Vert, vraiment? L’écoblanchiment et les affirmations trompeuses liées aux facteurs ESG dans la mire des organismes de réglementation
Vert, vraiment? L’écoblanchiment et les affirmations trompeuses liées aux facteurs ESG dans la mire des organismes de réglementation
Les pratiques fondées sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (les « facteurs ESG ») font partie des grandes priorités des entreprises et de divers autres acteurs dans le monde d’aujourd’hui. Ces facteurs englobent un large éventail d’aspects, dont l’environnement, l’éthique, les droits de la personne, la responsabilité sociale des entreprises, la diversité, l’équité et l’inclusion.
Le présent bulletin fait un survol de questions d’actualité qui se rapportent aux affirmations liées aux facteurs ESG. McMillan propose par ailleurs diverses autres publications éclairantes sur le sujet, qu’on pense notamment à son sur les tendances liées aux facteurs ESG en 2021[1]. Pour en savoir plus sur ces questions ou pour obtenir une présentation détaillée sur l’incidence que la réglementation liée aux facteurs ESG peut avoir sur votre entreprise, n’hésitez surtout pas à contacter l’un ou l’autre des auteurs du présent bulletin ou votre personne-ressource habituelle chez McMillan.
Facteurs ESG et affirmations trompeuses
Les consommateurs sont enclins à soutenir des entreprises dont les produits et les services sont « respectueux de l’environnement », « verts », « durables » ou ont autrement des effets positifs pouvant être reliés aux facteurs ESG, ce qui encourage les entreprises à investir dans des initiatives axées sur ces facteurs.
Les entreprises peuvent recourir à divers moyens pour promouvoir leurs « qualités ESG » : marques de commerce, slogans, symboles verts, pratiques de marketing, indications sur l’efficacité. Des affirmations fausses ou trompeuses peuvent toutefois les exposer à une panoplie de risques d’ordres juridique, financier et réputationnel. Le risque que des administrateurs et des dirigeants soient tenus responsables au plan statutaire si des risques liés aux changements climatiques n’ont pas été adéquatement déclarés, conjugué à la multiplication des phénomènes météo extrêmes, accroît les pressions qui s’exercent sur les entreprises pour qu’elles fassent de telles déclarations.
L’écoblanchiment (aussi appelé « verdissement d’image ») survient quand des communications, l’image de marque ou le marketing d’une entreprise contiennent, intentionnellement ou non, des informations fausses ou trompeuses au sujet de l’environnement ou du développement durable, par exemple le fait d’affirmer à tort qu’un produit ou une entreprise est « écologique » ou « propre », d’exagérer des qualités écologiques, de présenter une initiative environnementale de manière erronée ou de sous-estimer des émissions. L’écoblanchiment englobe aussi les communications d’entreprise qui visent à tirer avantage d’une image environnementale positive tout en passant sous silence des pratiques (celles relatives à sa chaîne d’approvisionnement à l’étranger, par exemple) néfastes pour l’environnement.
Tandis que l’écoblanchiment et les affirmations mensongères entourant les facteurs ESG font les grands titres, la surveillance des autorités de réglementation, les mesures d’application gouvernementales et les litiges civils sont à la hausse pour les entreprises. Cela n’a rien d’étonnant, étant donné la myriade d’affirmations qui sont avancées, le manque de consensus sur le sens exact du concept et l’absence de systèmes de vérification et de certification généralement reconnus. Qu’est-ce qu’un engagement de carboneutralité valable, par exemple? Et à qui revient-il de faire cette détermination? Jusqu’ici, la compensation carbone est le sujet qui fait le plus souvent l’objet d’écoblanchiment. Telle ou telle mesure annoncée en grande pompe entraîne-t-elle véritablement une réduction nette des émissions, ou ne fait-elle que jeter de la poudre aux yeux?
Dans ce contexte, il revient aux entreprises de démêler de multiples régimes de réglementation tout en essayant de renvoyer au public une image positive de leurs initiatives ESG. Gare toutefois à l’excès de zèle : l’écoblanchiment peut entraîner de lourdes sanctions et porter gravement atteinte à la réputation de nombreux types d’entreprises, dont des émetteurs assujettis (sociétés ouvertes), des fonds de placement et des sociétés fermées.
Réglementation des valeurs mobilières
Les organismes de réglementation des valeurs mobilières du Canada surveillent de près les pratiques de déclaration en matière de promotion et de conformité des gestionnaires de portefeuille, des gestionnaires de fonds d’investissement ou des courtiers sur le marché dispensé en ce qui a trait aux activités de placement tenant compte des facteurs ESG. Ils cherchent à éviter que l’information ou la promotion d’un fonds d’investissement induise volontairement ou non les investisseurs en erreur au sujet des aspects liés aux facteurs ESG.
En janvier 2022, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié un avis du personnel qui fournit des indications sur les pratiques des fonds d’investissement en matière de publication d’information sur les considérations entourant les facteurs ESG[2]. Les ACVM ont publié cet avis après avoir constaté que plus de la moitié des fonds qu’elles avaient examinés avaient omis de fournir de l’information détaillée sur les facteurs ESG pris en considération dans leur stratégie de placement, et qu’un cinquième détenaient des placements qui semblaient être en contradiction avec leur nom, leurs objectifs ou leurs stratégies de placement.
Nous nous attendons à ce que les autorités en valeurs mobilières continuent de surveiller étroitement les affirmations liées aux facteurs ESG, en particulier dans les communications s’adressant au public.
Réglementation de la concurrence
L’écoblanchiment retient aussi de plus en plus l’attention du Bureau de la concurrence du Canada. En 2022, le Bureau a entrepris des enquêtes sur le sujet, a publié des mises en garde à l’intention du public et a imposé de fortes amendes à des entreprises qui faisaient de l’écoblanchiment. Il a aussi tenu, en septembre, le Sommet sur la concurrence et la croissance verte, pour étudier l’interaction entre le droit et la politique de la concurrence et la durabilité.
Le Bureau est, selon nous, appelé à continuer d’élargir ses enquêtes sur les entreprises soupçonnées de faire des déclarations trompeuses liées aux facteurs ESG, et de prendre les mesures d’application de la loi qui s’imposent.
Réglementation américaine et européenne
Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (la « SEC ») renforce elle aussi sa réglementation liée aux facteurs ESG. L’organisme de réglementation des valeurs mobilières a proposé des règles qui obligeraient les sociétés ouvertes à inclure certaines informations relatives au climat dans leurs documents d’information[3]. En mars 2021, la SEC lançait le Climate and ESG Task Force, chargé de relever les manquements liés aux facteurs ESG[4]. Ce groupe de travail a déposé des accusations dans cinq dossiers en 2022 seulement.
Le 15 septembre 2022, le U.S. Congressional Committee on Oversight and Reform tenait une audience pour étudier des déclarations d’Exxon, de Chevron, de BP et de Shell au sujet des changements climatiques. Cette audience s’inscrivait dans le cadre de l’enquête du comité sur « la campagne que mène depuis longtemps le secteur des combustibles fossiles pour propager de la désinformation sur les changements climatiques et verdir son rôle dans le réchauffement planétaire »[5].
En Europe, la Commission européenne étudie ou est en voie d’adopter plusieurs propositions qui obligeraient les entreprises à publier des informations relatives aux facteurs ESG et qui protégeraient les consommateurs contre les affirmations trompeuses. Les propositions concernent des déclarations obligatoires, des exigences de justification d’allégations et des restrictions applicables à certains types de publicité liés aux facteurs ESG.
Plus tôt cette année, la SEC et l’organisme de réglementation du secteur des services financiers de l’Allemagne ont lancé des enquêtes pour fraude au sujet d’affirmations de DWS, le plus grand gestionnaire de fonds d’Allemagne.
Protection des consommateurs
Les affirmations liées aux facteurs ESG peuvent aussi faire intervenir les lois canadiennes sur la protection des consommateurs. De manière générale, la protection des consommateurs au pays relève de lois provinciales et territoriales, mais la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation et ses règlements d’application, qui relèvent de l’administration fédérale, ont aussi un objectif en la matière : protéger le public contre l’information fausse ou trompeuse.
Si un consommateur a été trompé ou induit en erreur par une entreprise, il se peut que des recours s’offrent à lui, par exemple l’annulation de la transaction ou la récupération des montants versés. L’entreprise, elle, peut faire l’objet de mesures d’application de la loi, y compris l’émission d’une ordonnance administrative, l’imposition d’une amende, une offre volontaire de réparation [undertaking] ou l’annulation d’un permis (lorsque l’entreprise détient un permis délivré en vertu des lois canadiennes sur la protection des consommateurs.).
Différends et litiges
Au-delà des mesures que prennent les organismes de réglementation, on constate une augmentation des litiges civils entourant les facteurs ESG. Des risques liés aux courses aux procurations et à l’activisme actionnarial guettent les sociétés ouvertes qui ont une stratégie d’information inadéquate ou qui font des déclarations trompeuses au sujet des facteurs ESG.
Des poursuites au civil pourraient aussi être intentées contre des entreprises en vertu des lois canadiennes sur la concurrence, les valeurs mobilières ou la protection des consommateurs.
Nous nous attendons à une hausse des poursuites liées à l’écoblanchiment et aux facteurs ESG au Canada, dans des dossiers de recours collectifs, d’activisme actionnarial ou de responsabilité des administrateurs et des dirigeants.
Ce que cela signifie pour les entreprises
Les entreprises peuvent continuer de promouvoir leurs qualités ESG, mais, comme dans n’importe quel domaine, sans faire d’affirmations fausses ou trompeuses.
Comme les affirmations liées aux facteurs ESG sont scrutées de près, les entreprises doivent veiller très soigneusement à ce que leurs déclarations soient véridiques et vérifiables, qu’elles reposent sur des bases solides et qu’elles soient cohérentes avec leurs autres déclarations publiques. Les affirmations doivent être passées à la loupe avant d’être publiées, en particulier celles que contiennent les documents d’information, les communiqués, le matériel de marketing et les emballages.
Les enquêtes des autorités de réglementation, les mesures d’application de la loi et les litiges entourant les affirmations liées aux facteurs ESG sont appelés à se poursuivre au Canada.
Points à retenir
Au même titre que les informations sur la teneur en calories en alimentation ou que celles sur les bienfaits pour la santé de divers produits de consommation, les déclarations liées aux facteurs ESG visent à refléter la proposition de valeur d’une entreprise et à influencer favorablement l’acheteur ou le consommateur.
Elles ne doivent donc pas être faites à la légère. Voici quelques principes à suivre :
- ne pas faire d’affirmations liées aux facteurs ESG de manière arbitraire ou sur certains produits seulement;
- établir et faire respecter une politique interne sur les déclarations liées aux facteurs ESG, qui détermine notamment la manière dont les affirmations doivent être faites et qui en assume la responsabilité;
- adopter et employer des définitions bien établies de concepts clés comme la « durabilité » (bannir les mots à la mode);
- s’assurer que les affirmations (sous toutes leurs formes, y compris dans les images) sont claires, véridiques, exactes, équilibrées, étayées et vérifiables;
- ne pas faire de déclarations générales selon lesquelles des produits, des services, des chaînes d’approvisionnement ou des partenaires sont « verts », « durables », « écologiques », « agissent de manière socialement responsable », etc. sans pouvoir les étayer au moyen d’explications exactes et détaillées;
- envisager l’emploi de cadres de responsabilité et de transparence externes comme la certification dite « B Corp »;
- se tenir au fait des directives réglementaires concernant les affirmations liées aux facteurs ESG et se préparer à voir la réglementation évoluer;
- connaître les pratiques d’information sur les facteurs ESG publiées par votre organisme de réglementation;
- mener des vérifications sur les résultats, la conformité réglementaire et les pratiques d’information liés aux facteurs ESG, et corriger toute lacune relevée.
par Ralph Cuervo-Lorens, Samantha Gordon, Talia Gordner, Julia Loney, Leila Rafi, Beth Riley, Martin Thiboutot, Patricia Chehadé et Kendra Wilson (stagiaire en droit)
[1] ESG in Canada: What We Learned in 2021 and Looking Ahead to 2022 (en anglais)
[2] Avis 81-334 du personnel des ACVM – Information des fonds d’investissement au sujet des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance
[3] Press Release – SEC Proposes Rules to Enhance and Standardize Climate-Related Disclosures for Investors
[4] Spotlight on Enforcement Task Force Focused on Climate and ESG Issues
[5] [Fueling the Climate Crisis: Examining Big Oil’s Prices, Profits, and Pledges
par : Ralph Cuervo-Lorens, Samantha Gordon, Talia Gordner, Julia Loney, Leila Rafi, Beth Riley, Martin Thiboutot, Patricia Chehadé et Kendra Wilson (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2022
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