Sa requête en sursis rejetée, c’est confirmé : China Mobile doit se conformer au décret et liquider
Sa requête en sursis rejetée, c’est confirmé : China Mobile doit se conformer au décret et liquider
En décembre dernier, la Cour fédérale a rejeté une requête visant à surseoir, en attendant l’issue d’une requête en révision judiciaire, à l’application d’un décret pris par le gouverneur en conseil (le « gouverneur ») en vertu de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC ») enjoignant à une société de télécommunications appartenant à l’État chinois de céder ou liquider les activités de sa filiale canadienne (le « décret »). Pour en savoir plus sur les circonstances ayant mené à ce décret, consultez notre bulletin d’octobre.
Ce qu’il faut retenir
Comme nous l’avons mentionné dans notre bulletin précédent, il s’agit seulement de la deuxième contestation en justice d’un examen en matière de sécurité nationale en vertu de la LIC. Toutefois, vu la multiplication de ces examens, on peut s’attendre à en voir de plus en plus. L’affaire met en lumière trois points importants dont les entreprises devraient tenir compte :
- Exploiter une entreprise canadienne sans déposer l’avis exigé par la LIC expose un investisseur au risque de faire l’objet d’un examen sur la sécurité nationale et joue en sa défaveur lorsqu’une instance judiciaire se demande s’il est équitable d’accorder un sursis.
- Un investisseur étranger pourrait être tenu de se conformer à un décret pris en vertu de la LIC lui enjoignant de céder ou de liquider les activités d’une entreprise canadienne, et ce, même s’il est en attente d’une révision judiciaire.
- Malgré les risques pour des emplois et des débouchées économiques, il y a une forte présomption selon laquelle les décisions du gouvernement sont dans l’intérêt public.
Critères pour l’obtention d’une mesure injonctive
Pour obtenir une mesure de redressement, China Mobile Communications Group Co., Ltd. (« China Mobile ») devait prouver, selon la prépondérance des probabilités : (i) que sa cause présentait une question sérieuse à juger, (ii) qu’elle subirait un préjudice irréparable en l’absence de sursis et (iii) que la prépondérance des inconvénients jouait en sa faveur. La Cour a conclu que les deux premiers critères étaient satisfaits, mais a rejeté la requête en sursis au motif que les inconvénients pour l’intérêt public étaient plus importants que le préjudice causé à China Mobile. De plus, la Cour a indiqué dans une remarque incidente qu’elle aurait tenu compte du fait que China Mobile n’a pas remis l’avis exigé par la LIC dans sa réflexion sur le caractère équitable des mesures à prendre.
1. Question sérieuse à juger
China Mobile a avancé la présence de deux questions sérieuses à juger. D’abord, selon elle, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (le « ministre ») a erré en renvoyant au gouverneur la question de l’investissement de China Mobile dans sa filiale canadienne, China Mobile International (Canada) Inc. (« CMI Canada »). Les risques pour la sécurité nationale invoqués dans le décret concernent ce que CMI Canada pourrait faire, alors que la LIC prévoit que l’investissement doit être renvoyé au gouverneur lorsque le ministre est convaincu qu’il porterait atteinte à la sécurité nationale. La Cour a souscrit à cet argument, tout en soulignant qu’il restait à savoir si le ministre pouvait se servir de conséquences possibles, plutôt que de conséquences probables, pour établir cette certitude. China Mobile prétendait également que le ministre et le gouverneur étaient partiaux en raison, notamment, du climat politique actuel. La Cour a rejeté cette allégation, faute de preuve.
2. Préjudice irréparable
China Mobile a allégué qu’elle subirait un préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé puisque l’audience sur sa requête en révision judiciaire n’aurait pas lieu avant le 5 janvier 2022, date butoir du décret. Cela entraînerait selon elle (i) la perte de la clientèle de CMI Canada et des coûts liés à la résiliation de contrats, (ii) la perte du permis de CMI Canada, (iii) la perte des employés de CMI Canada, (iv) une atteinte à sa réputation et (v) un manque à gagner et des coûts associés à la liquidation. Malgré l’absence de preuve à l’appui de ces affirmations, la Cour a indiqué qu’au moins certaines de ces conséquences étaient prévisibles à la lecture du décret.
3. Prépondérance des inconvénients
En rejetant la requête, la Cour a accueilli la preuve présentée par le gouvernement, composée notamment de rapports d’organismes veillant à la sécurité nationale et de la Federal Communications Commission des États-Unis, qui considère le gouvernement chinois comme une menace et qui a pris note du contrôle indirect qu’il exerce sur CMI Canada.
De son côté, China Mobile a soulevé plusieurs arguments pour tenter de faire jouer la prépondérance des inconvénients en sa faveur. La Cour n’a pas accepté la portée du préjudice irréparable, jugeant la preuve insuffisante. Elle a également souligné que si China Mobile gagnait sa cause, elle pourrait rebâtir son entreprise canadienne et réparer nombre des préjudices prétendument irréparables. La Cour n’a pas estimé que le ministre ou le gouverneur avaient contribué à un retard dans les procédures ni que l’octroi de prolongations pendant la période d’examen faisait échec à la position du gouvernement.
N’hésitez pas à communiquer avec nous ou avec votre personne-ressource chez McMillan pour en savoir plus au sujet de cet article ou d’un nouvel investissement au Canada.
par Joshua Chad, Joshua Krane et Kamal Azmy (stagiaire en droit)
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