Un autre franchiseur mis sur la sellette en raison de lacunes importantes dans son document d’information
Un autre franchiseur mis sur la sellette en raison de lacunes importantes dans son document d’information
La récente décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire 2611707 Ontario Inc., et al. v. Freshly Squeezed Franchise Juice Corporation, et al., 2021 ONSC 2323 (« Freshly Squeezed ») est un autre exemple d’application par la Cour du critère établi dans l’arrêt Raibex Canada Ltd. v. ASWR Franchising Corp., 2018 ONCA 62 (« Raibex »)[1] pour déterminer si une ou plusieurs lacunes dans le document d’information du franchiseur donnent à un franchisé le droit d’invoquer le recours en résolution dans un délai de deux ans prévu au paragraphe 6(2) de la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises, L.O. 2000, chap. 3 (la « LAW »).
Dans l’affaire Freshly Squeezed, la Cour s’est appuyée en grande partie sur la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Raibex pour conclure que le défaut de fournir des états financiers complets et d’inclure une promesse de bail constituait une lacune importante dans l’information. La Cour a également conclu qu’en ne précisant pas que l’entreprise franchisée serait la première à être exploitée dans un environnement de vente au détail autre qu’un centre commercial, le franchiseur avait omis de divulguer un « fait important » (selon la définition de la LAW).
La Cour a estimé que ces lacunes avaient effectivement empêché le franchisé de prendre une décision d’investissement éclairée et qu’elles revenaient à une non-remise d’un document d’information obligatoire, autorisant de ce fait le franchisé à demander un redressement en vertu du paragraphe 6(2) de la LAW. La Cour a souligné que sa décision a grandement été influencée par le fait que le franchiseur a retenu des renseignements qu’il était en mesure de divulguer.
La Cour a également confirmé dans Freshly Squeezed que le critère permettant de déterminer si les lacunes en question atteignent le seuil justifiant une demande de résolution en vertu du paragraphe 6(2) repose sur une norme objective et tient compte des faits de chaque espèce, notamment des modalités du contrat de franchisage. Nul besoin pour le franchisé d’apporter la preuve que les lacunes importantes relevées ont réellement nui à sa capacité de prendre une décision d’investissement éclairée.
La demande de résolution
Le franchisé a conclu un contrat de franchisage avec la Freshly Squeezed Franchise Juice Corporation et a commencé à exploiter une unité dans l’aire de restauration RioCan de l’Hôpital Mount Sinai en mars 2018. Moins d’un an après l’ouverture, le franchisé a signifié un avis de résolution en vertu du paragraphe 6(2) de la LAW, invoquant quatre « vices fondamentaux » ou « lacunes importantes » pour établir la validité de sa demande de résolution :
- le certificat du franchiseur exigé aux termes de l’article 5 de la LAW contenait la signature d’un seul dirigeant ou administrateur (au lieu de deux);
- les états financiers communiqués étaient incomplets;
- le document d’information ne précisait pas que le franchiseur n’avait pas encore conclu de bail principal;
- la divulgation a été faite de façon fragmentaire.
Le franchisé a également fait valoir que le document d’information présentait deux autres lacunes, vu le défaut de divulguer les faits importants suivants :
- l’existence d’une promesse de bail partiellement signée entre le locateur et le franchiseur;
- le fait que l’entreprise franchisée était la première du système de franchises à ne pas être située dans un centre commercial.
Information concernant l’emplacement
Le franchisé a soutenu que le défaut du franchiseur de préciser qu’aucun bail principal n’avait encore été conclu pour cette franchise et de lui offrir des protections contractuelles (si les modalités du bail principal étaient inacceptables) constituait une lacune importante. Il a fait valoir, en outre, qu’il aurait dû être informé de l’existence de la promesse de bail que le franchiseur avait négociée et signée avant la remise du document d’information.
La Cour a souligné que le défaut de divulguer l’absence d’un bail principal était atténué par le fait que le franchisé avait été informé autrement de son absence. La Cour a réaffirmé que le défaut de divulguer la signature partielle de la promesse de bail dans le document d’information (ou du moins d’en divulguer les modalités importantes) et d’offrir au franchisé une certaine « marge de manœuvre contractuelle » (comme ce fut le cas dans Raibex), tel que le droit de refuser l’emplacement proposé ou de récupérer son argent s’il jugeait les modalités du bail principal inacceptables, constituait une lacune importante.
La Cour a également conclu que le fait que cette entreprise franchisée était la première à être exploitée dans un environnement autre qu’un centre commercial était un fait important qui aurait dû être explicitement mentionné dans le document d’information.
Divulgation d’états financiers incomplets
Dans la décision Freshly Squeezed, la Cour a confirmé l’importance fondamentale de l’inclusion dans le document d’information des états financiers exigés pour assurer que tous les franchisés sont au courant de la situation financière globale du système de franchises.
Le franchisé a soutenu que les états financiers figurant dans le document d’information comportaient d’importantes lacunes, car ils ne contenaient pas les notes de l’auditeur auxquelles il était fait renvoi à certains postes. La Cour a accueilli les allégations du franchisé et a confirmé que les franchiseurs doivent divulguer pleinement aux éventuels franchisés les renseignements financiers pertinents pour leur permettre de prendre une décision d’investissement éclairée. Comme les notes de l’auditeur mentionnées dans les états financiers n’avaient pas été divulguées, la Cour a conclu que le franchiseur avait omis de fournir une version complète des états financiers.
Certificat du franchiseur et divulgation fragmentaire
La Cour a jugé que si un document d’information est exhaustif et contient tous les éléments requis, la remise au franchisé d’autres documents relatifs à la franchise ne contrevient en rien aux exigences de divulgation ni ne constitue une divulgation fragmentaire. Comme les parties s’appuyaient exclusivement sur le document d’information comme seule source de divulgation, il n’y avait pas de divulgation fragmentaire.
En outre, la Cour a conclu que, selon la preuve, il n’y avait qu’un seul administrateur et dirigeant du franchiseur au moment de la divulgation (et qu’une seule signature était donc appropriée), nonobstant le fait qu’à l’époque, un rapport sur le profil d’entreprise indiquait le contraire. Le certificat du franchiseur a donc été réputé avoir été signé conformément à la LAW.
Ce qu’il faut retenir
La décision Freshly Squeezed confirme que le défaut de divulguer des états financiers complets et l’information concernant l’emplacement est un motif suffisant pour justifier une demande de résolution en vertu du paragraphe 6(2).
En outre, la Cour a confirmé que le critère énoncé dans Raibex relativement à une telle demande demeure objectif et qu’il tient compte des faits particuliers de l’espèce. Elle suggère également qu’un fait important peut se rapporter à un élément qui n’existe pas encore, tel qu’un bail principal; toutefois, le défaut de divulguer un tel renseignement peut être atténué si le franchisé dispose de protections contractuelles adéquates dans le contrat de franchisage (comme la possibilité de refuser l’emplacement proposé ou de récupérer les sommes investies).
[1] Raibex Canada Ltd. v. ASWR Franchising Corp., 2018 ONCA 62.
par Andrae J. Marrocco, Adriana Rudensky et Mitch Koczerginski
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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