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Services, technologies de pointe, marchandise de luxe, or, sanctions contre la désinformation et régime de confiscation : les dernières répliques canadiennes à l’invasion russe en Ukraine

12 juillet 2022 Bulletin sur le commerce international Lecture de 6 min

Le Canada impose de nouvelles sanctions économiques à la Russie et au Bélarus. Lors du sommet du G7 en Allemagne, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé des sanctions contre les agents et entités de désinformation et de propagande soutenus par l’État et contrôlés par de hauts fonctionnaires du gouvernement russe, ainsi qu’un embargo sur certains biens en or en provenance de la Russie. Le Canada ressert aussi davantage les restrictions imposées sur les exportations de biens pouvant soutenir les capacités militaires russes et bélarusses et sur les services critiques pour le secteur manufacturier russe. À plus large échelle, le gouvernement canadien a aussi établi un régime de confiscation des biens des personnes visées par ses sanctions afin de constituer un fonds d’appui à l’Ukraine.

Nouvelles sanctions à l’encontre des secteurs de la défense russe et des régions occupées de l’Ukraine

Le 27 juin 2022, le Canada a ajouté de nouvelles sanctions contre six personnes et 46 entités liées au secteur de la défense russe[1] et contre 15 Ukrainiens (entre autres : anciens hauts fonctionnaires et leurs familles, et dirigeants des régions occupées par les forces russes ou des agents russes)[2].

Le Canada interdit aussi l’exportation de technologies de pointe qui pourraient être utilisées par l’industrie de la défense russe pour améliorer sa capacité de fabrication[3]. L’embargo vient s’ajouter aux autres produits inscrits sur la Liste des marchandises et technologies réglementées (consultez cette page pour tous les détails)[4]. Il touche les appareils et composantes informatiques quantiques, les systèmes de réfrigération cryogéniques, et divers équipements et technologies de fabrication, comme les équipements utilisant l’extrusion ultrasonique ou le placage au laser, les microscopes et équipements connexes, et certains logiciels[5]. Ces interdictions sont entrées en vigueur dès leur annonce[6]. Les personnes et les entités au Canada, ainsi que les Canadiens à l’étranger, n’ont plus le droit d’exporter, de fournir, de vendre et d’envoyer ces marchandises ou technologies – y compris les biens immatériels qui s’y rapportent, comme les données techniques, les logiciels, le soutien informatique, la formation ou les services de consultation – à la Russie ou à toute personne située en Russie, peu importe la situation géographique des marchandises ou des technologies.

Le 27 juin 2022, le Canada a annoncé un ensemble de sanctions du même ordre contre le Bélarus, dont un embargo sur l’exportation des technologies quantiques, des technologies de pointe et des marchandises pouvant servir à la fabrication d’armes[7]. Treize Bélarusses et deux entités liées à l’État et à l’effort militaire ont aussi été ajoutés à la liste de sanctions[8].

Sanctions contre la désinformation

Le Canada impose depuis le 8 juillet 2022 des sanctions à 30 personnes et à 15 entités russes qui s’adonnent à la désinformation[9]. Le 24 juin 2022, le gouvernement fédéral a commencé par désigner 21 personnes comme agents de désinformation russes et 13 entités impliquées dans la désinformation[10]; neuf personnes et deux entités se sont ajoutées à la liste le 5 juillet 2022[11] – des mesures qui donnent une nouvelle couleur aux sanctions canadiennes, en ciblant le soutien de l’invasion russe par la propagande médiatique ou d’autres communications trompeuses. Les répercussions réelles des interdictions imposées aux personnes et entités visées restent toutefois à voir, étant donné la faiblesse relative de leur influence économique par rapport aux autres personnes sanctionnées.

Sanctions sur l’or

Le 8 juillet 2022, le Canada a aussi imposé une nouvelle vague de sanctions économiques contre l’exportation d’articles en or par la Russie. L’importation de biens en or russes est maintenant interdite (ce qui inclut l’or brut, l’or sous formes mi-ouvrées, l’or en poudre, l’or monétaire et les bijoux en or)[12]. L’interdiction, également adoptée par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, a pour objectif « d’exclure ce produit des marchés internationaux officiels et d’isoler davantage la Russie du système financier international »[13].

Sanctions sur les marchandises de luxe

Le 27 juin 2022, le Canada a interdit l’importation et l’exportation de marchandises de luxe avec le Bélarus, des restrictions semblables à celles imposées aux marchandises de luxe russes et qui sont en vigueur depuis le 18 mai 2022 (consultez cette page pour en savoir plus). La catégorie des marchandises de luxe est vaste; elle inclut par exemple les boissons alcoolisées, le tabac, certains tissus et vêtements de sport, les chaussures, les vêtements et accessoires de luxe, les bijoux, la vaisselle, les œuvres d’art, les fruits de mer, le poisson et les diamants non industriels[14].

Ordonnances de confiscation de biens de personnes sanctionnées 

Le 23 juin 2022, le Canada a établi un cadre juridique lui permettant de saisir les biens détenus par des personnes et entités sanctionnées (consultez la page suivante pour en savoir plus)[15]. Jusqu’ici, il s’agit d’une mesure rarissime ailleurs dans le monde, mais les échanges au G7 portent à croire que d’autres pays emboîteront bientôt le pas[16]. La mesure s’applique à l’ensemble des personnes sanctionnées au pays, mais le moteur derrière cette nouvelle initiative est la constitution par le gouvernement canadien d’un fonds d’aide au peuple ukrainien à partir de la vente des biens saisis des oligarques ou d’autres personnes liées à l’invasion de l’Ukraine.

Les biens sont confisqués, peu importe la légalité de leur acquisition initiale et leur appartenance directe ou indirecte à la personne sanctionnée. Les modifications revoient la définition du concept de bien, pour permettre la saisie des biens de toute nature. La définition englobe l’argent, les fonds, la monnaie, les actifs numériques et la monnaie virtuelle, en plus d’autres actifs meubles ou immeubles, réels ou personnels, corporels ou incorporels, ou tangibles ou intangibles.

Les autorités canadiennes se verront octroyer des pouvoirs d’application supplémentaires, dont la communication de renseignements et la communication forcée, qui leur permettront de saisir les biens visés par les gels d’actifs et les embargos. Le ministre permet donc maintenant d’échanger des renseignements avec plusieurs organismes étatiques, dont le Service canadien du renseignement de sécurité, la Gendarmerie royale du Canada (GRC, la police nationale du Canada) et l’Agence des services frontaliers du Canada (qui administre entre autres les lois régissant l’importation, l’exportation, les frontières et l’immigration). La GRC assistera le ministre relativement à la saisie de biens et au blocage de biens visés par les sanctions et par de futures ordonnances de confiscation.

Sanctions contre les services offerts au secteur manufacturier russe

Le 9 juillet 2022, le Canada a annoncé son intention d’imposer une nouvelle vague de sanctions touchant le secteur de la fabrication industrielle, qui s’ajoute aux mesures de contrôle existantes sur les services offerts aux secteurs pétrolier, gazier et chimique russes (consultez cette page pour en savoir plus). Ainsi, il est interdit aux entreprises canadiennes (ce qui englobe toute personne au Canada et toute personne ou entité canadienne à l’étranger) d’offrir des services qui pourraient soutenir la production de biens dans ces quatre secteurs importants de l’économie russe. Ces sanctions ne touchent actuellement pas le Bélarus.

Les nouvelles mesures s’appliqueront au transport par voie terrestre et par pipeline, à la fabrication de métaux et d’équipement informatique, électronique, électrique et d’équipement de transport, ainsi que de machines[17]. On compte présentement 28 catégories de services qui ne peuvent être offerts à la Russie ou à toute personne en Russie dans les secteurs pétrolier, gazier et chimique, dont la construction, le commerce de détail, les services de réparation, les services comptables, les services d’ingénierie, les services informatiques, les services de publicité, les services de conseil en gestion, les services de recherche-développement et les services de consultations scientifiques et techniques[18]. L’ajout du secteur de la fabrication industrielle indique que le gouvernement canadien le considère comme un élément central de l’économie russe.

Contrairement à ce qui a été imposé pour plusieurs des sanctions annoncées, les entreprises canadiennes disposeront de 60 jours une fois les mesures en vigueur pour mettre fin à leurs contrats touchant les secteurs et services concernés[19]. Pour en savoir plus sur les enjeux contractuels pouvant découler des sanctions, consultez cette page.

À ce jour, le Canada a imposé des sanctions à 1 088 personnes et entités en Russie, 466 en Ukraine et 90 au Bélarus, en plus d’interdire un large éventail de transactions commerciales. Pour en savoir plus sur les sanctions déjà imposées, consultez nos bulletins précédents : 25 février 2022, 4 mars 2022, 29 mars 2022, 1er juin 2022 et 13 juin 2022; vous pouvez également communiquer avec un membre de notre équipe de droit du commerce international.

[1] Gouvernement du Canada, « Les sanctions canadiennes liées à la Russie» (27 juin 2022).
[2] Gouvernement du Canada, « Sanctions – Invasion russe de l’Ukraine» (7 juillet 2022).
[3] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie
(DORS/2022-165), modifiant DORS/2014-58.
[4] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (DORS/2022-165).
[6] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (DORS/2022-165).
[7] Gouvernement du Canada, « Les sanctions canadiennes liées au Bélarus» (27 juin 2022).
[8] Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus (DORS/2022-167), modifiant DORS/2020-214.
[9] Gouvernement du Canada, « Sanctions – Invasion russe de l’Ukraine» (7 juillet 2022).
[10] Gouvernement du Canada, « Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie» (24 juin 2022).
[11] Gouvernement du Canada, « Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie» (5 juillet 2022).
[12] Gouvernement du Canada, « Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie» (5 juillet 2022).
[13] Premier ministre du Canada, « Le premier ministre annonce l’imposition de nouvelles sanctions en appui à l’Ukraine» (27 juin 2022).
[14] Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (DORS/2014-58), Annexe 6.
[15] Loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures[Loi no1 d’exécution du budget de 2022] (Le projet de loi C-19 a reçu la sanction royale le 23 juin 2022, mais sa date d’entrée en vigueur n’a pas encore été annoncée); voir également Gouvernement du Canada, « Le projet de loi visant à faire croître l’économie canadienne et à rendre le coût de la vie plus abordable reçoit la sanction royale» (23 juin 2022).
[16] Reuters, « G7 mulling Russian asset seizures to help rebuild Ukraine, German finance» (20 mai 2022).
[17] Gouvernement du Canada, « La ministre Joly annonce l’intention du Canada de sanctionner davantage des secteurs économiques clés de la Russie» (9 juillet 2022).
[18] Gouvernement du Canada, « Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie» (6 juin 2022).
[19] Gouvernement du Canada, « La ministre Joly annonce l’intention du Canada de sanctionner davantage des secteurs économiques clés de la Russie» (9 juillet 2022).

par Neil Campbell, Lisa Page, Lena Raxter (étudiante d’été en droit) et Yazhi Zheng (étudiante d’été en droit).

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022

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