le gouvernement a annoncé qu’il allait désigner le président de la Fédération de Russie, son chef de cabinet et son ministre des Affaires étrangères en vertu du Règlement sur les MES visant la Russie, mais il n’a pas encore mis en application cette mesure. D’autres désignations pourraient s’ajouter prochainement.
Contrôle des exportations
Emboîtant le pas au gouvernement américain, le Canada a modifié ses contrôles à l’exportation dans le but de miner la capacité de la Russie de se procurer des marchandises et des technologies militaires et à double usage contrôlées pour l’empêcher d’accroître sa capacité militaire et de moderniser son économie[10]. Le Canada a indiqué dans un Avis aux exportateurs et courtiers qu’il ne délivrera plus de nouvelles licences pour l’exportation ou le courtage de telles technologies et marchandises vers la Russie. Toutes les licences précédemment valides sont également annulées en date du 24 février 2022[11]. Selon certaines estimations, ces licences permettaient des transactions totalisant environ 700 M$ en marchandises et en technologies[12].
D’autres mesures pourraient venir
Ces sanctions représentent les mesures les plus sévères prises contre la Russie depuis 2014, et d’autres restrictions pourraient être mises en place si la situation continue de s’envenimer en Ukraine. Les citoyens et les entreprises du Canada qui font affaire au pays ou à l’étranger et qui exercent des activités en Russie doivent surveiller les annonces et obtenir des conseils juridiques au besoin.
Le groupe du commerce international de McMillan suit l’évolution des mesures et tient ses clients actuels et potentiels au fait des dernières nouvelles.
[1] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2022-0027; Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2022-0029.
[2] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine, DORS/2022-0028; Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine, DORS/2022-0030.
[3] Canada to sanction Putin, Russia’s foreign minister for Ukraine invasion, 25 février 2022.
[4] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, art. 3.1(1.1).
[5] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine.
[6] Premier ministre du Canada Justin Trudeau, Le Canada annonce du soutien en réponse à la situation en Ukraine (Ottawa, Ontario), 22 février 2022.
[7] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie.
[8] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine.
[9] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie.
[10] Canada targets Russian elites, major banks in new sanctions amid Ukraine invasion, 24 février 2022.
[11] Avis aux exportateurs et courtiers, 1071 – Exportation et courtage vers la Russie d’articles figurant dans la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée et la Liste des marchandises de courtage contrôlé.
[12] Canada cancels $700M in export permits in response to Russian invasion of Ukraine, 24 février 2022.
par Neil Campbell, Éric Vallières, Chris Scheitterlein et Tayler Farrell (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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