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Les licences implicites d’utilisation de marques de commerce : une étude de cas

Avril 2020 Bulletin de propriété intellectuelle Lecture de 5 min

Dans quel cas une licence d’utilisation de marque de commerce octroyée par une partie à une autre serait-elle implicite ? Dans l’affaire Core Consultants Realty[1] (« Core Consultants »), la Cour fédérale a récemment eu l’occasion de réexaminer cette question. Les faits dans cette affaire ne sont pas très particuliers, et de nombreux gens d’affaires ont sûrement eu des expériences semblables à un moment donné au cours de leur carrière en affaires. Cependant, la décision de la Cour a été rendue en fonction de plusieurs nuances qui seraient d’un intérêt certain pour les propriétaires de marques de commerce – s’ils souhaitent continuer de préserver leurs droits à leurs marques de commerce.

Dans l’affaire Core Consultants, la partie A a lancé une entreprise de courtage immobilier en utilisant une marque de commerce. La partie A a ensuite conclu une alliance d’affaires avec la partie B. Selon leur entente, la partie A continuerait d’exploiter son entreprise de courtage immobilier en utilisant la marque de commerce dans une ville, et la partie B ouvrirait une entreprise indépendante de courtage immobilier en utilisant la même marque de commerce dans une autre ville. Ce faisant, les parties A et B avaient l’intention de faire une promotion réciproque de l’entreprise de l’autre partie dans les deux villes à l’aide de la même marque de commerce. Cette relation et ces arrangements entre les parties A et B ont duré quelques années avant que les relations ne se détériorent. Au terme de la relation, la partie A a fait valoir ses droits à la marque de commerce contre la partie B, alléguant que la licence permettant à la partie B d’utiliser la marque de commerce en rapport avec son entreprise de courtage immobilier avait pris fin. Malgré la réception de la lettre de résiliation, la partie B a continué d’utiliser la marque de commerce en rapport avec son entreprise de courtage immobilier.

La Cour a décidé que la marque de commerce appartenait à la partie A. Elle a également décidé que la partie A avait octroyé une licence implicite en vertu de l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce permettant à la partie B d’utiliser la marque de commerce en rapport avec son entreprise de courtage immobilier et que la partie B avait enfreint les droits de la partie A à l’égard de la marque de commerce lorsqu’elle a continué de l’utiliser après la fin de la licence. La Cour fédérale a rendu sa décision après être arrivée aux conclusions suivantes :

  • la partie A a investi des efforts considérables dans le développement de la marque de commerce avant de former l’alliance d’affaires avec la partie B, notamment en enregistrant les noms de domaine qui utilisaient la marque de commerce, en développant la marque de commerce avec un concepteur graphique, en enregistrant une raison sociale utilisant la marque de commerce et en faisant usage de la marque de commerce en rapport avec son entreprise de courtage immobilier;
  • suivant la formation de l’alliance, la partie B a pu s’implanter sans heurts sur le marché du courtage immobilier dans sa ville en utilisant l’infrastructure existante mise en place par la partie A et décrite au point précédent;
  • l’approbation de la partie A était requise pour toute modification  de la présentation de la marque de commerce, ainsi que pour l’utilisation de la marque de commerce dans la raison sociale de la partie B et les initiatives générales de promotion de l’entreprise;
  • la partie A exerçait un contrôle matériel sur la marque de commerce grâce à son contrôle du site Internet principal que partageaient la partie A et la partie B, ainsi que les comptes de courrier électronique associés au nom de domaine et les comptes de l’entreprise en général sur les médias sociaux.

S’appuyant sur son analyse des points énumérés ci-dessus, la Cour fédérale a conclu que la partie A avait octroyé à la partie B une licence lui permettant d’utiliser la marque de commerce en rapport avec son entreprise de courtage immobilier, alors que la partie A contrôlait, directement ou indirectement, la nature ou la qualité des services utilisés en association avec la marque de commerce. En outre, la Cour note qu’il n’y avait pas d’entente formelle (ni écrite ni verbale) entre les parties qui aurait pu infirmer cette conclusion.  Bien que la partie B ait allégué que ses contributions financières à l’entreprise en général, y compris ses contributions liées à la révision du site Internet principal partagé entre les parties, lui conféraient un droit de propriété à l’égard de la marque de commerce, la Cour arrive à la conclusion que les contributions de cette nature témoignaient simplement de la participation de la partie B à l’entreprise en général et qu’elles n’étaient pas suffisantes pour établir un droit de propriété dans la marque de commerce.

Principaux points à retenir

  1.  Une licence d’utilisation de marque de commerce peut être déduite des faits. Même en l’absence d’une entente écrite ou verbale, une licence d’utilisation de marque de commerce octroyée par une partie à une autre peut être déduite des faits –pourvu que le concédant présumé de la licence prenne les moyens appropriés pour assurer un contrôle adéquat de la marque de commerce concédée. Dans l’affaire Core Consultants, c’est la somme d’une série de faits (la Cour a considéré les faits qui ont eu lieu et ceux qui n’ont pas eu lieu) qui a amené la Cour à conclure qu’une licence implicite d’utilisation de la marque de commerce existait entre la partie A et la partie B.
  2. La contribution à une entreprise n’a pas nécessairement de lien avec la propriété d’une marque de commerce. Il est important que les titulaires de licence se rappellent que leurs contributions pécuniaires à une entreprise (que ce soit l’entreprise du concédant ou une entreprise commune du concédant et du titulaire de licence) ne leur confèrent pas nécessairement un droit de propriété à l’égard de la marque de commerce concédée sous licence. Ces contributions seront plutôt perçues comme la participation du titulaire de licence à une entreprise.
  3. On doit porter une attention particulière aux normes et pratiques de l’industrie. La définition de ce qui constitue le contrôle d’une marque de commerce varie d’une industrie à une autre, et il est important de considérer les réalités d’affaires dans une industrie afin de déterminer si le concédant d’une licence a conservé un contrôle adéquat de sa marque de commerce en vertu des dispositions de la Loi sur les marques de commerce. Selon ces faits, il était évident que la partie A possédait suffisamment de droits de veto sur l’utilisation de la marque de commerce par la partie B.
  4. Consignez le tout par écrit.  Pourquoi vous exposeriez-vous aux inconvénients d’un litige et au risque d’avoir à convaincre un tribunal qu’une licence d’utilisation de marque de commerce doit être déduite des faits? Songez aux bénéfices potentiels que recèle une entente écrite au début d’une relation d’affaires. Bien qu’une entente écrite puisse ne pas traiter de toutes les incertitudes, elle peut néanmoins en réduire le nombre et servir de référence aux parties au cours de leur relation et, ce qui est tout aussi important, après la fin de celle-ci.
  5. Faites enregistrer votre marque de commerce.  L’enregistrement d’une marque de commerce constitue une preuve de propriété et offre au titulaire de l’enregistrement une plus grande protection dans le cadre d’un recours en violation contre un contrevenant réel ou potentiel et contre ceux qui exercent leurs activités en se fondant sur l’achalandage afférent à la marque et la notoriété du titulaire de l’enregistrement sur le marché.

par Pablo Tseng et Kaleigh Zimmerman

[1] Corey Bessner Consulting Inc c. Core Consultants Realty Inc et al., 2020 CF 224.

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder entièrement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2020

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